Plus d’une centaine de personnes, membres d'associations de défense des immigrés, militants communistes, élus, citoyens, ont répondu lundi 6 avril à l’appel du Collectif de soutien des exilés du 10ème arrondissement de Paris. Le rendez-vous avait été fixé à 18 heures 30, devant le square Villemin, pour dénoncer la grande précarité des migrants en errance autour de la gare de l’Est. Ce rassemblement silencieux est une réaction aux deux drames survenus la veille : un demandeur d’asile afghan de 26 ans, est mort poignardé à la suite d’une bagarre dans le square Villemin où il résidait. Par ailleurs, un migrant a été retrouvé mort à trois heures du matin dans le tunnel sous la Manche. Pour le collectif, ces incidents s’expliquent sans nul doute par les conditions de vie "indignes" des exilés, et sont une raison supplémentaire d’affirmer l’urgence de mettre à leur disposition des moyens d’accueil et d’hébergement.
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.ILS ERRENT EN CLANDESTINS DE PAYS EN PAYS
Depuis la fermeture du centre d’hébergement de Sangatte en 2002, l’afflux des réfugiés en provenance notamment d’Afghanistan, d’Irak, d’Erythrée et du Soudan n’a pas tari, bien au contraire. Certains rejoignent ainsi Paris. Dans la capitale, ces migrants séjournent aux abords de la gare de l’Est et dans les jardins du 10ème arrondissement, devenus leur ultime refuge. Ils sont Afghans pour la plupart, 300 en moyenne selon le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Beaucoup d’entre eux errent en clandestins de pays en pays, faute de pouvoir demander l’asile ailleurs qu’en Grèce, premier pays où ils ont fait l’objet d’une prise d’empreintes digitales, conformément aux règles européennes. Pour d’autres, la France est le premier pays d’arrivée, et ils y ont déposé une demande d’asile. Mais dans les deux cas, "ils sont à la rue, sans autorisation de séjour, sans allocation, sous la pression de la police et sous la menace d’une reconduite à la frontière", explique Jean-Pierre Alaux, chargé d’étude au Gisti.Un des Afghans présents au rassemblement du 6 avril, qui a gardé l’anonymat, a bien voulu témoigner, dans un français encore timide : dans son pays, il était journaliste radio. Il raconte qu’il y a deux ans, une bombe est tombée sur sa maison, tuant sa femme et ses deux fils. Il a pris la route de l’exil, seul et à pied, pour atteindre la France. Il n’a pas le statut de réfugié, car il n’en a pas fait la demande : "A quoi ça sert ? C’est perdu d’avance", explique-t-il. "Ici, il n’y a pas de place pour dormir, pour travailler, pour vivre". Il compte partir en Angleterre, où sont installés des membres de sa famille.
Dans le quartier du square Villemin, les habitants sont plutôt solidaires. "Je suis venue tendre la mains aux exilés, car ça me fait mal de penser à ces pauvres gens qui ont vécu des parcours douloureux", explique Monique Nolleau, une habitante du 10ème arrondissement. "Et le pire, c’est qu’on ne peut rien faire pour eux !" Plus généralement, c’est la politique d’immigration du gouvernement qui a été montrée du doigt lors du rassemblement. "Dans ce jardin sont installés des citoyens transitoires de notre arrondissement", a déclaré Alain Lhostis, conseiller PCF de Paris, pour qui "ils sont victimes d’une politique de mépris, répressive, qui consiste à fermer les portes de l’Europe de l’ouest". "Welcome, c’est ici, en bas de chez nous, tous les jours", s’est exclamé Eric Chopard, militant NPA de l’arrondissement, en référence au dernier film de Philippe Lioret.Le ministre de l’immigration Eric Besson a rappelé dans un communiqué paru lundi que "toute ouverture de centre permanent d’hébergement des étrangers en situation irrégulière était exclue". M. Besson a par ailleurs annoncé une amplification de la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, ainsi que le maintien d’un "haut niveau de contrôle" sur le secteur du square Villemin.
Aurélie Collas : Le Monde
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