On s'est retrouvé chez un apothicaire sur la place de Rahba Kdima, dans un quartier animé de la médina, où se tenait l'ancien marché aux grains et aux esclaves, à proximité des souks. La boutique n'était pas la vulgaire échoppe de souk à laquelle on se serait attendu, mais un magasin de conception plus moderne où plusieurs salons d'exposition s'agençaient autour d'un hall, clair, accueillant, où trônaient un jet d'eau et des corbeilles de bonbons acidulés, à discrétion.
Dès l'entrée, mille parfums vous titillaient les narines et vous portaient littéralement au cœur de l'officine où poudres, herbes médicinales, crèmes, embrocations, remèdes, plantes aromatiques et tiroir caisse du propriétaire vous attendaient de pied ferme. La clientèle aisée des touristes était nombreuse. On fut cadenassés dans l'un des salons par deux jeunes vendeurs rodés à cette pratique de vente forcée. Des dizaines de bocaux en verre renfermaient toutes les richesses du magasin. Les hommes furent dénigrés au profit des filles. Les deux vendeurs n'avaient délibérément pas de temps à perdre en considérations inutiles. L'un ventait les vertus curatives, alimentaires et esthétiques des produits d'un débit rapide et soutenu, tandis que l'autre jonglait avec les bocaux qu'il nous fourrait sous le nez, pour nous pénétrer de la vérité du discours de son coreligionnaire.
Sans reprendre son souffle, il loua les mérites du soek, cette écorce de noyer qu'on se frotte sur les dents pour les rendre propres, blanches et belles. Du piment, du safran, du paprika, du musc, de la belladone, de la cannelle, de la muscade et du cumin. De l'ambre gris pour parfumer le thé. Du thé à la menthe prêt à infuser. Du gingembre en poudre et en racines pour donner de la vigueur aux hommes, dont on connaissait déjà les propriétés dans le café. Du safran, en pistil exclusivement pour la cuisine, et en poudre, souverain contre les douleurs du ventre et nettement moins onéreux. Du mariage subtil de vingt-cinq épices pour agrémenter poissons, grillades, couscous et tajines. Certaines mêmes possédaient des propriétés aphrodisiaques, s'autorisa-t-il en clignant de l'œil à l'adresse des hommes. Du sanouge, particulièrement actif contre le rhume, la sinusite et la toux. Il exhiba ensuite des petits pots en terre cuites remplis d'une substance à base de coquelicot, dont les femmes se servent en guise de rouge à lèvres. Il préconisa l'emploi du khôl pour la beauté des yeux et du ghassoul, cet argile fortifiant pour les cheveux, à se faire en papillote dans du papier d'aluminium comme le faisaient les babs dans les années soixante dix avec le henné.
On n'était pas sorti si je m'aventurais à réclamer une quelconque substance analgésique pour vaincre ma céphalalgie. L'un des mecs à entrouvert la porte. Je bandais encore et j'avais du Paracetamol en poche. On en a profité pour filer sans demander notre reste.
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