lundi 28 février 2011

Stanley Kubrick l'exposition

Du 23 mars au 31 juillet à la Cinémathèque française.
Etendue sur près de mille mètres carrés, l'exposition proposera d'explorer le travail du cinéaste disparu en 1999 à travers de nombreux documents inédits. Son processus créatif sera largement à l'honneur aussi bien dans le domaine technique que narratif à l'aide d'installations, maquettes et présentation de matériel de pointe pour l'époque.
Une rétrospective de l'ensemble de son oeuvre sera proposée. Ses débuts de photographe, dans les années 1940, seront aussi dévoilés avec plusieurs dizaines de clichés pour beaucoup inédits. L'exposition s'enfoncera encore davantage dans le mythe Kubrick avec la consultation possible de documents sur des projets jamais concrétisés, à l'image de sa biographie de Napoléon. Elle se tiendra du 23 mars au 18 avril aux côtés d'une rétrospective Autour du Kubrick, qui réunira jusqu'au 2 mai des longs-métrages où semble régner l'esprit du cinéaste. Un cycle de conférences, des activités pédagogiques et une table ronde seront également proposés. Sans oublier la projection du documentaire inédit Il était Une Fois... Orange Mécanique cosigné par Serge July, Michel Ciment, Marie Genin et Antoine de Gaudemar. Du 23 mars au 31 juillet 2011 La Cinémathèque français 51 rue de Bercy 75012 Paris Tel : 01 71 19 33 33 Tarifs Plein tarif : 10 euros Tarif réduit : 8 euros Moins de 18 ans : 5 euros Horaires En semaine : de 12 h à 19 h, nocturne le jeudi jusqu'à 22 h (fermeture le mardi) Week-ends, jours féries et vacances scolaires : du 10 h à 20 h

samedi 26 février 2011

Milan Kundera successeur littéraire d'André Gide ?

Dans son blog « La République des livres », Pierre Assouline écrivait il y a peu à propos de l’héritage littéraire d’André Gide : « Rien n’est moins évident que l’héritage d’un écrivain. Non les droits et les espèces sonnantes mais le legs moral, littéraire ou intellectuel assuré par un successeur ou un légitimaire comme on disait autrefois, qu’il se réclame du Maître ou que la critique de son temps puis les historiens de la littérature le désignent comme tel.. (…) Modiano héritier de Simenon ? On l’a dit. John Le Carré dans la succession de Graham Greene ? Cela se défend, du moins pour le tourment de la trahison. (…) Et Gide ? Qui pour prendre la suite du « contemporain capital », ainsi que le qualifia André Rouveyre en 1924 ? (…) Interrogé par sur les actuels héritiers de Gide, Pierre Masson, qui a dirigé l’édition des Romans et récits d’André Gide dans la Pléiade, a répondu ceci : « Pas évident. Les romanciers français d’aujourd’hui sont souvent en empathie avec eux-mêmes, là où Gide garde toujours une distance ironique, et bien peu s’essaient à une réflexion générale sur la nature humaine. De la poésie hédoniste des Nourritures terrestres, Le Clézio (je pense au Chercheur d’Or) est l’un des rares représentants. Pour la critique moraliste Kundera est peut-être son meilleur héritier, mais en plus amer »
Ainsi l’auteur de « L’insoutenable légèreté de l’être » et de « Risibles amours » pourrait se révéler être le digne successeur d’André Gide. A l'instar de celui-ci, de Paul Claudel, d'André Malraux, d'Henri de Montherlant ou encore de Roger Martin du Gard, l'écrivain d'origine tchèque Milan Kundera, 81 ans, verra ses oeuvres complètes publiées en Pléiade de son vivant: la prestigieuse collection de Gallimard annonce cette publication en deux tomes pour mars 2011.

vendredi 25 février 2011

Toutes Suites : Alain Meunier

Grand soliloque pour âme en peine, ces suites ont résonné de toutes les façons et pour tous les goûts. L'intelligence avec laquelle Alain Meunier a su architecturer son interprétation, la réserve si émouvante de son chant profond, et soudain sa fantaisie, son allégresse, parfois teintée d'une certaine tristesse, tout séduit et convainc. Sans gratuité, ni jobarderie, sans pathos ni larmoiement, Alain Meunier tire de son instrument une palette de sentiments d'une subtile grandeur et d'une rare élégance. Mais il y a aussi une part de mystère dans ce jeu qui opte délibérément pour une certaine distanciation et atteint ainsi une sérénité sans prix.
Suites pour violoncelle seul de Johann Sebastien Bach par Alain Meunier, violoncelle
Harmonic Records H/CD9243 et H/CD 93 47

jeudi 24 février 2011

Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu

Jeudi 24 ARTE 20H40
Opération Moïse. Qui sait aujourd'hui ce que désignait ce nom de code, en 1984 ? Qui se souvient du rapatriement en Israël de milliers de Juifs éthiopiens, les Falachas, via des camps de réfugiés au Soudan ? Va, vis et deviens fait de cette épopée un destin : l'histoire d'un enfant que sa mère chasse loin d'elle et loin du Soudan, en le faisant partir avec les Falachas, pour le sauver de la misère, de la mort. En Israël, il devient Schlomo et grandit dans une famille d'adoption, en réussissant à cacher qu'il n'est pas juif. Mais cacher qu'il a la peau sombre et les cheveux crépus, c'est impossible. On sent que Radu Mihaileanu s'est emparé de ce sujet avec un véritable élan du coeur, une envie de dire la souffrance et le courage de tous les enfants qui, comme Schlomo, ont subi les chaos du monde. Le héros de Va, vis et deviens porte sur ses frêles épaules de grands sujets : la solidarité internationale, le racisme, la question juive et celle de l'identité personnelle... Pour aborder tout cela, il faut parfois simplifier cette saga : la famille adoptive n'existe que grâce à la mère et à son interprète, la formidable Yaël Abecassis. Mais Radu Mihaileanu ne perd jamais de vue son Schlomo, ni les paroles que lui a données sa vraie mère pour seul viatique : « Va, vis et deviens. » On le voit faire son chemin et sa vie, se construire lui-même. Sur cette entrée dans l'existence, sur l'amour maternel et l'amour tout court, rien ne manque. Et c'est fort, émouvant. Le public ne s'y est pas trompé, qui a fait de ce film singulier un succès populaire.
Frédéric Strauss

mercredi 23 février 2011

Toi, moi, les autres de Audrey Estrougo

20 salles seulement sur toute la France ne laisse pas beaucoup de chance à un film. Les Roméos modernes ont toujours le palpitant qui s'emballe à contre-courant, mais avoir des trémolos dans la voix et les jarrets coupés ne les empêche ni de chanter ni de danser. Pour un flirt avec Leïla, Gabriel ferait n'importe quoi. Chez cette brunette à l'opposé de ce qu'il connaît, tout l'attire... Il se sent lui-même. Mais la vie n'est pas une chanson douce. Le jeune étudiant du XVIe doit se marier à une poule de son sérail. Deux femmes, deux mondes, deux avenirs ? Sur le refrain shakespearien du « tout les sépare », Audrey Estrougo a imaginé un conte musical et social qui mêle valse des sentiments et marche chaotique d'une société, où les confrontations à la West Side Story opposent désormais police et sans-papiers. Si la jeune réalisatrice peine à s'affranchir d'un certain manichéisme, le choix contrasté et astucieux des chansons, l'énergie des acteurs - tous formidables, notamment Cécile Cassel -, la sincérité et l'émotion rendent ce film aussi vivifiant que sympathique. Avec Toi+Moi, le chanteur Grégoire a connu un formidable succès... Avec ce titre porte-bonheur, le film devrait faire d'autres heureux.

mardi 22 février 2011

Dutronc, Et vous et vous et vous...

Nombre de spectateurs (plutôt jeunes) sortaient des derniers concerts de Jacques Dutronc des étoiles dans les yeux, et balbutiant, mi-surpris mi-ravis : c’est vachement rock ! Comme si l’ancien guitariste d’El Toro et les Cyclones avait fait autre chose, depuis ses débuts comme cornac de Zouzou la twisteuse à la sortie de ses obligations militaires, de tenter d’insuffler à un Hexagone somnolent quelques refrains vibratiles. Or donc, guitares électriques et séminales, batterie irréprochable dans la scansion déterminée, et effets faciles invités à aller se rhabiller : tout cela pour nous, pour nous, pour nous…

lundi 21 février 2011

Les femmes du sixième étage de philippe Leguay

Dans la topographie des immeubles parisiens les classes sociales sont nivelées par étage. Au rez-de-chaussée il y a le cerbère en la personne de l’aboyeuse concierge et au sixième les chambres de bonnes. Ce sont ces chambres à vasistas qu'investiront un jour les étudiants mais pour l’heure réservées aux Bretonnes, avant de devenir repaires d'Espagnoles. Et entre les deux extrêmes les habitations bourgeoises des beaux quartiers. Dans ce Paris de 1962, Lucien Joubert, un agent de change rigoureux et père de famille coincé va découvrir ainsi, toute une communauté de femmes espagnole nichée sous son toit au sixième étage.Philippe Le Guay sait de quoi il parle, il a eu pour papa un baron agent de change qui avait jadis engagé une Espagnole. Souvenirs, souvenirs...ce qui donne une excellente reconstitution des années 60 et des dialogues savoureux pour une comédie française de qualité dans la lignée de Pierre Salvadori.

dimanche 20 février 2011

Cabaret de Bob Fosse

ARTE Dimanche 20 à 20h40
Ensuite un film. « Willkommen, bienvenue, welcome »… Ces mots suffisent aujourd’hui à convoquer le cabaret tel que Bob Fosse l’a imaginé (en adaptant les nouvelles du recueil Adieu à Berlin de Christopher Isherwood), un poil cynique et décadent avec toujours dans l’ombre une Liza Minnelli sexy et pétillante. Le film aurait pu se réduire à cela : un joyeux foutraque où se mêlent des chansons cultes, des morceaux de bravoure chorégraphiés et huit oscars en guise de rançon de la gloire. Il faut reconnaître que le projet était risqué et pas dénué de contradictions. En effet, comment parler de la montée du nazisme par le biais d’un genre léger et innocent. Mais loin de rejeter ces contradictions, Bob Fosse les exhibe pour en faire le noyau dur de son film. Il n’a pas peur non plus de questionner la forme même du musical pour mieux la renouveler. C’est sûrement ce qui explique pourquoi, quarante ans après sa première sortie en salles, Cabaret n’a rien perdu de sa force subversive et du malaise qu’il suscite chez les spectateurs.

samedi 19 février 2011

Adieu à Berlin de Christopher Isherwood

D'abord un livre. Lorsque Christopher Isherwood arrive en gare de Berlin un matin de 1929 pour rejoindre son ami, le poète anglais Wystan Auden, il a 25 ans. Il vient tout juste de publier son premier roman «Tous les conspirateurs», avec peu de succès, et il faudra toute la ténacité de Virginia Woolf pour que son deuxième ouvrage «Adieu à Berlin» soit édité. Chronique de l’Allemagne des années trente, de l’ombre brune qui petit à petit asphyxie tout un monde. Univers de petites gens, celui de sa logeuse Fraülein Schroeder, bourgeoise déchue, pleine de tendresse pour son "Herr Isherwood". La rencontre avec la famille Novak, le père éternellement saoul, une épouse atteinte de la poitrine et qui se plaint à longueur de journée, une fille un peu niaise, un garçon engagé dans la propagande des chemises brunes. Et au milieu de ce taudis, de ce monde à l’écart, l’autre fils, Otto Novak, séduisant ; celui qu’il avait rencontré à l’île de Reugen, celui dont son ami anglais est l’amoureux déçu. Chronique aussi de la riche famille des Landauer. Les promenades et les discussions littéraires avec Nathalia jusqu’au petit matin dans le Tiergarten. Nathalia qui lui fait découvrir Goethe, Jacobsen et le poète Stefan George. Témoin de la vie à Berlin, Christopher Isherwood est toujours en décalage, en recul par rapport à l’histoire racontée. «Je suis une caméra braquée, absolument passive, qui enregistre et ne pense pas» écrit-il au début de ce roman. Le narrateur, Christopher n’est là que comme regardant. Caché, sans jamais vraiment l’être, derrière l’histoire, il témoigne, ne joue pas le premier rôle. Christopher devient lui-même un personnage de fiction qui sait tirer parti de sa vie et nous offre ces intimités de la vie berlinoises. ■ Editions L.G.F., Collection : Le Livre de Poche

jeudi 17 février 2011

Distress de Stéphane Duroy

D’abord photographe de presse, Stéphane Duroy s’est peu à peu éloigné des médias pour développer ses projets personnels qu’il finalise dans des livres et des expositions.Il photographie peu, avec une grande économie de moyens et un traitement subtil et sans effet de la couleur (qu’il mêle au noir et blanc) pour explorer une Europe du XXe siècle marquée par deux guerres atroces dont il questionne la mémoire.Son parcours en Europe est marqué par une tonalité sourde, grave mais sans pathos, qui installe un temps d’où l’anecdote est absolument exclue pour laisser place à une forme de désolation.Poursuivant une approche à la fois documentaire et conceptuelle, son œuvre installe un constat désabusé sur le XXe siècle et ses conséquences contemporaines.Cette description simple et frontale de la détresse humaine et de ses frustrations interminables, réactualise les injustices profondes, qui au XIXe et XXesiècle ont généré théories et cataclysmes.
Distress de Stéphane Duroy, éditions Filigranes, 25 euros.

mercredi 16 février 2011

Toi, moi, les autres de Audrey Estrougo

D’abord il y eut une invitation à dîner en compagnie d’une toute jeune enfant et de ses parents. Puis une jeune fille timide, en job d’été, venu me dévaliser des grands classiques du cinéma en VHS. Puis la découverte bien des années plus tard de son premier film « Regarde-moi » en 2007 où la jeune fille timide portait un regard lucide sur la banlieue avec des images fiévreuses et précises et une maîtrise parfois étourdissante., suivant au plus près ces filles paumées mais volontaires.
Et l'autre soir dans le métro, de retour de Guéret, je suis tombé sur une affiche qui annoncait la sortie nationale de son second long métrage le 23 février. Je sais que la vie d'un film se joue l'espace de quelques heures le premier jour de sa sortie. Alors, si le coeur vous en dit courrez y : Gab a une vie rangée : une fiancée, un mariage en préparation, une famille aisée. Leïla ne s’autorise pas à vivre la sienne : des études de droit, un petit frère turbulent, une maman partie trop tôt… Alors lorsque Gab renverse le petit frère de Leïla, c’est le choc des mondes et le début d’une grande histoire d’amour qui va se heurter violemment à la réalité. Tina, la plus proche confidente de Leïla est sans papiers, sous la menace d’une reconduite à la frontière et se fait arrêter. Alors que le monde de Leïla s’effondre, Gab est prêt à tout pour elle, même à s’opposer à son père, préfet de police.

.Et qui a dit que rien n’était impossible tant qu’on a de l’amour ?…

mardi 15 février 2011

Henri Huet, Vietnam.

De père français et de mère vietnamienne, Henri Huet a couvert pendant 6 ans pour l’Associated Press la guerre du Vietnam. Mort à 43 ans dans un accident d’hélicoptère le 10 février 1971, avec le photographe Larry Burrow de Life Magazine, Henri Huet a laissé des clichés en noir et blanc qui font désormais partie de la mémoire collective. Pour le 40e anniversaire de sa mort Associated Press et la Maison Européenne de la Photographie exposent jusqu’au 3 avril 70 photos d’Henri Huet. A la fois sobres et intimes, puisque Huet immortalisait son pays dans la violence des armes, « Henri Huet, Vietnam » est une exposition incontournable de ce début d’année 2011.
Henri Huet, Vietnam, Maison Européenne de la Photographie, Paris 4ème jusqu'au 10 avril 2011.

lundi 14 février 2011

Le Royaume Uni à la page...

En 2010, un rapport rédigé par le cabinet d’études KPMG dénonçait la gestion des bibliothèques anglaises, "pas très fréquentées et très chères à gérer". Ces difficultés découlaient, selon le rapport, "d’équipes surqualifiées, d’une mauvaise utilisation de l’espace et de stocks inutiles". Il proposait donc que leur gestion soit confiée à des "communautés", aidées dans leur tâche par la technologie la plus moderne. Depuis le projet a évolué : ce sont les bibliothèques publiques que l’on va faire officiellement disparaître. Quelque 400 bibliothèques municipales sont menacées de fermeture en raison des coupes budgétaires supprimant leur subvention. Accusés, les municipalités et les responsables nationaux de la Culture tirent argument de la généralisation de l’internet et de la lecture en ligne et de la nécessité de moderniser l’outil bibliothèque en le supprimant dans sa forme jugée désuète. Le ministre de la Culture Ed Vaizey a lui-même repris cette antienne sur le mode : puisque les lecteurs disposent de toutes les informations chez eux grâce à internet, ils n’ont plus besoin de se déplacer jusqu’à une bibliothèque… CQFD!

dimanche 13 février 2011

Jaune Le Carré (8)

Blessé superficiellement, je fus admis dans le service de coutologie du professeur Coutelas, nouvellement créé et installé provisoirement dans le bureau de l’assistante sociale, madame Ollépovre, au rez-de-chaussée entre les Urgences et les toilettes, ce qui avouons-le est à peu près la même chose. Ma voisine de chambre était la jeune infirmière que j’avais cru mort, lardée qu’elle était de soixante dix sept coups de couteau sans gravité. Le bol, quoi.
Une enquête fut menée. Sur les quatorze locataires du S.S.R. treize étaient empaillés. Le locataire de la chambre 1 était un ancien professeur du centre hospitalier, le docteur Sicaire, inquiet du projet de fermeture du S.S.R. et passionné de taxidermie à laquelle il fut initié par l’un de ses patients, l’occupant de la chambre 2 :Anthony Perkins. Il fut jugé irresponsable et hospitalisé au service, oncologie, gériatrie, dinguerie du 5 ème étage du centre hospitalier de Guéret. Comme s’il n’y avait pas assez de monde comme cela à traîner dans les longs couloirs cirés du 5 ème étage ! Je profitais d’un léger mieux pour rendre visite à Rosiane. Je la trouvais au lit avec un malade en pyjama bleu. Je connaissais les difficultés de l’hôpital de Guéret mais je ne pensais pas que la situation fut catastrophique au point de caser deux malades par lit. Je m’en plains. J’avais raison. Monsieur Gogol, de la famille de l’écrivain russe, homme au demeurant très affectueux en captivité, testait les lit des malades les uns après les autres sur l’ensemble du centre hospitalier. Il pouvait s’attaquer tout aussi bien aux culs et aux seins des infirmières et aides soignantes occupées à soigner les malades inoffensifs. Je priais donc monsieur Gogol de quitter le lit de Rosiane, jeune fille de soixante quinze ans et malade de surcroît. Il se mit à courir derechef après une infirmière gymnaste, c’est à dire dotée d’abdos fessiers et de pectoraux phénoménaux, dans le grand couloir ciré où rodaient, encore et toujours, les égrotants tels des zombies. Rosiane mettait la dernière main à sa valise. Elle escomptait se rendre à pied à Paris faire une petite visite à l’urologue de St Louis le professeur Ladurite. Je filais illico dans ma chambre-bureau dire à madame Ollépovre ma façon de penser. «Vous ne voyez donc pas que je suis débordée ! brama t’elle. J’ai mon poste à tenir ainsi que celui laissé vacant par une collègue disparue et jamais remplacée. Je nage dans la paperasse ! Je suis au bord de la crise de nerfs ! Et vous, ben et vous, vous venez me faire chier avec votre transfert sur Paris ! Comme si j’avais que ça à faire des transferts ! Vous vous croyez au Mercato ? De toute façon l’oncologue chérie ne signera jamais un transfert pour convenance personnelle. Si vous, votre femme et votre belle-mère, ne voulez pas du S.S.R., c’est bien dommage, moi je ne peux plus rien pour vous ! Fallait pas venir en Creuse ! » Elle s’effondra en larmes. Elle dut être allitée sur son bureau en attendant une chambre désespérément disponible en neuropsychiatrie.
Je remontais en courant au cinquième. La chambre était déjà ocupée. Rosiane et Isabelle dans le couloir fermaient la valise. Fallait trouver une ambulance. Je trouvais dans les cartes de voeux reçus à la maison celles des pompes funèbres Mizenboate et des ambulances Rapido que j'appelais illico. Rapido, illico, mille euros expresso. Même pas le temps d'aller coller une mornifle à l'oncologue chérie pour la remercier de sa sollicitude. Je redescendis chercher mes affaires que je trouvais avec mon bon de sortie dans un sac poubelle devant la porte du bureau-chambre de madame Ollépovre.
J'entrais quand-même. Le bureau était vide. Le service de coutologie du professeur Coutelas venait de fermer. Les ouvriers s'afféraient déjà. Madame Ollépovre avait été revoyé chez elle faute de lit. Restaient les Urgences et les toilettes.
Sur le trottoir de l'avenue de la Sénatorerie je vis disparaitre les ambulances Rapido avec Rosiane dedans. Restait à suivre.
Je me pris soudain pour Rastignac : "A nous deux maintenant!" m'écriais-je en filant vers Paris.

samedi 12 février 2011

Jaune le Carré (7)

Le brouillard était tombé. On n’y voyait goutte. Le froid était vif. Dans la cour du centre hospitalier rares étaient les passants. Le seul aide soignant, un rien aventureux, à qui nous demandâmes notre chemin pointa une main tremblante sur les hauteurs et s’enfuit, gémissant, tout en se signant. Je le rattrapais. "Pourquoi avez-vous donc si peur ?" Il me dévisagea. Dans son regard se lisait l’effroi. "Nous avons envoyés plusieurs personnes à la recherche de madame Clément, aucune d’elle n’est revenue."

Rassurés nous commençâmes notre ascension enveloppés de tourbillons de neige. Nous montions avec difficultés. Parfois les nappes de brume se déchiraient et le S.S.R. se dessinait, menaçant et hostile. Enfin nous débouchâmes à proximité de la grande maison. Des nuées de corbeaux croassaient un peu partout. Aux fenêtres je discernais des silhouettes de vieilles dames. Nous étions sur la bonne route. Quelques ouvriers des ponts et chaussées,l’air morbide, creusaient des fosses, allez savoir pourquoi.

Nous nous mîmes vite à l’abri du froid. Immédiatement un parfum d’ammoniaque s'imposa à nous de façon ténue. Un long couloir ciré distribuait à main gauche quatorze chambres. Face à nous le bureau des infirmières. Il y en avait une. Nous lui exposâmes les motifs de notre visite. Aussi novice que nous, elle débutait dans le service et ne pu rien nous apprendre de plus que ce que nous ne pouvions voir. Le S.S.R. était plein. Je visitais chaque chambre agencée comme un mitard de centrale. Trois sur trois, un lit, un lavabo, une fenêtre, un téléviseur, une chaise roulante, un vieillard. Une douche aux rideaux lacérés à chaque extrémité du couloir.

Chambre 14 je vis de dos une petite vieille face à la fenêtre installée dan son fauteuil roulant. Je lus sur le post-it collé sur la porte : Eliza Chambers.

Chambre 13 je vis de dos une petite vieille face à la fenêtre installée dan son fauteuil roulant. Je lus sur le post-it collé sur la porte : Tom Cassidy. Tom Cassidy avait dû décédé et être remplacé par sa remplaçante que je voyais de dos. Il fallait juste changer le post-it.

Chambre 12 je vis de dos une petite vieille face à la fenêtre installée dans son fauteuil roulant. Cette petite vieille se nommait George Lowery.

Chambre 11 : Dr Fred Richmond.

Chambre 10 : Al Chambers.

Chambre 9 : Milton Arbogast.

Chambre 8 : Sam Loomis.

Chambre 7 : Marion Cranepar. A quand même! me fis-je, enfin une petite vieille qui ressemble à quelque chose avec un prénom de fille. A t’on idée aussi d’appeler une petite vieille de dos dans sa chaise roulante face à la fenêtre George, Al, Milton, Fred ou Sam. A moins que les moyens en post-it aient été restreints par Roseline, Georges, Xavier et Bertrand.

Chambre 6 : Lila Crane.

Chambre 5 : Caroline Hitch.

Chambre 4 : Yvonne Clément. Yvonne Clément!" Mais que faites-vous ici, madame Clément? Tout le monde vous cherche en bas….. " Je rentrais dans la chambre et retournais le fauteuil. Merde ! Ce n’était pas la madame Clément que je connaissais mais certainement sa sœur, maintenant morte et coiffée d’une perruque ridicule. Elle avait été naturalisée avec soin par un taxidermiste. Je reculais avec frayeur en direction de la sortie.

Chambre 3 : Noma Bates.

Chambre 2 : Anthony Perkins que je ne reconnu pas tout de suite à cause de sa perruque de guingois.

Chambre 1. Mystère.

Celle-ci était vide. L’eau coulait dans la salle d’eau toute proche. Le locataire de la chambre 1 prenait certainement une douche. J’écartais le rideau lacéré pour constater son absence et voir s’écouler un filet de sang par la bonde. James bonde. Il n’y avait qu’un pied qui dépassait. Le pied de la jeune infirmière fraîchement morte. Roseline, George, Xavier et Bertrand se débarrassaient ainsi du trop plein de personnel. Je compris mieux pourquoi les fossoyeurs au dehors.

Un froissement, un frôlement, un cri et je me retournais in extremis pour éviter le coup de poignard fatal assené avec force par l’occupant de la chambre 1 : Une vieille dame qui ressemblait à s'y méprendre àla grand-mère d'Alfred Hitchcock. (A SUIVRE)

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vendredi 11 février 2011

Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Besançon (2008)

Dimanche 13 France 2, 20h35

Pour une fois que le petit écran présente deux bons films le même soir, on ne s'en plaindra pas. Le quel choisir entre La Rumeur" de William Wyler présenté hier ou "Le premier jour du reste de ta vie" de Rémi Besançon ? Les cinéphiles opteront pour le premier, plutôt rare à la télévision. Cependant le second est loin d'être négigeable

Cà commence sur les images d’un film super 8. Vacances à la mer, les enfants sont petits. Puis les instants vont se succéder. Le spectateur traverse en 1h50 une douzaine d’années, partage les tranches de vie d’une famille qui rit et qui pleure. Chacun peut alors s’identifier aux personnages, revivre un petit morceau de sa propre histoire.

Ainsi, comme dans la vie.

La joie est à la hauteur de la peine. Les rires font un tel bien, complices ou coquasses. Nos courtes vies nous confrontent à la douleur, autant qu’elles peuvent nous surprendre, dans ces instants uniques. Rien n’est écrit. Du moins, rien ne peut être lu.

Comme dans la vie.

On se déchire parfois, séparés par l’incompréhension, les non-dits, les sentiments cachés. On se resserre aussi.
Bref, une fois n'est pas coutume, où les membres de la famille (spectateurs s'entend) se retrouvent un soir pour un excellent film.

jeudi 10 février 2011

La rumeur de William Wyler (1962)

Dimanche 13 ARTE 20H40

William Wyler ose aborder avec La Rumeur (1961) l’homosexualité féminine. Un drame psychologique en noir et blanc adapté d’une pièce qu’il avait déjà porté à l’écran 30 ans auparavant. Un casting de premier choix (Audrey Hepburn et Shirley MacLaine dans une partition subtile), un sujet scandaleux, une mise en scène au cordeau, La Rumeur avait tout pour marquer les esprits. Et pourtant, le film fait souvent partie des grands oubliés dans la carrière du réalisateur et des deux actrices. Il est clair qu’aujourd’hui, la vision donnée de l’homosexualité paraîtra un peu datée mais le véritable intérêt de La Rumeur réside avant tout dans la manière dont le film déplace son sujet pour pervertir les carcans d’une société puritaine enlisée dans ses contradictions…

mercredi 9 février 2011

Leader Price

Hier midi un pote est venu me voir et me demande si j'ai du Lieder Price. Des lieders, oui. du Price aussi. Margaret Price chante Schubert en prix économique . Déconnes pas, qu'il fait, Margaret de chez Lieder Price à cassé les prix et sa pipe la semaine dernière. Ben merde, que je me suis pensé. On ne joue avec les sopranos. Fin de l'anecdote.
Quand une artiste de l’envergure de Margaret Price s’en va, s’ajoute à la peine de celui qui veut lui rendre hommage la difficulté de résumer la richesse d’une carrière qui, des héroïnes mozartiennes aux Altenberg-Lieder de Berg, des mélodies de Schubert à l’Isolde exclusivement discographique et authentiquement géniale que lui offrit Carlos Kleiber, a tutoyé les sommets avec une constance à peu près sans égale dans l’Histoire du chant.
Partout, et tout le temps, il y avait cette voix riche, homogène, facile, mais toujours maîtrisée par une technique, canalisée par une discipline, travaillée par un art authentique, dénué de la moindre ostentation. Ces qualités, essentielles mais rares, c’est peut-être chez Verdi, où tant d’artistes ne se sont guère souciés de bon goût, qu’elles ont été les plus précieuses.

mardi 8 février 2011

Ben Sidran European 5et, Live at New Morning

En club, Ben Sidran est l'une des présences les plus chaleureuses qui soient : il sait parler au public, présenter les chansons, leur faire un sort. Sans doute il n'est pas parmi les meilleurs pianistes du monde, ni tout à fait Frank Sinatra ou Tony Bennett, mais aucun pianiste, aucun chanteur ne sait comme lui mettre l'auditeur à l'aise. Ben Sidran prouve qu'un jazzman est d'abord quelqu'un qui a un sens infaillible du bon tempo, celui qui met le mieux en valeur les paroles et la mélodie.

lundi 7 février 2011

Post coitum animal triste de Brigitte Rouan

ARTE LUNDI 7 20H40
Un coup de foudre. Rien à expliquer. Et pourtant, c'est spectaculaire, la passion, quand elle submerge du jour au lendemain une existence rangée, balisée, heureuse même, et remet tous les compteurs à zéro. Il n'y a rien à expliquer, et c'est ce qui, évidemment, a poussé Brigitte Roüan à y aller voir de plus près. De très très près. Dans Post coitum..., tout se joue à fleur de peau. On y sent palpiter les émotions les plus ténues, mais on y découvre aussi les cicatrices profondes que peut laisser un bonheur trop violent et qui vient trop tard pour durer. Diane a 40 ans, un job de directrice littéraire dans une petite maison d'édition qui la passionne, un mari avocat et deux enfants qui la comblent. Ce qui arrive à Diane, un beau jour, sans prévenir, c'est Emilio. Vingt ans de moins qu'elle, très (trop ?) beau, drôle, libre comme l'air. Elle ne se pose pas de questions, pas encore : elle « plonge ». Une espèce de raz de marée. Elle est dépassée. Transportée. « Sur un petit nuage », comme on dit. Comme Brigitte Roüan s'amuse à le montrer au sens propre, à l'aide d'un truquage naïf qui glisse un petit grain de fantaisie désuète dans une aventure violente, où les sentiments sont chauffés à blanc. Une aventure, surtout, vouée à l'échec. Car c'est l'échec, forcément, qui guette Diane. Elle a « une vie d'avance » sur Emilio. Un beau matin, Emilio rompt. Fini. C'est vertigineux. On peut même, dans une situation pareille, souhaiter mourir... Cette histoire n'en est pas vraiment une, tant le cinéma semble en avoir exploré toutes les variantes imaginables. Pourtant, Brigitte Roüan donne souvent l'impression de réinventer des situations archiconnues et de pratiquer avec une liberté renouvelée les figures imposées de l'amour fou et du chagrin d'amour. C'est qu'après avoir beaucoup hésité (voir interview ci-contre), elle a décidé de jouer elle-même le rôle de Diane. Choix décisif : Brigitte Roüan l'incarne avec une formidable énergie et des trésors de sincérité. Elle se livre avec une rare générosité. Dans l'extase comme dans la souffrance, dans le bonheur béat comme dans la déprime, elle ose, elle s'expose, comme si elle risquait sa propre peau. La réalisatrice décortique minutieusement des états d'âme que la comédienne traduit avec une finesse sans défaut. Ce beau portrait de femme au bord du précipice, ce morceau de quasi cinéma-vérité, teinté d'assez d'humour et d'autodérision pour désamorcer les pièges du mélo, n'a qu'un défaut : il est si fouillé, si convaincant, qu'en comparaison, les personnages qui l'entourent ont souvent l'air d'esquisses inachevées. A l'exception du mari trompé, qu'on voit peu mais qui échappe heureusement à toutes les conventions (Patrick Chesnais, tout en douleur rentrée et dignité blessée, est parfait), le film perd un peu de son acuité quand il s'éloigne des (délicieux ou affreux) tourments de l'héroïne. Le jeune amant (un nouveau venu, Borris Terral) reste flou : on n'en sait guère plus sur lui quand il sort de la vie de Diane. Quant au monde de l'édition, on n'y rencontre que de banals ectoplasmes, un auteur en panne d'inspiration et un éditeur obsédé par le prix littéraire à décrocher. Ces petits dérapages annexes, ces raccourcis maladroits, ainsi qu'une histoire secondaire à peine ébauchée et qui n'ajoute rien de décisif, tout cela s'estompe, finalement, emporté, comme les repères de Diane, dans la tourmente. Une belle et dangereuse tourmente, où il n'y a rien à expliquer peut-être. Mais où Brigitte Roüan a révélé, mine de rien, une réelle habileté à cerner l'inexplicable... - Un film magnifique.

dimanche 6 février 2011

Jaune le Carré (6)

Après la tempête, vint le calme. Dans le silence feutré de l’hôpital émanait encore quelques râles, quelques plaintes aussi, associés à de rares "pipi!" et "caca!" soupirés par des patients vidés de toutes forces. Quelques égrotants aux corps faméliques hantaient les longs couloirs cirés, qui à la recherche de sa chambre, qui une infirmière, qui un lit disponible, qui madame Clément. Nous approchions de la fin janvier et toujours pas de nouvelles de madame Clément. Les jours s’écoulaient paisibles. Et cette chambre jaune où survivait Rosiane me semblait d'une tristesse à pleurer. J’eus alors une subite envie de l’aménager. Je consultais le catalogue Ikea lorsqu’on nous prévint que Rosiane était un peu longue à arriver au bout de sa mort. Et que le lit, ben le lit, avec tout le monde qui errait dans les longs couloirs cirés, il allait bien falloir songer à le libérer. J’ai jeté un regard vide par la fenêtre. Il s’est écrasé cinq étages plus bas sur les poubelles de l’hôpital. « L’ensemble des protocoles a échoué. Ce résultat est un échec. Vous comprendrez qu’il s’agit de soins palliatifs. De notre côté nous ne pouvons plus rien faire. Avez-vous songez à un placement ? L’assistante sociale de l’hôpital vous aidera dans vos démarches. »
Le bureau de Madame Ollépovre est au fond d’un couloir du rez-de-chaussée entre les Urgences et les toilettes. Elle reprenait son poste et un poste laissé vacant. C’est dire si elle avait du travail. Au point de ne plus s’y retrouver entre les dossiers du premier poste et du second poste laissé vacant mais qui ne l’était plus puisqu’elle l’occupait dorénavant. Enfin pour Rosiane elle nous venta les mérites du S.S.R. Je me demandais ce que pouvais bien avoir à faire là-dedans la Société nationale Suisse de Radiotélévision avant de comprendre qu’il s’agissait d’un centre de Soin de suite et de réadaptation. De notre côté nous en avions entendu le plus grand mal. « Pour elle ce sera très bien. Surtout qu’elle va mieux »
Mieux que quoi ? me fis-je lorgnant d’un œil sartrien les reproductions de tableaux accrochés au mur. Isabelle et moi-même avons même clos nos yeux un court instant afin de mieux nous pénétrer de la vision de Rosiane amaigrie, chauve et équipée comme un spationaute. Pendant que madame Olllépovre parlait, j’ai baissé les yeux sur mes groles. J’avais une chaussure noire et une de couleur fauve. Il allait falloir que je perde cette sale habitude. « Montez-y, au S.S.R., vous serez surpris. » J’ai suivi son bras qui sortit de sa blouse se terminait par une main au bout de laquelle un index pointé par la fenêtre désignait dans le lointain sur les hauteurs du centre hospitalier, les contours hostiles d’une vaste demeure comme celle de la reproduction du Hopper sur le mur du bureau de madame Ollépovre « Maison au bord de la voie ferrée ».

samedi 5 février 2011

La Garçonnière de Bily Wilder

DIMANCHE 6 ARTE 20H45
Billy Wilder retrouve pour la seconde fois (après Certains l'aiment chaud et avant quatre autres collaborations) Jack Lemmon, et nous offre avec La garçonnière, un film magnifique.
Le tandem du film composé admirablement par Jack Lemmon et Shirley MacLaine, duo magnifique fonctionne à merveille dans ce rapport collègues-amis à défaut d'être amis-amants. MacLaine est toujours aussi belle et talentueuse, mais c'est à nouveau Jack Lemmon qui explose, véritable génie du comique qui associé à Wilder était le meilleur. Les dialogues, véritables charnières du film, sont tou simplement jubilatoires, drôles au possible au point qu'on se demande quel génie pouvait habiter Wilder pour qu'il puisse inventer tout ça en si peu de temps. La garçonnière est un film tout simplement immense.

The Serge Gainsbourg Expérience

Pour le vingtième anniversaire de la mort de Gainsbourg Brad Scott signe un album hommage et prouve qu'il aime décidément la chanson française. Après avoir joué avec les Higelin père et fils, après avoir chanté du Ferré sur scène, rien d'étonnant au fond à ce qu'il s'approprie cette douzaine de titres gainsbouriens, archi connus avec talent.

vendredi 4 février 2011

Jaune le Carré (5)

J'ai été tiré de mes considérations (voir Jaune le Carré 4) par deux garde-barrière recrutés par le STO. Ils tenaient en sandwich un type en blouse assortie élégamment à son visage blême, les mains ligotés avec son stéthoscope. Je lui ai soulevé le visage du bout de l'index droit. " Quand on est morveux, on se mouche, mon bonhomme, lui fis-je. Allez, avouez. Parlez vous fera du bien." Il avait les yeux rouges d'un lapin albinos mort. " J'ai prescris un scan de l'encéphalogramme pour madame Truquemuche Rosiane à son arrivée à l'hôpital de Guéret le 28 décembre…- Vous en êtes sûr ! ai-je hurlé. - Bien entendu, j'étais le médecin de garde. - Le 28 décembre ! ai-je hurlé. Mais nous sommes le 10 janvier ! Elle aurait pu avoir des lésions multiples et variées durant tout ce temps ! – Oh vous avez, moi je me contente de les prescrire, les scanner, pas de les faire passer. - Et pourquoi ne l'a telle pas passé avant, ce foutu scanner des boyaux de la tête ! - Je ne sais pas, tout était dans le " gros comme ça… " - Le " gros comme ça ?". - Oui, le " gros comme ça ", c'est ainsi que nous appelons les dossiers des patients, ici. – La demande était dans le « gros comme ça » et personne ne s’en est préoccupé ? – Faut croire. – Mais alors comment à telle pu passer le scanner le 10 si personne n’était au courant à part vous depuis le 28 décembre ? – je sais pas. – Pareil pour madame Clément ? – Madame Clément ! Qui c’est ça, madame Clément ? » je l’ai traîné jusqu’au placard à balais. « Et ça, c’est quoi ? » j’ai hurlé. Un portemanteaux. Y m’a dit. Un portemanteaux dans un placard à balais. – Et qu’est-ce qu’il y avait sur le portemanteaux dans le placard à balai ? – Sais pas. – Madame Clément ! » Le type était terrorisé. Le manque de sommeil et des hurlements, rien de tel pour vous faire avouer son homme, j’ai pensé. « Qui donc a ordonné de faire passer le scanner ? j’ai hurlé. – C’est moi ! » j’ai entendu. Une femme en blouse bleue à remonter le couloir jusqu’à nous en poussant une raclette nettoyante géante.
« Cémoi ! You fézé lé ménache, et lou dossier « grou coume cha » lé tombé par terre. Badaboum ; Houlala tous léche papié tousse meslangesse. Alors jé ramassé tousse et je refoure toussa dans le « grou coume cha » vité fé, bienfé. Et séla quéyé trouvé lé pozite yonne - Le pozite yonne, kézako ? - Ben le pozite yonne et doussou lé pozite yonne, yavé écrit, passé lé scannère à madame Trouquémouché. Alorre, yé prévenou lé responsab’ des chariots. Et y zon fépassé lé scanère à madame Trouquemouché. – Et vous pouviez pas le dire avant ? – Perzonne mé la demandé. Et pourquoi lou doctore il est attaché ? – Vous le connaissez ? – Cé lé doctore Degarde. – Le docteur de garde ? – Oui, lé doctore Degarde, c’est son nom. – Vous êtes le docteur de garde ? – Je me tue à vous le dire. – Mais vous êtes de garde depuis quand. ? – Depuis que je suis né." Je comprenais mieux son regard fatigué. (A SUIVRE)

mercredi 2 février 2011

Jaune le Carré (4)

" Mais qui a bien pu demander la photocopie du fromage de tête de madame Truquemuche Rosiane ? " se demandaient l'oncologue chérie et le chirurgien chéri tout en surveillant comme des spéléologues l'assèchement de la grotte à l'intérieur de Rosiane. J'ai lorgné le dossier " gros comme ça " pensant que la réponse était dedans. Autant demander à un archiviste de la BNF. J'en connais pas. Alors le dossier " gros comme ça " continuait à ronronner sur le radiateur tandis que l'oncologue chérie et le chirurgien chéri abandonnaient leur poste de veille.
" Savez, me lâcha le chirurgien chéri, à propos du scanner, on n'a rien trouvé. - Je sais, j'ai dit, c'est moche. On arrêtera peut-être le coupable un de ces jours. - Non, non, non, non, ce n'est pas de ça que je voulais parler. - Ah bon ! - J'ai reçu le résultat du scanner du cerveau, il n'y a rien. - Comment ça rien ! - Ben, rien. - Bon Dieu, mais vous êtes sûr ! - Certain - Mais ce n'est pas possible, elle avait encore un cerveau hier ! - Je vous rassure, elle l'a toujours. Par contre des lésions, aucune. " On s'est regardé. Il m'a jaugé. " C'est une bonne nouvelle, j'ai fait. - Plutôt " m'a été répondu. Puis ils se sont barrés dans le grand couloir vide sans écouter les jérémiades des malades.
J'ai emprunté un autre couloir vide jusqu'au frigo. J'ai décrypté les Post-it question de trouver le responsable du scanner. Que dalle ! J'allais me barrer lorsqu'en j'en ai vu un pointer le bout de son nez sous la semelle gauche de ma godasse droite, celle qui chaussait mon pied gauche d'une couleur différente de mon pied droit. Voilà ce que c'est de partir précipitamment, que je me suis dit in petto en le récupérant sous la semelle gauche. Signe de chance. J'ai lu : " madame Clément est dans le placard à balais. " Merde ! que je me suis exclamé in petto aussi en filant telle la balle 6mm d'un Smith & Wesson à crosse de nacre. Je vous rassure, je n'ai tué personne. J'ai toujours été mauvais en tir. J'ai même raté la porte du placard à balai où madame Clément n'était plus. C'est dire. Re merde et re in petto.
Le scanner d'abord, madame Clément ensuite. Fallait mettre une fin rapide aux agissements des êtres malveillants qui tentaient de nuire à la réputation du centre hospitalier de Gueret pour le faire fermer. Ah les gredins ! Certainement des sbires de George Tron, Roseline, Xavier, Bertrand ou est-ce consorts ? Suivez les lignes blanches au fond à droite, par ici la sortie.
(A SUIVRE)