jeudi 6 août 2009

Fils de boche

"Connaissez-vous la différence entre une hirondelle et un boche ?" Cette question a été posée par le directeur d'un établissement scolaire à un parterre d'enfants de six ans en présence de l'un d'entre eux, tête basse, à ses côtés. "L'hirondelle part en emmenant ses petits, le boche nous les laisse."
Honteux, "le fils de boche" comme le surnommait ses petits camarades, se réfugie sous un pont pour pleurer toutes les larmes de son corps, songeant même à se tuer.
On imagine aisément que la vie de cet enfant ne fut pas facile. La preuve en est que sa grand-mère avait choisi le "camp" des gens du village et ne l'a jamais embrassé.
Né pendant la Deuxième guerre mondiale d'une mère française et d'un père occupant et lieutenant dans la Wehrmacht, Daniel est devenu mercredi à Paris le premier enfant français de "Boche" à accéder à la nationalité allemande en vertu d'un accord récent.
Daniel, 66 ans, avait rendez-vous mercredi après-midi au consulat d'Allemagne à Paris. Il en est ressorti muni d'un certificat de nationalité allemande, après une cérémonie très émouvante. Les larmes aux yeux, il a déclaré : "Je suis allemand, je ne suis plus un bâtard, j'ai une maman et un papa, je suis un enfant comme tous les autres". "J'ai enfin cette deuxième moitié qui m'a cruellement manqué", a-t-il confié à quelques journalistes.
En 1943, sa mère était cantinière dans le camp allemand de Pleurtuit, en Bretagne, et eut une idylle avec le lieutenant Otto Ammon. "Je suis un enfant né d'un amour rendu impossible par la guerre", raconte-t-il dans un résumé écrit de sa vie. La France et l'Allemagne ne sont que récemment parvenues à un accord pour régler le cas de ces enfants de la guerre, en tout cas ceux qui veulent obtenir la nationalité allemande et devenir ainsi franco-allemands. L'histoire de ces enfants, le plus souvent soumis aux brimades et aux insultes dans la France de l'après-guerre, était longtemps restée entourée d'un lourd silence en France et en Allemagne.
Une fois réglés plusieurs points juridiques, concernant notamment les preuves de l'ascendance de ces enfants nés officiellement de père inconnu, l'Allemagne avait annoncé le 19 février dernier qu'elle pourrait enfin leur accorder la nationalité allemande. Daniel est le premier à bénéficier de cette mesure. Auparavant, dans un discours à Berlin, en avril 2008, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner avait regretté que la France et l'Allemagne soient si longtemps restées "sourdes à la détresse des victimes innocentes d'un conflit qu'elles n'ont même pas connu". Il y aurait plusieurs dizaines de milliers de ces "enfants de la guerre" nés en France. Selon un livre du journaliste français Jean-Paul Picaper et de l'écrivain allemand Ludwig Norz, ils seraient jusqu'à 200.000. Ceux qui cherchent aujourd'hui une reconnaissance par l'Allemagne sont fort peu nombreux, et le consulat ne s'attend pas à un afflux de demandes. En général, seuls ceux qui ont réussi à remonter jusqu'à leurs origines précises et qui entretiennent des relations avec leur famille allemande espèrent obtenir cette double-nationalité. Daniel, qui vit dans le département de la Sarthe, raconte que son père est mort vers la fin de la guerre, au moment du départ des troupes allemandes. "J'avais deux ans, il m'a pris dans ses bras, m'a donné le biberon et a écrit à sa famille, avant qu'il ne soit tué, qu'il avait un enfant en France".

mercredi 5 août 2009

La Traviata par Anna Nebretko & Roberto Villazon)

Le CD est aveugle, au grand dam du mélomane car il n’est qu'auditeur même si allongé sur son canapé il en apprécie la beauté et la justesse. Délaissant le livret il s’abandonne alors les yeux clos écoutant Alfredo qui nous laisse apprécier toute l'étendue de ses moyens vocaux, et Violetta caresse les phrases avec tendresse et sincérité. Elle aime. Cela se sent et nous aimerions être aimés par elle en retour.
Puis vint le DVD pour rêver tout éveillé devant cette Traviata à la mise en scène contemporaine et intelligente de Willy Decker. Si vous ne connaissez pas encore Anna Netrebko, vous allez craquer pour cette Russe de 35 ans, qui possède une voix magnifique, un réel talent d’actrice et une beauté à vous couper le souffle. À ses côtés, Rolando Villazón est aussi particulièrement impressionnant. Du vrai bonheur que cette « dépravée » pour pas cher.

lundi 3 août 2009

Papou Plage

Ma Mère est née en 1915 à Servian dans l'Hérault. Y résidait la plus grande partie de la famille Navarro dont les membres se sont peu à peu restreints et dispersés. Mes plus belles vacances d'été se sont passées dans ce que je considérais comme un petit coin de Paradis. Tous les deux jours nous nous rendions à La Tamarissière à Agde où mon oncle Elysée possédait un cabanon. Après la baignade, j'avais droit à un goûter que ma tante Elvire protégeait dans une boite métallique. Souvent de la pâte de coing poisseuse ou du chocolat mou avec du pain rassit.
Cette femme merveilleuse usait abondamment d’une langue faite d’un mélange d’espagnol et de patois local, même en présence du Duc de Lévis-Mirepoix dont elle fut la cuisinière quand il résidait dans son château de l’Hermitage Combas à quelques kilomètres du village, trajet qu’elle effectua à bicyclette jusqu’à la fin de son activité auprès de l’académicien. Toute sa vie n’a été qu’au service des autres, et en tout premier lieu celui de ma grand-Mère Mathilde, sa sœur, aveugle prématurément. Pendant les vacances elle préparait le repas de toute la famille. A la mort de ma grand-mère, elle a vécu en solitaire jusqu’à la fin de ses jours perdant elle aussi peu à peu l’usage de ses yeux bleus.
Au delà des souvenirs de jeunesse qu’évoquent cette photo de plage, je me souviens avec émotion d’une visite impromptue, rendue un jour de grosse pluie, pour lui présenter la future mère de Yann. En entendant la grosse cloche de l’entrée tinter, elle avait fait glisser le rideau de perles de bois pour voir, sous des trombes d’eau, les visiteurs grimper le raide escalier extérieur. Sa première réaction fut de poser son ouvrage à tricot sur la fauteuil près de la minuscule porte fenêtre, prendre Annie par les mains pour la faire asseoir dans le fauteuil de ma grand-mère, essuyer d’une revers de main ses protestations et lui essuyer les pieds avant de les lui glisser sur une brique chaude enveloppée d’une serviette éponge.