dimanche 29 mai 2011

La Creuse par le trou d'une aiguille (4)

Masure à La Charse, St Yrieix les Bois
Photos au sténopé par Papou Eglise de St Yrieix les Bois
Masure à Lavaux
Le noyer
Masure à Villerégnier

jeudi 26 mai 2011

Peuples de Gauche

PEUPLE DE GAUCHE - Gérald Bloncourt - Edit BOURIN La Galerie MARGES (Paris 11e) présente « PEUPLES DE GAUCHE » Exposition de 30 photographies de Gérald Bloncourt du 20 mai au 20 juin 2011
10 Mai 1981 : il y a 30 ans, la Gauche accède au pouvoir. Victoire du « Peuple de gauche » ou étape décisive d’une évolution où le peuple de gauche, cessant d’être le monde ouvrier, s’est dissout dans la mutation d’une société industrielle en société de services, où le Parti socialiste est devenu le parti des classes moyennes.
Gérald Bloncourt, né en Haïti en 1926 - expulsé vers la France en 1946 - livre son regard sur les années 70, à l’occasion de la parution de son livre de photos « Peuples de Gauche, 1972 – 1982 » chez François Bourin Editeur, introduit par un texte d’Edgar Morin : « Les redresseurs d’espérance ».
Pour Gérald Bloncourt, photographe engagé de toutes les luttes sociales depuis les années 50, cette décennie 70 est « pleine de contrastes et d’ambiguïté » par rapport au schéma simple de « la lutte des classes qui l’avait porté depuis sa jeunesse ». « D’un côté, les luttes des femmes pour l’avortement, le Larzac, les Lip, le Chili, l’aspiration à l’autogestion, les manifestations antinucléaires. De l’autre, la montée du chômage, les grands plans sociaux dans la sidérurgie, les mines, Usinor, Longwy… Le début de la liquidation des grandes concentrations ouvrières et d’une certaine culture ouvrière. »

mercredi 25 mai 2011

La Creuse par le trou d'une aiguille (2)

La maison à La Charse, St Yrieix les Bois
Photos au sténopé par Papou
St Yriex les Boix
La route. St Yrieis les Bois
Rue de La Charse, St Yriex les Boix
Les marguerites, La Charse, St Yirieix les Bois

mardi 24 mai 2011

la Creuse par le trou d'une aiguille

Rue de la Charse, St Yrieix les Bois
Photos au sténopé par Papou.
double impression Eglise de St Yrieix les BoisEglise de St Yriex les Bois Grange à St Yrieix les Bois Le hangar, La Charse, St Yrieix les Bois.

lundi 23 mai 2011

Vers Balbec-plage.

"Dans le petit chemin de fer d'intérêt local qui devait nous conduire à Balbec-Plage, je retrouvai ma grand'mère mais l'y retrouvai seule - car elle avait imaginé de faire partir avant elle pour que tout fût préparé d'avance (mais lui ayant donné un renseignement faux n'avait réussi qu'à faire partir dans une mauvaise direction), Françoise qui en ce moment sans s'en douter filait à toute vitesse sur Nantes et se réveillerait peut-être à Bordeaux. - A peine fus-je assis dans le wagon rempli par la lumière fugitive du couchant et par la chaleur persistante de l'après-midi (la première, hélas ! me permettant de voir en plein sur le visage de ma grand'mère combien la seconde l'avait fatiguée), elle me demanda : "Hé bien, Balbec ?" avec un sourire si ardemment éclairé par l'espérance du grand plaisir qu'elle pensait que j'avais éprouvé, que je n'osai pas lui avouer tout d'un coup ma déception. D'ailleurs, l'impression que mon esprit avait recherchée m'occupait moins au fur et à mesure que se rapprochait le lieu auquel mon corps aurait à s'accoutumer. Au terme, encore éloigné de plus d'une heure, de ce trajet, je cherchais à imaginer le directeur de l'hôtel de Balbec pour qui j'étais, en ce moment, inexistant, et j'aurais voulu me présenter à lui dans une compagnie plus prestigieuse que celle de ma grand'mère qui allait certainement lui demander des rabais. Il m'apparaissait empreint d'une morgue certaine, mais très vague de contours." "A tout moment le petit chemin de fer nous arrêtait à l'une des stations qui précédaient Balbec-Plage et dont les noms mêmes (Incarville, Marcouville, Doville, Pont-à-Couleuvre, Arambouville, Saint-Mars-le-Vieux, Hermonville, Maineville) me semblaient étranges, alors que lus dans un livre ils auraient eu quelque rapport avec les noms de certaines localités qui étaient voisines de Combray." Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en Fleurs.

dimanche 22 mai 2011

Le masque du démon (1960)

Un soir Alain, Michel et Jacques sont passés me prendre pour allez au kinos. Mes vieux étaient encore à table. Mon père m'a refilé dix balles et l'autorisation de minuit. Ont s'est trissés vie fait avant qu'il ne change d'avis. Le long du faubourg lépreux on a taillé la bavette question d'évaluer la couleur des tickets de l'entracte à refiler au type louche de l'entrée. Dans nos poches y avait un peu de tout. Surtout de rien. Avec les tickets de l'entracte, on rataient le docu, le journal et les bandes annonces mais on rentraient gratis. Faudrait quand même faire gaffe. Le type avait l'air aussi con que rogue, deux yeux, deux mains et nous, quatre, à chercher à lui refiler nos tickets sales et lui glisser entre les doigts dans le noir.
Le film choisi affichait complet et le type louche nous avait à l"oeil. Même les strapontins étaient pris. Nous nous sommes rabattus sur un film d’épouvante en noir et blanc. Jamais vu. Même pas peur. J'ai découvert bien plus tard que ce film "Le masque du démon" de Mario Bava, était adapté d’une nouvelle de Nicolas Gogol. L’histoire de la sorcière Katya, deux siècles après son exécution, revenait d'entre les morts pour trouver à la fois une vengeance et une nouvelle incarnation.
Ce Gogol tout de même. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, le film m'a foutu les pétoches. Au retour les lumières du Brazza nous attiraient comme des lucioles. On y a tué mes dix balles en grillant des cigarettes, accrochés au flipper. Pis après, ben après il a fallu rentrer. Rentrer à quatre, c'est cool. Plus cool qu'à trois puis à deux. Mais comme j'habitais le plus loin, obligé de rentrer seul après avoir perdu un à un mes camarades, j'avoue que je n’en menais pas large à minuit dans le Bobigny des années 60. Pas des ouvriers alcooliques en goguette ou des délinquants. Non, non, non, mais à travers les rues sombres, je voyais morts-vivants, goules et vampires prêts à fondre sur moi. Et face à la bouche noire de l’entrée de l’immeuble, j'ai pris vingt mètres d'élan pour sauter d’un bond les quatre marches jusqu'au palier, atteindre l’interrupteur et me précipiter dans les escaliers avant que la sorcière Katya ne surgisse de la sombre cave et ne m’emporte. De toutes les façons, elle aurait juste emporté mon cadavre car j'étais déjà mort de peur.

samedi 21 mai 2011

La canonnière du Yang-Tsé (1966)

Je ne sais comment qualifier ma conduite mais avec le recul de l’âge je dois bien admettre que durant enfance et adolescence je fus un sombre crétin porté par la fatalité et le cours des choses. En bref, je me laissais vivre.
Question d’éducation et de milieu social, peut-être. Question d’intérêt pour les choses de la vie, surement. Ainsi, alors que le monde bouillait et explosait autours de moi je me révélais simple spectateur, plus enclin à la rêverie et à la paresse que véritable acteur des événements de ma propre vie.
Dans les années 60 Steve Mac Queen correspondait à mon idéal masculin. Nevada Smith, la Grande Evasion, la Cannonnière du Yang Tse et Bullitt contribuèrent à entretenir le mythe. Cinq ans plus tard à bord du BSL Loire en mer vers St Pierre et Miquelon je découvrais « Une certaine rencontre » beau film intimiste de Robert Mulligan avec Natalie Wood et un Steve Mac Queen plus éclatant que jamais.
Pour l’heure, il me faut reconnaître qu’avec cette « Canonnière » j’allais en avoir pour mon argent, du mois celui de mon frère, avec ce grand film d’aventure d’une durée totale de trois heures.
En 1926, en Chine, la canonnière américaine San-Pablo se retrouve en plein cœur de la première guerre civile chinoise opposant les forces nationalistes de Tchang Kaï-chek aux communistes, patrouillant sur le Yang-Tse Kiang.
Compte tenu de ce qui précède vous aurez aisément compris que la volonté des scénaristes et de Robert Wise de « montrer sous un jour humaniste et désespéré un moment peu glorieux de l'impérialisme occidental en général, et ce à l'heure où l'engagement du pays au Vietnam se fait plus massif de jour en jour, m’a totalement échappée. Je n’y ai vu qu’un grand film d’aventure avec Steeve Mac Queen.
Mais à bien y regarder de plus près on ne peut s'empêcher de trouver cette "canonnière" engluée dans une bonne conscience très occidentale. Les Chinois sont montrés sous un jour favorable sont faibles, apeurés, martyrisés et voués à une mort certaine...
Les Chinois qui ont choisi de lutter contre les occidentaux, qu'ils soient nationalistes ou communistes, ne sont que des fanatiques et des assassins. Cela donne un film qui ne peut s'empêcher de verser dans une certaine condescendance. Pourtant, le personnage de Jake Holman, interprété par un Steve McQueen au jeu sobre, dégage bien une part d’humanisme. Son évolution psychologique et son regard porté sur les Chinois constituent l'intérêt majeur à côté de l'aspect purement "aventure" du film. Sa volonté de déserter de l'armée US par trop de dégoût de ce qui l'entoure ne manquait certainement pas de force en 1966 en pleine guerre du Viet-Nam. Le film, multiplie les rebondissements et les histoires parallèles dans une mise en scène du réalisateur de West Side Story, toujours maîtrisée alternant temps forts et moments de pure lenteur. Les décors naturels sont splendides et les intérieurs du navire impressionnants de vérité. Les différentes scènes d'actions sont admirablement maitrisées. Bref un superbe film d'aventure qui force à la réflexion pour peu qu’on veuille s’en donner la peine.

vendredi 20 mai 2011

Alexandre le bienheureux (1967)

Superbe que cet éloge de la paresse dans le film Alexandre le bienheureux d’Yves Robert.
Mon mois de juillet 1968 s’est passé à la plage, entouré de gosses de riches adhérents au Club des Cannetons. Cela ne veut nullement dire que ce furent de mauvaises vacances. Nous n’avions pas du tout la même notion de l’argent de poche. Personnellement je n’en avais pas et certains dépensaient sans compter pour les autres dont j’étais. Donc, je n’ai pas eu à m’en plaindre. Mon frère dispensait des leçons de natation à des marmots insupportables et ma belle-sœur prenait des bains de soleil. Maurice, le collègue de mon frère, ne supportait pas qu’on fume dans sa bagnole, dotée de pédiluves à l’ouverture des portes et d’un intérieur aseptisé visité au moins trois fois par jour par une chiffonnette dernier cri. Sa gonzesse du moment exhibait des cuisses de gambas sur une moleskine fauve. Avec son bikini « métallisé » elle se prenait certainement pour Barbarella qui rimait plutôt avec Nutella surtout au-dessus de la ceinture. Me restait le cinéma.
Alexandre n’en peut plus, les tâches quotidiennes à la ferme sont harassantes, il n’en fait jamais assez, le planning élaboré par sa femme est épuisant. Quand elle se tue dans un accident de la route, Alexandre alors plaque tout : champs, veaux, vaches, cochons, couvées et se me au lit…car la terre au même titre que l’homme a le droit au repos. Alexandre n’est pas fainéant, il est simplement paresseux.. Les animaux sont libérés. La maison est grande ouverte. Le chien fait les courses, conteste les prix. Par ces images c’est l’esprit d’Alexandre qui s’ouvre à la liberté par le boycott de l’horloge. Cette fable utopique bienfaitrice détruit le temps qui sans cesse oblige à refaire les mêmes gestes. Il ne travaille plus la terre, il l’admire. Le temps est au ralenti. Alexandre est bienheureux et je l’ai toujours été avec lui et le suis encore dans cette quête de l’essentiel.

mercredi 18 mai 2011

La motocyclette (1968)

au Kinos à la Baule en juillet 1968 1/4
1968 : l’année de la guerre, la vraie, celle avec des barricades, des coups de matraque, des pavés dans la gueule des flics, des baffes dans ma gueule et tout.
Ma première année au CEC George Elie à Bondy m'avait achevé. Au vu de mes résultats prodigieux j'étais appelé à redoubler. Certains seront donc amenés à penser que compte tenu des «Evénements», je ne pouvais pas être partout, lycéen et révolutionnaire : en classe et à l’auditorium de la Sorbonne, Rue Gay Lussac à lancer des pavés ou au stade Charlety. Je ne démentirais pas. Je n’y étais pas, sauf un peu en classe mais de façon fort distraite et lointaine. J’ai donc vu les «Evénements» à la télé avec les commentaires on ne peut plus objectifs des cadres de l’O.R.T.F.
Mais attendez, ça nez veut pas dire que je ne me suis pas révolté. Vous me prenez pour qui ? Un soir à table, je me souviens, alors que la télévision d’Etat diffusait les exactions de notre jeunesse, j’enfournais une cuillerée de purée en sachet (restriction oblige) tout en lâchant entre les dents : « Ils ont bien raison de se révolter… ». Je ne me souviens plus très bien de la profondeur philosophique et psychologique de ma fin de phrase. La purée a filé droit sur la vitre de la fenêtre tandis que ma joue gauche, soudainement incarnate, se trouva fort vivifiée par la violence de la dextre de mon père. Un père communiste ça ne rigole pas. Une mère gaulliste non plus. Surtout en 1968. J’ai donc été privé de Vache qui rit et envoyé illico expresso au pieux écouter la guerre sur mon transistor comme si c’était radio Londres.
1968, fut aussi l’année où mon frère, maître nageur au Club des Cannetons à la Baule, m’a convié à partager leur villégiature durant une partie du mois de juillet. Descendu par erreur à la Baule les Pins, j’ai traîné ma valise jusqu’à la Baule en empruntant les pistes cavalières où de belles écuyères du haut de leur monture dévisageaient le rustre d’un regard arrogant.
Ce fut donc une période d’émancipation relative vis-à-vis de mes parents. Robert et Gisèle, férus tous deux de cinématographe, m’emmenèrent cet été là voir plus de films qu’il ne m’étais permis d’en voir en l’espace d’une année. Peut-être est-ce pour cela que je m’en rappelle tant. Le long des neuf kilomètres de plage qui séparent Le Pouliguen de Pornichet, sans compter celles du centre ville, les salles de cinéma de la Baule me permirent de voir plein de films. Pour les simples raisons évoquées ci-dessus, je vais passer rapidement en revue chacun de ces films tout en avouant franchement que peu méritent de figurer dans le panthéon des films de ma vie. Prise par le désir irrépressible de rejoindre son amant, Rebecca quitte, avant les premières heures du jour, le lit conjugal, revêt sa combinaison de cuir et enfourche sa motocyclette pour se rendre à Heidelberg. A travers la campagne alsacienne, grisée par la vitesse et le froid du petit matin, elle repense avec jubilation à sa rencontre avec celui qui l'a initié à l'amour physique et, sur sa Norton Atlas.
C'était au cours d'un séjour dans une station de sports d'hiver avec son fiancé, Rebecca ne manque pas de remarquer qu'elle est l'objet de toutes les attentions d'un homme qu'elle reconnaît être un client de la librairie de son père. Pendant la nuit qui suit, l’homme s'introduit dans la chambre de la jeune femme et accède, sans résistance, à son intimité. Effrayée par son propre comportement, elle anticipe son mariage. Mais ne peut renoncer à revoir plusieurs fois son amant, lequel lui offre, à titre de cadeau nuptial, une superbe Electra-Glide. »
Dans cette adaptation d'un roman d'André Pieyre de Mandiargues, la fameuse motocyclette montée par Marianne Faithfull tient le rôle principal du film, tout entier construit autour de cette machine, tour à tour érotique et diabolique. Le film suit l'aller simple de l'héroïne, dont le passé est relaté par flashback. Aux souvenirs s'ajoutent les fantasmes masochistes de la jeune femme mis en scène de façon psychédélique, grâce à un procédé électronique de solarisation.
« Je crois que ce n’étais pas un film pour lui. » déclara Gisèle à notre retour de la projection. Tu m’étonnes, Simone. Elle n’avait pas de moto. Il n’avait pas neigé et je n’étais pas Alain Delon. De ce film donc, il ne m’est donc rien resté si ce n’est qu’à toujours ramper à travers un labyrinthe de sentiments, l’amour est une souffrance.

lundi 16 mai 2011

Vynalek Zkazy de Karel Zeman (1958)

J’avais dix ans, une seule chaîne télé et les copains en vacances. Déjà que rester seul le jeudi avec ma mère me faisais chier, alors, le jeudi tous les jours, forcément ça me façilitait le transit. Heureusement parfois, une fée vient à point pout titillermon magination.
Je me souviens d’avoir vu à cet époque là un super film à l’occasion des fêtes de fin d’années avec l’école. Un film dont je n’ai découvert le titre qu'il y a peu : « Vynález zkázy » un film de Karel Zeman qui m’avait littéralement scotché.

Le jeudi suivant cette mémorable projection, je me suis affairé dans ma chambre. Pour réaliser mon rêve il m’a fallu me procurer une boite en carton suffisamment grand pour pouvoir y glisser la tête et les épaules, trois boites à chaussures, du papier translucide, du papier d’aluminium, deux tendeurs, un tuyau rigide d’aspirateur et son flexible, un ceinturon, du gros ruban adhésif, des ciseaux, de la colle, un marqueur, une assiette à dessert, un foulard turquoise piqué à ma mère, des gants de manutention, une lampe torche, une paire de grosses chaussettes montantes en laine à mon père, un tournevis et le couteau à pain.
Mon père au boulot et ma mère à papoter chez une voisine j’étais tranquille. Personne donc pour contrecarrer mes plans. Munis de tout mon matos je me mis travail. Tout d’abord je pris soin de préparer mon pick-up avec l’exemplaire souple de la "Chevauchée des Walkyries» adressé gratuitement à mes parents avec l’offre promotionnelle d’acquisition de la collection complète de l’œuvre de Wagner chez Deutsche-Grammophon.
Sur la grosse boite en carton il y a six faces. Celle du dessous pour y glisser ma tête jusqu’aux épaules, celle du dessus prévue pour un autre usage. A l’aide du marqueur j’ai dessiné un cercle autour de l’assiette à dessert sur trois des faces restantes avant de les découper délicatement. Sur la face du dessus j'ai pratiqué une ouverture de cinq centimètres de diamètre maximum. Après un rapide essayage je n’ai pas omis une découpe semi-circulaire pour l’emplacement de mes frêles épaules. J’ai recouvert du mieux que j’ai pu toute la boite avec le papier d’aluminium sans en obstruer les ouvertures. Puis à l’aide du ruban adhésif j’ai collé à l’intérieur un grand carré de papier translucide sur l’ouverture faciale, les deux latérales devant me permettre de respirer. Sur le dessus de la même boite, j’ai fixé la lampe avec du ruban adhésif. C'était un boulot d'enfer mais le résultat était digne d’une super production du grand Ed Wood, qui je l'avoue, je ne connaissais nullement à l'époque. Ensuite j’ai vidé de leur contenu balancé sous le lit d’un coup de pied, les trois boites à chaussures. En parlant de pied justement, sur deux des boites à chaussures j’ai opéré une ouverture afin d'y glisser mes petons délicats. Sur une des faces la moins large de la troisième boite à chaussures, j’ai exécuté une ouverte de cinq centimètres de diamètre similaire à celle faite sur la grosse boite. Le tournevis m’a aidé à percer des trous en haut et en bas pour y accrocher les tendeurs. Les trois boites furent ensuite fermées avec du ruban adhésifet emballées d'aluminium. J’ai pu alors me débarrasser de l’assiette à dessert, du papier translucide, de l’emballage vide d’aluminium des ciseaux et de la colle.
J’étais prêt pour la grande aventure.
J’ai tiré alors les rideaux de ma chambre et allumé le chevet. J’ai ensuite enfilé mon pyjama rayé ainsi que les grosses chaussettes de laine de mon père. J’ai glissé les bas du pyjama dans les chaussettes remontées jusqu’aux genoux.
Les deux extrémités du flexible de l’aspirateur prirent place dans les trous de la boite à chaussures d’un côté et du casque en aluminium de l’autre. Comme pour un sac à dos, j’ai enfilé ma réserve en oxygène puis chaussé mes boites en aluminium. Le ceinturon autour de ta taille j’y ai glissé le couteau à pain. Enfilé les gants de manutention avant l’ultime geste du héros me coiffer du casque de mon scaphandre dont j'avais préalablement allumé le projecteur. Ma vue était troublée par lepapier translucide. Mais la lampe torche trouait avec une efficacité surprenante les ténèbres accentuées par le foulard turquoise posée sur le chevet. Je respirais par les ouvertures latérales. J’imitais à grands bruits l'oxygène qui s’échappait en faisant des Blurp ! Blurp ! Gloup ! Blurp ! Je m'y croyais à mort et c'était le panard. Pour me déplacer je me voyais contraint de lever lourdement mes jambes lestées avec le sentiment de me mouvoir dans les grandes profondeurs. La « Chevauchée des Walkyries » à fond je découvrais un monde inconnu à plusieurs dizaines de mètres dans les Abysses. Blurp ! Blurp ! Gloup! Gloup! Blurp ! Blurp ! Pour la circonstance mon lit fut dévastés. L’aventurier des mers rien ne redoute. J'étais à la recherche d'un fabuleux trésor dans ces fonds marins obscurs et mystérieux. Soudain, que vis-je surgir prêt à l’attaque ? Raymond, mon ours en peluche transformé en requin géant. Le couteau à pain jaillit de son fourreau. J’évitais la première attaque. A la seconde voire à la troisième je lardais Raymond de mon arme acérée. Ce fut une horreur ! Il y avait du crin partout mais j’avais vaincu la bête. Blurp ! Blurp ! Gloup! Gloup! Blurp ! Blurp ! Je me mouvais avec difficultés sur le sable. Ma vue toublée, je ne voyais plus grand chose à travers le hublotde mon scaphandre. J’avais chaud. Très chaud. La peur sans aucun doute mais je continuais d'avancer en dépit de l’éclair fulgurant qui envahit l’espace. Une forte bourrade me propulsa en avant. Je me cassais la gueule face contre terre avec mes boites de chaussures lestées aux pieds. Dans ma chute j’ai perdu le couteau à pain. Je fis volte face prêt à affronter le poulpe géant que j’escomptais terrasser avec le tuyau rigide de l’aspirateur devenu un fusil sous-marin. Mais l’arme était trop loin de moi. Le poulpe, toutes tentacules déployés se rua sur moi. Elles m’emprisonnèrent. je n’entendais plus « La Chevauchée des Walkyries» seulement les cris horribles et oppressants de la bête. J'allais périr.
Car ce n’était pas un poulpe géant, mais ma vieille qui avait fait irruption dans ma chambre à cause des Walkyries à fond les manettes d'abord, puis des tuyaux de l’aspirateur qu’elle cherchait depuis près d’une heure. Elle tira les rideaux et découvrit le chantier sous-marin. Le foulard turquoise avait eu comme un léger coup de chaud. Il avait même un gros trou en son centre. Ma mère a été obligée d’ouvrir la fenêtre à cause de la fumée. Les coups se sont mis àlors à pleuvoir, les Walkyries en direct avec tout Wagner dans les poings de ma mère. Je ne pouvais pas me sauver. Il m'étais plus que difficile de courir un cent mètres avec des boites à chaussures lestées aux pieds. D’évidence ma mère n’aimait pas l’Aventure Alors résigné, je me suis pris une des branlées du siècle, tout en sachant au plus profond de moi que je restais digne des aventures du grand Jules Verne.
Le soir venu il m’a fallu affronter le courroux du Capitaine Nemo qui au lieu de lire l’Equipe tranquille a dû me faire la morale après un rapport circonstancié. De plus, ma mère devait faire au Capitaine des blancs de poulet en papillotes. Eh bien sans aluminium les papillotes se transformèrent en jambon blanc. Le jambon blanc, le Capitaine Nemo il n’aime pas trop ça sans des frites. Alors son second a dû se taper des frites, ce qui n’était pas prévu à son programme .J’ai constaté amèrement que ma mère n’avait qu’une envie : remplacer les patates dans la friteuse par ma personne. Je dois avouer que je fus très déçu de constater que mes parents étaient bassement matérialistes. Mais je compris aussi qu’un jour je quitterais ce foyer de merde pour la grande Aventure, celle de la vie, celle où tu ne te fais pas chier que le jeudi, mais bien tous les jours.

dimanche 15 mai 2011

Le Cerf-volant du bout du monde (1958)

Le Trianon. Droits réservés
J’ai longtemps pensé que seuls les enfants de la ceinture rouge bénéficiaient d’une sortie avant les congés de Noël. Je reste désormais assuré qu’il n’en était rien, mais qu’il y ait quelques bonnes âmes pour s’occuper des enfants d’ouvriers se voulait rassurant. Il y avait les ouvriers et les pauvres. On distinguait ces derniers en septembre avec la cantine gratuite et la distribution pour l’année de brodequins à œillets métalliques. Largement au-dessus du barème d’attribution, je n’ai pu que les admirer aux pieds de Mohamed, le seul enfant d’émigrés non polonais, portugais ou espagnols, dont le père était ouvrier communal. Pour la sortie annuelle du cinéma nous étions tous sur le même pied d’égalité, si je puis dire.
Le Saviem aux moleskines fauves nous emmenait aux confins de la ceinture rouge dans un vaste cinéma envahi par une flopée d’enfants braillards des communes environnantes. Nous assistions à la diffusion d’un dessin animée tchèque avec son Konec de fin annonçant simultanément au retour de la lumière tamisé sur le velours cramoisi, l’entracte et le spectacle de music-hall. Invariablement nous avions droit à un illusionniste dont les tours exécutés trop loin de moi me laissaient perplexes. Puis avec le noir venait le grand film accueilli dans un brouhaha indescriptible. A la sortie nous avions droit à un goûter dont les détritus jonchaient le sol du car à notre retour. Ce rituel se répétait chaque année de la même façon. Seule la programmation changeait. Le personnage du Roi des Singes, acrobate et magicien, Sou Wou Kong, héros de vieilles légendes chinoises m’a fait très peur. Et je l’ai gardé en mémoire jusqu’à la découverte au début des années 80, de sa programmation au St Lambert dans le Xvème arrondissement. J’y ai traîné de force les enfants un dimanche après-midi à la séance de 14h30. Je ne sais pas quels souvenirs ils en ont gardés. Quant à moi j’ai découvert que Pierre Prévert était conseiller technique, Henri Alekan chef opérateur et qu’il s’agissait de la première co-production franco-chinoise. Moins crédule qu’à mes dix ans le regard un peu manichéen sur la Chine m’a fait sourire, mais surtout de tendresse envers un film qui a enchanté ma jeunesse et mes vieux jours.

samedi 14 mai 2011

Quand passent les cigognes (1958)

En 1957, Claude Lelouch est à Moscou comme caméraman d’actualité. Au cours d’une visite aux studios Mosfilm, il a l’occasion d’assister au tournage de "Quand passent les cigognes". Séduit par son lyrisme et sa modernité technique, il le fait découvrir au directeur du Festival de Cannes. Quelques mois plus tard, en 1958, c’est la consécration pour Mikhail Kalatozov. Sous le soleil de la Croisette, Quand passent les cigognes remporte la consécration suprême : la Palme d’Or. L’aventure ne s’arrête pas là, le film remporte également l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood ; rares sont les films qui ont cumulé les deux distinctions. Le réalisateur russe se voit couronner pour une œuvre à part dans sa filmographie. Quand passent les cigognes est une histoire d’amour sur fond de deuxième guerre mondiale, une diatribe sur la guerre, un mélodrame psychologique sur les choix d’une femme et les conséquences de sa décision. Le film a souvent été qualifié de mètre étalon, de référence par les historiens du cinéma. Des qualificatifs qui peuvent parfois rebuter un spectateur qui s’attend dès lors à un cinéma inaccessible. On est loin du compte. Plus qu’un exercice de style, c’est une splendide histoire d’amour que nous offre Kalatozov.Le film a surpris la critique internationale par sa rupture avec le cinéma de propagande que la Russie avait coutume de proposer. Si la Palme d’Or cannoise de 1958 se démarque par son lyrisme et son aversion pour la guerre, il faut également souligner son expérimentation formelle typique du cinéma russe des années 20.

jeudi 12 mai 2011

Terrence Malick

Cinq films en 36 ans de carrière. Voilà un des éléments qui sert à fonder le mythe Malick. Précision, sobriété, justesse. Certains détracteurs parlent de maniérismes. Les plus philosophes diront qu’il possède le rythme du monde, le battement de cœur la terre est son métronome. Dans La balade sauvage en 1973 sa première œuvre, il esquisse déjà dans certains plans un élément qui deviendra sa marque de fabrique : la révélation de l’état de l’homme par contraste avec le monde. Cet élément est clairement un élément que l’on retrouve dans le Walden de Thoreau. Ce dessin de l’homme par le monde atteint sa maturité dans le film suivant Les moissons du ciel en 1978. Vingt ans s’écoulent, personne ne sait ce qu’il devient mais en 1998 il revient avec un casting d’exceptions dans La ligne rouge, non un film de guerre mais un film sur la vie, la mort, l’humanité. Là encore, la nature terrible exprime ce que l’homme est incapable d’exprimer. A côté de la boucherie, les indigènes, ils ne sont pas des hommes comme nous occidentaux. Ils font partie de la nature, ils sont la nature et vivent en harmonie avec elle. Rêve brumeux et souvenir évanescent d’un Eden terrestre du héros ou paradis qu’il rejoindra ? Avec Le Nouveau monde en 2005 il continue dans la thématique de l’intrusion des maux de l’homme dans l’Eden terrestre. Le film nous conte l’établissement d’une colonie anglaise en Virgine au début du XVIIe siècle et l’amour naissant entre Pocahontas et John Smith. Amour platonique, amour naturel, rencontre et fusion de deux êtres dans une nature en fusion avec les indiens. En sélection officielle, Terrence Malick présentera Tree of life (dont le scénario est écrit depuis près de 30ans) avec Brad Pitt et Sean Penn. On peut encore s’attendre à un grand questionnement métaphysique sur la place de l’homme dans l’univers.

mercredi 11 mai 2011

Les quatre cents coups, François Truffaut (1959)

Un dimanche mon père a sorti la 4cv. Le trio familial a grimpé jusqu’à Villemomble au Trianon. Papa ne trouvait pas de place. Ma mère râlait. « Si t’es pas contente, t’as qu’à le prendre toi, le bout de bois ! Et si t’es si pressée, eh ben t’as qu’a descendre ! ». Il y avait la queue et ce n’était pas le bon film. Il y a eu une petite altercation devant tout le monde sur le trottoir, puis nous nous sommes glissés dans la foule. Mes parents se tiraient la gueule. Moi, je lisais Spirou. En attendant le début de la séance Papa et moi jouions à trouver des mots affichés sur le rideau des réclames. "Garage Moulin ! " a lancé Papa. Je cherchais des yeux ce fameux garage qui n’existait en fait que dans son imagination. A l’entracte, j’ai eu droit à un eskimo glacé. « Tu le gâtes trop ! » a dit ma mère. "Avec toi, il aurait rien. - Si, une bonne paire de torgnoles." Mais aujourd'hui, c’était un merveilleux dimanche dans cette belle salle tendue de velours rouge. La lumière s’est éteinte. Papa m’a chipé de la glace et le rideau s’est levé sur ce qui restera à jamais mon premier émoi cinématographique.

lundi 9 mai 2011

Les passages couverts de Paris

Le Louvre des Antiquaires vous plonge au cœur de la vie parisienne du XIXe siècle et dévoile à travers une série de photographies et de gravures les plus beaux passages de Paris. Orchestrée par Patrice de Moncan, historien de la Ville de Paris, cette exposition prend possession des allées du Louvre des Antiquaires et s’installe dans l’espace d’exposition, pour retracer la formidable histoire de ces écrins urbains de verre et d’acier.
Des rues mises sous cloches !
C’est dans les Jardins du Palais Royal que le concept même du passage couvert prend forme en 1786, sous l’impulsion du Duc d’Orléans. Il fait construire autour de sa demeure trois galeries de bois couvertes destinées à accueillir 120 boutiques. Ce concept immobilier d’un genre nouveau offre pour la première fois aux Parisiens un lieu de promenade et de détente, à l’abri des voitures à chevaux et des intempéries.Le succès est tel que Paris se dote en quelques années d’une centaine de passages couverts. L’usage du fer et du verre autorise les audaces les plus folles permettant à ces rues intérieures d’irradier sous la lumière du jour.De ces multiples passages construits au cours du XIXe siècle, il n’en reste plus que 17 aujourd’hui. Situés autour du Palais Royal, le long des Grands Boulevards et dans la rue Saint-Denis, les Passages restent un témoignage d’un Paris disparu.

dimanche 8 mai 2011

Arrivée à Balbec

"C'étaient, dominant la mer lointaine du haut de leur dune, ou s'accommodant déjà pour la nuit au pied de collines d'un vert cru et d'une forme désobligeante, comme celle du canapé d'une chambre d'hôtel où l'on vient d'arriver, composées de quelques villas que prolongeait un terrain de tennis et quelquefois un casino dont le drapeau claquait au vent fraîchissant, évidé et anxieux, de petites stations qui me montraient pour la première fois leurs hôtes habituels, mais me les montraient par leur dehors - des joueurs de tennis en casquettes blanches, le chef de gare vivant là, près de ses tamaris et de ses roses, une dame, coiffée d'un "canotier", qui, décrivant le tracé quotidien d'une vie que je ne connaîtrais jamais, rappelait son lévrier qui s'attardait et rentrait dans son chalet où la lampe était déjà allumée - et qui blessaient cruellement de ces images étrangement usuelles et dédaigneusement familières, mes regards inconnus et mon cœur dépaysé." Marcel Proust, à l'ombre des jeunes filles en fleurs.