vendredi 26 octobre 2012

Une soirée chez Doudou


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La série : La machine à café et les extraterrestres






lundi 22 octobre 2012

La rigole du diable




Photos Papou


Extrait de Les Pierres et légendes du Limousin, Ethnologia n°65-68, "Rigole et rocher du diable", François Guyot, Société d’ethnologie du Limousin et de la Marche, 1994 :



 
"La légende de la Rigole du diable, fort connue dans le pays, est basée sur l’existence d’un monastère à Châtain. Voici cette légende : Les moines du Châtain, qui s’occupaient beaucoup d’agriculture et surtout d’irrigation (comme d’ailleurs presque tous les religieux d’alors), voulurent utiliser l’eau du ruisseau de la Mazure par un canal de dérivation prenant au lieu connu aujourd’hui sous le nom de "la Planche au ramier". Ce canal devais suivre le flanc des montagnes, au-dessus et à gauche du Thaurion, et aboutir à Châtain, où l’eau serait utilisée très avantageusement pour transformer en prairie une étendue de terrain considérable. C’était une entreprise de longue haleine et fort coûteuse, non seulement à cause de la nature du sol à traverser, qui est littéralement jonché de rochers. En plusieurs endroits, il était indispensable de pratiquer des tranchées à travers la roche d’un granit excessivement dur.



Les moines reculaient devant la dépense, lorsqu’un moine fort âgé, qui jouissait dans le pays d’une réputation de sainteté bien établie, promit au prieur d’amener gratis à Châtain les eaux du ruisseau de la Mazure ; il entendait, dit-il, faire exécuter les travaux par le diable, considérant comme œuvre pie de forcer Satan à seconder les desseins des serviteurs de Dieu. Le prieur, plein de confiance dans son vénérable frère, lui donna carte blanche.



 
Aussitôt la nuit arrivée, le moine s’enferma dans sa cellule, où sur son appel Lucifer ne tarda pas à paraître. Le Diable pris engagement d’établir un canal de dérivation du ruisseau de la Mazure, depuis la Planche au ramier jusqu’à Châtain. Ce travail devait être exécuté depuis minuit jusqu’à l’aube. On convint que l’aube serait annoncée par le chant du coq. Si le travail n’était pas terminé au moment où le coq chanterait, Satan ne recevrait aucun salaire, et le monastère profiterait sans bourse délier des travaux exécutés. Si au contraire l’oeuvre était achevée avant le chant du coq, le travail devrait être payé, et à titre de rémunération les âmes du prieur et des moines seraient la proie du Grand Tentateur. L’âme du vieux moine était seule en jeu, disait Satan, car celles du prieur et des autres moines lui appartenaient bien déjà.

Photos Papou

Marché conclu et minuit sonné, le Roi des Enfers se mit au travail. Il appela sur les bords du Thaurion une armée de diablotins, et bientôt les détonations succédèrent aux détonations. On entendait les coups de mailler des mineurs ; la poudre, la dynamite (car le diable connaît d’avance nos découvertes) perforiaent la montagne ; les rochers éclataient, et leurs fragments amoncelés couvraient le lit du Thaurion. le canal de dérivation (la rigole) prenait figure.



Que faisait cependant le moine téméraire ? Enfermé dans sa cellule, plongé dans l’obscurité, il avait placé sous clef dans une armoire un coq magnifique, un de ces beaux coq dont la queue est si recherchée par les pêcheurs du Thaurion. Puis s’étant mis en prières.



Au bruit des détonations qui ébranlaient la montagne, le prieur fut saisi de crainte. A sa demande le vieux moine lui apprit le marché conclu avec Satan, marché que l’Ennemi du genre humain était en train d’exécuter. Voyant le prieur tout effaré, le vieux moine lui dit : "Tranquillisez-vous et laissez-moi prier en paix".

 
Cependant la nuit s’avançait et la rigole était aux trois quarts ouverte. On ne pouvait distinguer les ouvriers, mais on entendait le grondement du tonnerre, le roulement des rocs bondissant dans l’abîme, et la rigole s’allongeait, s’allongeait ! A cette vue les moines prirent peur. Ils se crurent irrémissiblement damnés. Bien avant l’aube, pensaient-ils, la rigole sera terminée. le prieur courut de nouveau à la cellule du vieux moine : "O mon père, lui dit-il, qu’avez-vous fait ! Vous nous avez perdu." - "Rester en repos, dit le moine, et laissez-moi prier en paix".

 
Enfin la rigole avait traversé la montagne. Elle était près d’atteindre les terres du Châtain. Les moines affolés n’y purent tenir et vinrent en foule assiéger le saint dans sa cellule, le suppliant de les arracher aux flammes de l’Enfer, s’il en était encore temps. "Vous le voulez, dit le saint moine, mais cous cous repentirez de votre impatience".



Alors, comme la cellule était restée toute la nuit plongée dans les ténèbres les plus épaisses, il alluma un flambeau et le présentant vivement ) la serrure de l’armoire où était enfermé le coq. Voyant la lueur, se croyant à l’aube naissante, le coq chanta.

 
Aussitôt, un bruit effroyable se fit entendre au-dessus du Thaurion. La légion infernale s’envola en vomissant des imprécations, lançant des éclairs, faisant éclater au dernier moment tous les tonnerres dont elle disposait. Satan, perché, lorsque le coq chanta, sur un rocher où il dominait toute la scène et dirigeait son armée de travailleurs, frappa du pied si violemment que le rocher montre encore aujourd’hui l’empreinte du pied du Roi des Enfers. On le nomme le Rocher du Diable, comme le canal de dérivation est connu sous le nom de Rigole du Diable.

La parole du vieux moine fut justifiée par la suite. Pour une raison ou pour une autre, la rigole ne fut pas terminée et ce travail presque gigantesque ne fut pas utilisé."






jeudi 11 octobre 2012

La toile blanche d'Edward Hopper





Alors que s'ouvre au Grand Palais (Paris) la rétrospective Edward Hopper, Arte propose ce dimanche 14 octobre 2012 à 16h45 un documentaire spécial baptisé "La toile blanche d'Edward Hopper", un portrait sensible du peintre de l'âme américaine.



Si ses toiles s'affichent désormais en millions d'exemplaires sur les couvertures de romans américains, lui n'aspirait qu'"à peindre les rayons du soleil sur l'architecture".

 
Débit lent et allure bourgeoise côte Est, Edward Hopper (1882-1967), peintre de la solitude et de l'attente, a mêlé réalisme, surréalisme et cubisme dans la géométrie de ses compositions, pour éclairer l'envers du rêve américain. Un univers résolument cinématographique, entre être et paraître, que Wim Wenders, fasciné par son oeuvre, analyse ici avec ferveur. Au fil du parcours, de New York à Paris en passant par Cap Cod, et d'un tableau l'autre, se dessine l'autoportrait de l'homme en quête qu'il n'a jamais cessé d'être, auprès de sa femme Josephine, son unique modèle.


Nourri d'images d'archives et d'extraits d'entretiens, un documentaire épatant, avec les voix d'Irène Jacob et de Mathieu Almaric et une excellente introduction à la première grande rétrospective que le Grand Palais lui consacre jusqu'au 28 janvier 2013.

 
"La toile blanche d'Edward Hopper" un documentaire réalisé par Jean-Pierre Devillers. Diffusion le dimanche 14 octobre à 16h45 (rediffusions les 18 octobre (1h) et 25 octobre (5h).



"La toile blanche d'Edward Hopper" un documentaire réalisé par Jean-Pierre Devillers. Diffusion le dimanche 14 octobre à 16h45 (rediffusions les 18 octobre (1h) et 25 octobre (5h).













lundi 8 octobre 2012

Claude Esteban Soleil dans une pièce vide



TROIS FENÊTRES, LA NUIT



On croit peut-être que, chaque soir, les maisons se referment sur elles-mêmes comme des huîtres. Et que ceux
qui les habitent peuvent enfin oublier leurs soucis et se perdre dans une sorte de douceur nacrée, dans une quiétude,
somme toute assez délicieuse, loin des regards. On a tort.

Il suffit de se poster, quelques heures auparavant, à une fenêtre de l’immeuble d’en face, et de rester dans l’ombre, derrière les rideaux.

C’est ce que font les policiers quand ils tentent de découvrir une réunion secrète, ou les détectives privés lorsqu’on leur a donné une liasse de dollars pour une filature et qu’ils sont là, dans leur gabardine blanche, à fumer des cigarettes tout en surveillant.

Mais ce sont des gens de métier, et au fond ils ne s’intéressent qu’à des faits significatifs pour leur enquête, un homme qui embrasse une femme sur la bouche, une valise d’où l’on sort une statuette en forme de faucon.

Le quotidien, banalité des gestes, ne les concerne pas. ont tort, mais ils sont payés pour autre chose. On les relève toutes les quatre heures, puis ils rédigent leur rapport. Ils n’ont rien vu de ce qui est la vie.

Et lorsqu’ils s’éloignent dans leurs voitures noires, ils regagnent très vite des quartiers où les bars sont pleins de monde et où les attend, parfois, une femme aux cheveux platinés qu’ils appellent poupée. Ce sont des gens frivoles. Le vrai curieux ne les fréquente pas. C’est un passionné qui a ses habitudes et qui sait attendre. C’est un professionnel du regard.

Il habite l’immeuble d’en face, peu importe l’étage, mais il préfère regarder d’un peu plus haut. Il n’a pas besoin, comme le diable dans les contes d’autrefois, de soulever les toitures. Il observe tout de sa fenêtre, il a le temps, il n’interprète pas. Il voit, par exemple, le troisième étage d’une maison quelconque. Il ne l’a pas choisie. Il réside juste en face, par hasard. Il n’a pas besoin de jumelles, comme dans les films d’espionnage, il a de bons yeux, il sait voir. Il a observé, tout le jour, cet appartement vide en forme de rotonde.

Il y a trois fenêtres, et personne ici ne tire les rideaux, si bien que la vue plonge sans difficulté dans l’intérieur de
l’appartement. La femme qui l’habite part très tôt le matin.

Elle doit travailler dans une administration ou peut-être dans un petit commerce. Elle se lève, elle s’enferme dans la salle de bains qui se situe derrière la cloison. Puis elle ressort, elle éteint la lampe de la chambre. Peut-être prend-elle son petit déjeuner dehors. L’observateur n’en sait rien.

Il constate seulement que la grande pièce aux trois fenêtres demeure vide pendant toute la journée et ne s’éclaire que très tard. La femme, semble-t-il, vit seule.

Elle ne pénètre dans la pièce en rotonde qu’après s’être restaurée dans la cuisine que l’observateur ne peut apercevoir. Sans doute aussi après avoir pris une douche, car lorsqu’elle apparaît, comme ce soir, comme tous les soirs ou presque, elle est en combinaison. Une combinaison d’un rose assez vulgaire qui moule ses formes déjà vieillies. Elle doit avoir quarante-cinq ans. Il l’aperçoit de dos.

Elle a des fesses proéminentes qui tendent le satin rose. Ses cuisses sont à demi découvertes.

Elle se penche vers quelque chose qui échappe au regard de l’observateur à travers la fenêtre centrale. Le mur lui cache son visage et sa main droite.

Elle ne bouge presque pas, elle ramasse, dirait-on, quelque objet, mais cette hypothèse n’est pas très vraisemblable, car la scène se répète chaque soir, et la femme reste longtemps penchée, avec sa croupe tendue, comme si elle s’occupait d’une chose qui exigerait la plus vive attention. Peut-être nourrit-elle des poissons rouges dans un aquarium, mais il serait étrange que l’aquarium ou le bocal soit posé par terre. Ce qui intrigue davantage encore l’observateur, c’est la différence de luminosité entre les trois fenêtres. Au centre, derrière la forme accroupie, le mur est presque blanc, avec une bande jaune sur la droite.

Au bas de la cloison, on distingue un radiateur peint en orange et l’extrémité droite d’un lit, recouvert d’un tissu grenat. La moquette est verte, d’un vert acide, criard.

On peut penser que la masse du lit se poursuit sur la gauche. A travers la fenêtre de gauche, d’ailleurs, un peu de biais, on découvre le bout du traversin, une forme vaguement verdâtre.

La fenêtre est ouverte, et le rideau bleu pâle s’envole dans l’embrasure, comme un signal. Mais ce n’est, bien sûr, qu’un courant d’air que la femme a su ménager avec la fenêtre de la cuisine. On la comprend. Par un jour d’été, la chaleur est devenue presque intenable dans la pièce close. Il est tard, mais cette femme ne se soucie pas de l’heure.

Elle se sent bien dans sa lingerie rose. Elle laisse respirer son corps, une chair de femme un peu lymphatique, un peu molle. Cette chambre doit lui plaire, quoique l’ameublement soit très sobre, et qu’il n’y ait pas même un tableau sur le mur.

C’est, probablement, une femme qui vit peu chez elle, qui ne reçoit pas, qui se repose le soir.

Ce qui trouble surtout l’observateur, c’est la fenêtre de droite. Par la position qu’il occupe, il n’est pas en mesure de l’examiner autrement qu’à l’oblique, dans un angle de vision assez peu favorable. Cette fenêtre, chaque soir, excite sa curiosité, car, contrairement à l’éclairage brutal qui se projette à travers les deux autres fenêtres, il règne dans cet espace une lueur feutrée, étrangement sensuelle, qui évoque une ambiance de salon capitonné, presque de boudoir.

Le rideau jaune, toujours descendu jusqu’au tiers de la fenêtre, dissimule et révèle à la fois quelque chose qui tranche avec l’aridité quasi monastique de la chambre. Des teintes pourpres, veloutées, qui viennent peut-être de tentures et qui se reflètent en orange sur le rebord de la fenêtre, et plus bas, sur l’entablement de l’étage inférieur. Il y a là quelque chose que l’observateur cherche à comprendre depuis longtemps, mais en vain.

La femme ne se déplace jamais jusque-là. Elle laisse flamber cette lumière pourpre, cette lumière qui contredit l’existence qu’elle mène dans la pièce très éclairée. Que se passe-t-il dans cette chambre, quelle sorte de rituel secret s’y ordonne-t-il chaque soir.

Pourtant la femme ne craint pas que le regard de quelqu’un d’autre s’y insinue et découvre là les indices d’une existence voluptueuse. Elle reste immobile, toujours penchée au fond de l’embrasure centrale. Le rideau bleu pâle s’évade dans l’air de la nuit. Le mystère demeure entier.




Quelqu'un regarde un tableau. Il aime tellement ce tableau qu'il voudrait, Dieu sait pourquoi, ne plus le contempler seulement, mais se trouver à l'intérieur de la scène, comme un personnage, comme un livre posé sur une table.

Il n'y parvient pas. Alors il se met à regarder tous les autres tableaux de ce peintre, un par un, dans les musées - et le même phénomène se produit.

Le peintre s'appelle Edward Hopper. Il a représenté des rues désertes, des femmes dans une chambre d'hôtel, des bureaux, des gares où pas un train ne passe. L'homme qui regarde comprend qu'il ne pourra jamais habiter chacune de ces images, qu'elles sont là et qu'elles lui échappent. Il décide donc de vivre à côté d'elles avec des mots, des mots qui, peu à peu, se, transforment en une histoire, celle du peintre peut-être, la sienne aussi, bien que l'Amérique lui soit presque étrangère.

À la fin, il lui semble avoir vécu tout cela, et lorsque le soleil, un après-midi d'été, traverse une pièce vide, il devine que le peintre va mourir et qu'il lui faut, tel Bartleby le copiste, écrire, lui, la dernière phrase du livre, poser la plume et s'effacer.






Claude Esteban, soleil dans une pièce vide, Léo Sheer

jeudi 4 octobre 2012

Edward Hopper au Grand Palais




                              Tout le monde connaît au moins un tableau du peintre américain. L'un de ses plus célèbres s'intitule Nighthawks ("aigles de nuit"), peint en 1942. Il représente trois clients accoudés au bar d'un restaurant new-yorkais. Il fait nuit. La rue, éclairée par les néons du bar, est déserte, le serveur nettoie les verres. On attend, sans trop savoir ce qu'on attend - peut-être ce quelque chose qui manque toujours dans les tableaux apparemment naturalistes de Hopper ?

                                C'est là le mystère de sa peinture, et l'origine de l'impression de solitude et de mélancolie qu'elle suscite. Hopper est un peintre du suspens - et Hitchcock, maître du suspense, adorait cet artiste contemporain de Picasso. Le manque, donc, et une maîtrise exceptionnelle de la lumière jouant avec ce manque. Le précisant, l'escamotant... car Hopper est aussi un grand illusionniste - ce que David Lynch adore. Une immanquable rétrospective, vous l'aurez compris.


Hopper et le cinéma
Edward Hopper la bande annonce
Claude Esteban Soleil dans une pièce vide
La toile blanche d'Edward Hopper, documentaire
Edward Hopper revisited : Dominique Blanc
Edward Hopper's Night Windows

Edward Hopper et le cinéma


Edward Hopper et le cinéma par telerama