jeudi 31 juillet 2008

Hadrien & Camomille : On the road again !

Bac en poche d’un côté, argent et clés de bagnole dans l’autre poche, certains participent à la grande transhumance « Sea Sex and Sun », le coffre bourré de fringues de marques couplées aux ustensiles indispensables et obligatoires issues des nouvelles technologies de notre société consumériste. Hadrien, 17 ans, a quant à lui décroché son bac S et s’offre une année sabbatique question de réfléchir à son avenir. Ses parents, agriculteurs bio à Valanjou en Maine et Loire, ne lui ont offert ni quad ni jet surf de branleurs. Pauvre gosse. Il a donc choisi dans le troupeau familial une charolaise de dix huit mois Camomille, avec laquelle il compte faire 1200 kilomètres. Même si des études ont démontrées qu’une vache eructait dans l’atmosphère environ 600L de méthane par jour, l’équivalent de 40km en voiture, je vous rassure, Hadrien et Camomille ne feront pas 40 kilomètres par jour non-stop sur l’ensemble du mois d’août, mais étalés sur quatre mois à raison d’une vingtaine de km en moyenne et s’accorderont une journée de repos hebdomadaire. Depuis septembre Hadrien s’est efforcé à mettre Camomille en confiance, à marcher avec une longe et porter quelques bagages. Pourvu qu’il ne rencontre aucun problème avec les mouvements féministes. Durant leur périple ils rendront visite à des artisans, comme par exemple un forgeron au château du Clos-Lucé à Amboise. Le carnet d’adresses de ses parents leur assureront des haltes au fil de la route. Hadrien, détenteur d’une bourse de 900 euro étudiera les plantes pour réaliser un compte-rendu sur les noms vernaculaires des plantes. Il est décidé également à se nourrir de plantes qu'il cueillera sur le bord de sa route. "Cela fait trois ans que j'en mange, je commence à bien les connaître", affirme-t-il. Hadrien est persuadé que la présence de Camomille "va faciliter le contact avec les gens". Pour ma part, je parraine la petite vache Isabelle en Creuse. Elle n’a que deux mois et donc trop petite pour faire un grand et long voyage. Pour la faire patienter je lui lirai les aventures de Camomille et Hadrien quand elles seront parues en librairie. Car, peut-être qu’a l’issue de leur périple, Hadrien décrira son fabuleux voyage avec Camomille comme l’avait fait avant lui Robert Louis Stevenson. En 1878, l’auteur de l’île au trésor avait traversé les Cévennes avec son ânesse Modestine. Camomille et Hadrien dédicaceront respectivement leur livre au Salon de l’Agriculture pour l’une et du Livre pour l’autre. Mais pour l’heure, Camomille et Hadrien partiront demain pour la vraie, la grande, la belle aventure. Que la félicité soit avec eux et bon voyage.

mardi 29 juillet 2008

Freud, Zorro et moi

Je venais de porter à ma bouche du céleri rémoulade lorsque la question de Martine est tombée sans appel. – « Pourquoi tu fais un blog ? » Répondre me semblait difficile tant à cause du céleri que de la pertinence de la question. –« Pourquoi tu demandes ça ? » - « N’éludes pas la question en la retournant, s’il te plaît ! » - « c’est mon fils qui m’a…. » - « Ne cherche pas non plus à en faire porter la responsabilité à ton fils ! » Je ne sais pas si Martine était mal brossé ce jour là, mais elle semblait en forme question répartie « j’avais envie d’écrire sur des souvenirs d’enfance associés à des disques, des livres, des films, des anecdotes, voire éventuellement écrire sur l’actualité mais par avec un regard différent de l’information officielle. Eh puis mes émotions connaissent trop de conflits d'intérêts pour que la vie me paraisse acceptable. Alors je me suis dit qu’il valait mieux en rire pour conjurer les avatars et les regrets du passé et les craintes de l’avenir. » Je rattaquais le céleri, pensant m’en être pas trop mal sorti. Nous allions passer à autre chose, genre cinéma ou les turpitudes du chiot labrador d’on s’occupait Isabelle dans un refuge. Faisant office de chiot labrador Martine ne lâchait pas mon bas de pantalon. – « Ouais, c’est une sorte de thérapie en quelque sorte ? » – « Si tu veux » j’ai lâché en secouant la jambe. - «Mis à part ton psychanalyste, qui est-ce que ça intéresse ? » -« Pfffft ! » - « Non sérieux qui sont tes lecteurs ? » - « Franchement je n’en sais rien et puis je m’en fou ! » Je devais être rouge comme un thon. - « Ne dis pas que tu t’en fou ! Tu photographies, c’est pour être vu. Tu écris, c’est pour être lu ! » - « Pas forcément. Si d’aventure je conte une anecdote à propos d’une omelette…. » - « Ça n’intéressera que les poules ! » Mis à part quelques veaux en creuse, aucune poule pondeuse de ma connaissance ne lisaient mon blog. - «C’est toi qui parlait de thérapie et de journal intime. » - « Sauf que ta thérapie ou ton petit journal intime tu l’étales sur la place publique ! » -« Mais je n’étale rien : » - « Si ! Tout ce déballage tient de l’exhibitionnisme ! Tu as besoin d’être vu ou lu pour être admiré et consolé comme un petit garçon. » Qu’est-ce que j’avais bien pu lui faire à Martine pour qu’elle se montre aussi mordante à mon égard. Mon bas de pantalon était ruiné. Instinctivement je me suis tâté les poches. A tous les coups, Martine allait me ponctionner cinquante euro pour prix de sa consultation publique. Tout le monde me regardait comme si j’étais attend d’une maladie honteuse. J’ai abandonné le céleri. – « Tu peux l’analyser comme ça si tu veux » – « Remarque après tout je m’en fou, si cela te fait du bien d’écrire dans ton blog. » Oui, je me suis pensé, ça me fait du bien d’écrire à la première personne dans mon blog. Ça flatte mon ego. Na ! T’es contente, c’est ça que tu voulais que je dise ? Eh bien je le dirais pas. - « En tout cas moi ça me gênerait d’être lu par quelqu’un que je déteste ? » - « Comment veux tu que je sache si mes lecteurs me détestent, je ne les connais pas même pas, mes lecteurs potentiels? » -« Parce que tu ne connais pas tes lecteurs et vous ne communiquez jamais entre vous ? » -« Ben, non ! C’est un peu comme un journaliste ou un écrivain ils écrivent peu importe les lecteurs » - « Sauf que le journaliste communique de l’information dans un journal et signe ses articles. Un romancier invente une histoire et nous fait partager une vision du monde par l’intermédiaire de son roman.» -« Mais journalistes et écrivains ne peuvent pas communiquer avec tous leurs lecteurs ! » - « Qu’est-ce que tu veux, moi ça me gêne tout cet étalage et ce voyeurisme. Tu ne me retireras pas de l’idée qu’il y a quelque chose de pervers, là dedans ! » -« Je ne vois pas où est la perversité !. » j’ai lâché indigné comme un roquet sans couilles. -« Et tu n’as jamais de commentaires ? » - « Ben si parfois quelque uns » - « Donc tu as des lecteurs et tu les connais ? – « Non, ils utilisent des pseudonymes » -« Ah! Ouais, dans le genre ?» - « Longue Focale, Ça sent le gazoil, Zeul…. » - « C’est des indiens ? » -« Non, pourquoi ? –« Tous ces noms d’emprunts ressemblent à des noms de tribus : Comanches, Sioux, Cheyennes, Longue focale, Zeul, Kuquigrate, doikisan, Anuskipèt. Et toi, c’est comment Zorro ? » - « Vu que tu abordes la question, Zorro ne serait pas Zorro s’il arborait masque et cape et se faisait appeler Don Diego de Lavega. Le sergent Garcia l’arrêterait illico pour le livrer au gouverneur ! » - « Rassure moi, tu ne te prends pas pour Zorro tout de même ? » - « Pas du tout, c’était pour répondre à ton exemple » - « Et toi, c’est ? » - « Papou. « On n’en sort pas de la tribu ». Mon entrecôte était maintenant froide. J’ai chipoté dans les légumes d’un bout de fourchette maussade. – « C’est un nouveau mode d’expression….. » - « Étalez ses petits cacas sur la toile, tu appelles ça un mode d’expression ? » – « Petula Clark n’est pas un petit caca ! » - « Non, mais un vieux boudin, sûrement » - « Donc, si je comprends bien, tu me conseilles de fermer mon blog ? » -« Tu fais ce que tu veux, c’était juste question de parler » - « Je crois alors que je vais aller me pendre » - « Encore une belle façon de se faire remarquer ». J’ai compris alors pourquoi les armes n’étaient pas en vente livre.

lundi 28 juillet 2008

Le bonjour d’Alfred

Ce qui saisit d'emblée à l’écoute d’Alfred Brendel, c'est un touché hors du commun. D’après différentes sources c'est à six ans que le futur virtuose commence le piano, par une leçon providentielle, qui consiste à lui apprendre comment donner le maximum de vigueur à ses doigts. Ses parents ne s'intéressant pas à la musique, il doit redoubler de volonté pour vivre sa passion. En 1943, il se rend en Autriche pour étudier au conservatoire, avant de suivre les cours de son grand maître Edwin Fischer à Lucerne. Il donne son premier concert à l'âge de 17 ans, mais c'est le prix qu'il décroche au concours Busoni qui va véritablement lancer sa carrière. Dès lors, il joue aux quatre coins du monde, seul ou accompagné d'orchestres prestigieux. Exigeant, il se met au service des oeuvres qu'il interprète, et revisite inlassablement un répertoire qui se restreint peu à peu aux chefs-d' oeuvre essentiels des grands compositeurs que sont Mozart, Haydn, Schubert et Beethoven, dans le but d'atteindre la perfection. Son acharnement au travail a souvent valu à Alfred Brendel d'être qualifié d'intellectuel ; pourtant, celui que l'on reconnaît facilement à ses grosses lunettes et à ses doigts bandés a aussi un grand sens de l'humour, n'est pas seulement un pianiste de talent. Il s'intéresse aussi à la peinture, l'architecture, et affectionne les objets kitsch. Il a dispensé des cours d'interprétation et publié des recueils de poésie ; l'un de ses poèmes a d'ailleurs été mis en musique par le compositeur Luciano Berio, qui l'a ensuite intégré à l'une de ses œuvres : 'Stanze'. Le pianiste tire sa révérence après 60 ans d'une carrière "sans faille". L'année de ses 77 ans, l'interprète a décidé de cesser son activité de concertiste lors d'un ultime concert à Vienne, annoncé le 18 décembre 2008. Pour ma part je n’ai de cesse d’écouter les sonates pour piano de Schubert notamment l’andantino de la sonate pour piano D. 959 pour la large palette émotionnelle qu’elle dégage. Schubert ; les trois dernières sonates pour piano ; Alfred Brendel chez Philips.

Plus jamais chat

Recrudescence de la mortalité féline en Creuse. Les chiens inquiets.

mercredi 23 juillet 2008

Elise, appelle la Police !

Mon père a été emporté par la télévision. J’en ai la preuve formelle. Au milieu des années 1950, Jean D’Arcy, patron de la chaîne télévisuelle, propose à Denise Glaser une émission d’information sur le disque. C’est ainsi que naît "Discorama". Discorama était un rendez-vous consacré à l'actualité de la chanson, du disque, du théâtre et du cinéma où alternaient chansons et interviews menées de main maître par Denise Glaser qui savait manier le silence mieux que personne et parvenait à faire se dévoiler autrement tous les artistes, y compris les plus réservés, sachant que la meilleure façon de faire parler quelqu’un est de l’écouter et de se taire. Elle en fera le rendez-vous incontournable des Français le dimanche à 12h30. Dans un décor minimaliste, où seules deux chaises sont installées, Discorama apporte un souffle nouveau et une ambiance intimiste toute nouvelle également. C’est aussi la première émission où les chanteurs peuvent vraiment s’exprimer. Denise Glaser fait découvrir pendant seize années consécutives de jeunes inconnus, rencontrés en parcourant les salles de spectacles parisiennes et provinciales. Elle sera à l’origine de nombre de carrières comme celles de Barbara, Serge Gainsbourg, Catherine Lara, Maxime Le Forestier... L'émission est également restée célèbre pour son parti-pris de réalisation, qui consiste à filmer, le plus souvent, de Denise Glaser et de son invité, non pas la personne qui parle mais celle qui écoute. On obtient ainsi des gros plans trahissant d'une manière étonnante les émotions des interlocuteurs. Clairement ancrée à gauche, Denise Glaser a fini par être remerciée, après plus de 15 ans d’un travail d’une qualité irréprochable, suite à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République en 1974. Il ne l’avait jamais invité pour son jeu célèbre à l’accordéon. Mais imaginez la société française en 1970. Mon père après avoir été courir a déjà raté « le Jour du Seigneur. » « Télé Philatélie » le laisse indifférent. « La séquence du spectateur » l’agace par la brièveté des extraits proposés. Heureusement il reste « Discorama. » Un moment de quiétude musicale avant les terribles nouvelles du journal de 13 heures. Il est douze heures trente. Deux années après les « Evénements » la France à soudain peur et Roger Giquel n’y peut rien faire. Mon père attaque sa cuisse de poulet. Il sera emporté bien des années plus tard, mais je reste assuré que ce jour mémorable il lui en restera des séquelles que l’un de ses petits enfants, affecté lui aussi du même mal congénital et incurable, tente de conjurer en vain.

mardi 22 juillet 2008

Réponses Photo 197 spécial nu

Numéro de l’été oblige que ce spécial nu dont je n’ai retenu que J-M Francius et Uwe Ommer pour son ouvrage Do it yourself.. «Inspiré par une baby-sitter qu’il surprit prenant des clichés d’elle-même devant le miroir de sa salle de bain, le photographe Uwe Ommer eut l’idée de publier un volume d’autoportraits érotiques de photographes amatrices. Avec l’encadrement minimaliste de quelques instructions techniques, Ommer les invita à se photographier de la manière qu’il leur plaisait – libérées du regard voyeuriste du photographe. Certaines ont choisi de le faire à travers le filtre du miroir, d’autres non. Qu’elles lui aient demandé de l’aide pour des éléments tels que la lumière ou le décor ou se soient totalement passé de son intervention, les modèles ont été laissés entièrement libres de se prêter à des poses romantiques, suggestives ou simplement naturelles. Parmi elles figure une grande variété de personnalités, étudiantes, artistes, actrices, stylistes, danseuses, mannequins, musiciennes, enseignantes – et d’autres. Ce livre fort original est une image plurielle de la manière dont les femmes se perçoivent – ou aimeraient se percevoir » Ah que j’adore qu’on me prenne pour un con ! Et je reste assuré que celui qui a écrit les lignes qui précèdent y croit comme si c’était la Bible. Tout d'abord, qu’on me donne le nom et l’adresse de cette baby-sitter pour que je le jette en pâture à tous les jeunes parents en mal de gardiennage d’enfants, et surtout que j’évite de lui confier mes propres petits-enfants. Car tandis que cette amatrice se matte la matrice a throu the lense, les petits-enfants eux, barbouillés de Nutella font du Giacometti avec leur petit caca puis mettent leurs doigts sur le papier peint les coussins des canapés et les cd de Papou. Et quand Papou, très fatigué, rentre de l’expo Do it yoursel de Uwe Ommer, il attrape une putain de crise de nerfs avec des envies de meurtres dans les yeux. Et que Nanou finisse en prison pour avoir ravagé la trocnhe de cette baby-sitter avec un Minolta SRT 101 de collection me ferait peine. De plus, pourquoi le livre aurait pour auteur Uwe Ommer si celui-ci était juste là pour faire vestiaire des filles, organiser le décor et régler les lumières ? Faut que je me calme. C’est l’été. Et le numéro de l’été Spécial Nu, eh bien Papou ça l’ébranle. Il est trop vieux et déjà sourd. Alors il a envie de tuer des baby-sitters. Non, papou il vaut mieux pour lui qu’il aille photographier des vaches. Voire même leur apprendre à se photographier yourself.

Copyright J-M Francius

dimanche 20 juillet 2008

Nouvelles des Zoreilles

Ah les plaisirs des nouvelles technologies. Grâce à la Webcam et au courrier électronique, nous avons pu enfin avoir des nouvelles des enfants. C’est mon gendre, surtout, qui m’inquiétait. Mais me voila rassuré. Il va bien. Deborah et les enfants l’ont fait soigner et désormais il se porte comme un charme, lui, sa femme et les enfants. La preuve. Ils vous envoient à toutes et tous des brassées de bisous de l’île de La Réunion.
Photos Copyright Linsay Fortier

Variations Goldberg

Cette musique s'adresse à l'âme, la calme et la repose. Selon la légende l'ambassadeur Kayserling avait commandé cette œuvre pour ses nuits d'insomnie, que ce soit pour l'endormir ou le distraire : cette musique a peut-être le pouvoir de reconstituer l'âme aussi bien qu'une nuit de sommeil ! Au moment de la publication des Variations par Bach,Johann Gottlieb Golberg, né en 1727, était un jeune claveciniste de 14 ans au service de Kayserling. Il lui jouait, la nuit, la sublime aria ou quelques variations. Il fut élève de Bach à Leipzig. Par la grâce de deux pianistes surdouées, l'une rescapée de la Révolution culturelle, l'autre adepte de Glenn Gould, les «Variations Goldberg» de Bach rayonnent comme jamais.
Zhu Xiao-Mei et Simone Dinnerstein Deux variations Goldberg
La chinoise D'où vient que l'on trouve autant d'agrément à lire les livres du malheur ? Le fait est qu'on ne quitte pas les Mémoires de Zhu Xiao-Mei. Non que ce soit un chef-d'oeuvre, il s'en faut. Zhu est pianiste, pas écrivain. Mais cette lente descente dans les enfers du communisme chinois, plus ou moins volontaire par-dessus le marché, et cette remontée difficile à l'air libre - car on sait qu'elle s'en sortira - ont un irrésistible pouvoir d'attraction. Ces sentiments simples, par lesquels un destin tragique est déroulé comme un barbelé qui vous arracherait les mains à chaque centimètre, vous gagnent aussitôt. L'attachement à des êtres dont on ne sait rien, à des objets sans valeur, à des lieux qu'on n'a jamais vus : voilà qui semble suffire, quand la sincérité les transmet, plus que le talent et le métier. Zhu était une jeune étudiante au conservatoire, la Révolution culturelle s'y est mise, elle est allée dans les camps planter des choux, elle a fait venir un méchant piano, dont elle a changé les cordes cassées avec du vulgaire fil de fer; elle a soupçonné son père d'être un espion «à la solde de l'étranger», elle a trahi ses amis, elle a été trahie, elle a vu les bibliothèques se vider de leurs livres, les conservatoires de leurs instruments, de leurs professeurs et de leurs partitions; toutes choses mêlées dans une tête farcie de versets de la «pensée-Mao» (disait-on) et de sonates de Beethoven. Désarroi, errance, naïveté, confusion. Et puis la fuite vers l'Occident. Encore la confusion : richesse ou gaspillage ? Paresse ou liberté ? Indépendance ou individualisme ? Pauvre Amérique, pauvre Paris, pauvre Chine, pauvre Xiao-Mei. Les bons sont les méchants, et vice versa, comme dans un film de Welles. Et même il n'y a ni bons ni méchants. Reste Bach; que Zhu Xiao-Mei révère et qu'elle joue inlassablement. Ses chères «Variations Goldberg». Elle ne va pas y chercher midi à quatorze heures. Elle les joue simplement. Ni gaie ni triste, ni molle ni dure. Un peu entre les deux, sur un point qui hésite entre le digne et le banal. Il y a quelque chose de cassé derrière cette retenue, qui serait décevant venant d'un autre. Venant d'elle, on dit : il y a quelque chose de réparé.

L'américaine La jeune Simone Dinnerstein n'a rien de commun avec Zhu, si ce n'est d'avoir gardé elle aussi un souvenir ému de son premier piano, ce qui n'est guère original. Elle a commencé en jouant de la musique ancienne à la flûte à bec, elle est de Brooklyn, elle a un site internet, des amis, un agent, un mari, un enfant. Elle a beaucoup écouté Glenn Gould, cela s'entend. «Je l'ai tant écouté dans Bach que j'ai eu le plus grand mal à m'en défaire.» Mais elle est intelligente : «J'ai compris que Bach était libre, et que plus je l'étais aussi, plus j'avais des chances d'être intéressante. >> Tombant sur un piano d'une qualité exceptionnelle, un vieux Steinway hambourgeois (1903) rescapé des bombardements de la dernière guerre sur l'Angleterre, un piano d'une douceur presque maternelle, elle l'épouse, si l'on peut dire : au concert, au disque, elle le quitte le moins possible. «Le piano que je joue m'influence beaucoup : l'instrument touche à tout ce que vous faites musicalement.» Son enregistrement des «Variations Goldberg» est d'une incroyable beauté, sans doute le meilleur depuis Gould, qui passait pourtant pour avoir fermé définitivement la porte de cette oeuvre. Ce qu'elle lui a pris, c'est sa liberté. Gould était solaire, elle est lunaire. Sa lenteur, dans certaines variations, par exemple, lui permet un toucher d'une délicatesse inouïe. Elle laisse passer des sentiments qui semblaient étrangers à cette musique, la plus abstraite du monde : la tristesse, la tendresse, et même la compassion. On dirait parfois qu'elle chante des berceuses... On ne le dirait pas : elle les chante vraiment. Arturo Benedetti Michelangeli transportait son piano partout avec lui, et aujourd'hui encore Krystian Zimerman substitue sa mécanique (clavier, marteaux...) à celle des instruments qu'il doit jouer. Il ne faut donc pas sous-évaluer, dans le charme qui opère dès les deux premiers sol de l'aria, posés comme des plumes, l'importance de ce piano martyr, de ce vieux frère affectueux qui semble incapable de la moindre méchanceté... (Mais encore faut-il savoir lui parler.) Le timbre du vieux Steinway entre pour beaucoup dans cette paix neigeuse qui donne toute leur lumière aux neuf canons de ces «Goldberg», qui, pour être d'une abstraction encore supérieure aux autres variations, sont ce que la pianiste réussit avec le plus de poésie. Longue vie à Simone Dinnerstein.

samedi 19 juillet 2008

Of Course !

Gribouille. Copyright Papou 2008
On évoque souvent les difficultés de circulation dans les grandes villes avec la force de poésie primaire qui la caractérise: «Tu la pousses ta bouzine ou faut que je descende te foutre mon pied au cul ? – « Ta gueule, eh connard, si t’es pressé t’as qu’a passer par dessus!» - « Dégages avec ta caisse pourrie, je bosse, moi ! » - « Moi aussi, je bosse, espèce de branleur, et si c’est trop bouché t’as qu’a aller te faire enculer !» - « Moi aussi, je t’encule, roquet sans couilles! » - «Oui, ben moi je t’emmerde !» En général on en reste là. Chacun à sa vie. Personne ne passe à l’acte sexuellement parlant. En attendant que ça redémarre j’ai la satisfaction de constater que nos virils interlocuteurs ne sont ni chômeurs ni dénués d’une vie sexuelle bien remplie. La province connaît aussi son lot de tracasserie. Ahun, par exemple, située sur la route de Guéret à Aubusson à une vingtaine de kilomètres de chacune de ces villes importantes du département. D’ordinaire, la circulation y est fluide. Mais en période estivale associée au jour de marché, c’est bien simple vous arrivez en ville et vous tournez. Il n’ y a que ça à faire. Tout est plein. Pas un poil de trottoir. Et ce n’est pas comme au manège, la queue du Mickey, elle est en option. De toutes les façons, le tour est gratis. En général les connaisseurs consultent le Bottin local la veille, passent commande par téléphone sans oublier de préciser un créneau horaire et la couleur de leur voiture. Le jour dit, en l’occurrence le mercredi, le siège passager équipé de sébiles garnies de monnaie, ils partent faire leurs courses à Ahun. Dans le meilleur des cas, ils arrivent à hauteur du commerçant, le klaxonne, se voient remettre la marchandise, règlent et repartent tranquilles comme Baptiste. Un fort afflux routier n’autorise guère les arrêts prolongés. Il faut alors récupérer ses courses en roulant au pas sans se faire coincer par la maréchaussée. La botte de radis en main étant aussi prohibée au volant que le téléphone portable. Puis vous avez la sportive. C’est celle que je préfère. La plus dangereuse, certainement la plus excitante aussi. Vous passez à cinquante à l’heure toutes fenêtres ouvertes, les commerçants vous bombardent de victuailles en visant la banquette arrière tandis que vous leur envoyer vos euro à la gueule sans ralentir. Ne vous inquiétez pas, les plus costauds y trouvent toujours leur compte. Pour cette dernière méthode, que je n’ai pas testé personnellement, je vous déconseille melons et pastèques au risque d’y laisser un pare-brise ou d’avoir une portière enfoncée ce qui avouez-le serait plutôt ballot. Les crevettes non plus ne sont pas recommandées. Un bon kilo de guatémaltèques mal emballées c’est comme du riz cuit à une sortie de mariage : une catastrophe. A moins d’avoir de la mayonnaise dans la boite à gants, et encore. Puis la crevette contrairement au riz, ça schlingue. Bon, je vous dis ça mais je n’avais pas de courses à faire, sI ce n’est tirer de l’argent et faire une visite au vétérinaire avec Gribouille. Il nous à fait un coup de Calgon le matin même. Et un chat de huit kilos cinq, sans la caisse, ça se balance pas comme ça par la fenêtre dans la vitrine d’un vétérinaire. Surtout qu’il est pas bien. Contre tout attente il a bien fallu que je me garre à Lavaveix, enfin presque, pour faire la route à pied avec le Gribouille en Hypothermie et une insuffisance respiratoire. Cortisone, antibiotiques et comprimés pour huit jours. Gribouille était tout chose. Mon bras aussi. J’espère qu’il va se remettre. Je parle du Gribouille, pardi !

vendredi 18 juillet 2008

Jours Tranquilles en Creuse

C'est beau une ville la nuit

« J'attendrai. Le jour et la nuit, j'attendrai toujours ton retour. J'attendrai car l'oiseau qui s'enfuit vient chercher l'oubli dans son nid. Le temps passe et court en battant tristement dans mon cœur si lourd. Et pourtant, j'attendrai ton retour. » Je ne sais si Rina Ketty était inquiète pour Loulou Borloo, mais en tout cas sur les ondes d’autoroute FM silence radio. Le retour était fluide. Et puis en ce moment, il avait pas que ça à faire le Loulou. Il venait de saisir un Haut-Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire à la suite de l’incident du Tricastin. "Je veux une totale transparence sur ce dossier (...) Je souhaite qu'il se penche sur la situation radio-écologique de l'ensemble des sites nucléaires et que l'on vérifie notamment l'état des nappes phréatiques situées près de toutes les centrales nucléaires françaises" On ne rigole pas. Mais connaissant le Loulou, grand prix de l’humour noir à Monmazout la Plage, si le Haut-Comité se penche, Loulou fout tout le monde à la baille. Le premier qui sortira de l’eau plein de boutons purulents aura perdu. Il a même demandé à Anne Lauvergeon d’Areva « (…) d'aller sur place, faire un audit interne et de tirer toutes les conséquences qui s'imposent s'il s'avère que des fautes professionnelles sont à l'origine de cet incident". Ca va chier grave ! Surtout que depuis le début de semaine Anne s’est donc installée avec caravane, mari et enfants dans le Vaucluse pour tâter l’eau tiède irradiée et déguster des poissons morts. Des vacances de rêves, quoi ! "Même s'il ne s'agit pas ici d'un incident nucléaire, mais d'un dysfonctionnement au niveau de l'entretien de la centrale, lorsqu'on travaille dans le domaine du nucléaire, aucune négligence ne peut exister. Et la transparence doit être exemplaire" Sacré, Loulou. Tu veux pas d’incidents ? Tu supprimes les centrales. L'incident de Tricastin a été classé au niveau 1, au bas de l'échelle des incidents nucléaires qui va de 0 à 7. Voilà qui est plus que rassurant Merci, loulou. Des langues de lumières rouges et jaunes glissaient sur l’asphalte. Au loin, une Tour Eiffel bleue butagaz scintillait pour saluer la fusion Suez EDF votée par 99% des actionnaires. Flaubert aurait pu écrire dans son bêtisier Actionnaire : un enfoiré qui s’ignore. « J'attendrai le jour et la nuit, j'attendrai toujours ton retour. J'attendrai….. » Porte d’Italie dans la moiteur de l’été j’ai retrouvé les délices de la civilisation. La circulation dense, la pollution, les gymkhanas motorisés, les klaxons, les insultes, les majeurs agressifs et les troupeaux de cyclistes daltoniens nez au vent dans l’inoubliable «c’est beau une ville la nuit.» Quand il tend le bras à droite, l’idiot tourne toujours à gauche. J’ai frôlé l’inoubliable « c’est beau un cycliste sur le pare-brise.» Est-ce qu’un cycliste est un meilleur citoyen qu’un autre ? Mort, certainement pas. Au parking j’ai coupé le moteur avant de pleurer. L’émotion était trop forte en regard de tous ces gens que j’avais failli tuer. Et pourtant l’envie ne m’avait pas manqué. « Le temps passe et court. En battant tristement dans mon cœur si lourd…. »

jeudi 17 juillet 2008

Voix d'été en Creuse

2008 correspond au 23e anniversaire du festival “Voix d’Été en Creuse”. Du 18 juillet au 14 août ce sera l’occasion de proposer son “Best of " où seront réinvités les ensembles plébiscités par les spectateurs. Ce sera le cas de Jordi Savall, programmé en 1990 par le festival au moment où Alain Corneau tournait « Tous les matins du monde » dans la Creuse. Les autres formations illustrent l'éclectisme, l'ouverture sur les cultures, de Brigitte Lesne, aux Polyphonies gênoises.
. VOIX D’ETE EN CREUSE
Programme
Vendredi 18 juillet, 21h Eglise romane de Felletin LA SQUADRA DE GENES Polyphonies génoises Mardi 22 juillet, 21h Abbatiale d’Evaux-les-Bains TAVAGNA Chants traditionnels corses Jeudi 24 juillet, 21h Abbatiale romane de Bénévent l’Abbaye KING’S COLLEGE Direction : DavidTrendell DE LONDRES Mardi 5 août, 21h Eglise romane d’Ahun Brigitte LESNE Manuscrits de l’abbaye Saint-Martial de Limoges et l’ensemble DISCANTUS Jeudi 7 août, 21h Jardins de la Commanderie de Bourganeuf LA CALACA Chants, danses et musiques traditionnels mexicains Mardi 12 août, 21h Eglise romane de Soumans ENKJARGAL Chants traditionnels mongols et MONGOLIINTENGER Jeudi 14 août, 21h Abbatiale romane de Chambon-sur-Voueize Jordi SAVALL Jordi Savall, Montserrat Figueras et Xavier Diaz Latorre
TARIFS Tarif plein : 14 € Tarif réduit : 6 €
Le joyau de la ville de Chambon-sur-Voueize est la magnifique abbatiale Sainte-Valérie, l’un des plus vastes édifices de style roman du Limousin. Elle renferme un tableau peint sur bois du XV ème, siècle pas arrondissement, œuvre du maître de Moulins. Dans ce cadre magnifique ont été tournées des scènes de « Tous les Matins du monde » d’Alain Corneau époque ou il ne cherchait pas encore désespérément son « Deuxième souffle » qui pour ma part m’a laissé un point de côté. Mais bon. Garçon de peu de culture, le cinéma a joué dans la mienne un rôle parfois involontaire mais déterminant. Autodidacte et curieux, certaines rencontres se sont transformées en éblouissement. Kubrick, Thackeray Schubert, par exemple. Corneau, Quignard, Sainte-Colombe. Vous allez me rétorquer qu’il est d’autant plus facile d’attraper ce qui se tend vers vous comme une évidence. N’en croyez rien. Ne confondez pas inné et acquis dans la douleur. Dans l’univers de la musique actuelle, Jordi Savall lit, étudie et interprète avec sa viole de gambe des merveilles musicales abandonnées dans l’obscurité et l’indifférence. Le succès du film aux cinq césars à contribué à la renaissance d’une discographie négligé de l’œuvre de Monsieur de Sainte-Colombe. La bande originale du film interprété par Jordi Savall y a contribué tout autant. En 1990 les abbatiales de Chambon-sur-Voueize et du Moutiers d’Ahun, Château Bodeau ou une ferme fortifiée à Rougnat furent des lieux du tournage de « Tous les Matins du monde » en Creuse. Au même moment l’interprète de Sainte-Colombe et Marin Marais pour le film était l’un des invités des « Voix d’Été en Creuse ». C’est pour fêter cette rencontre au sommet que le gambiste Jordi Savall, la soprano Montserrat Figueras et le guitariste Xavier Diaz Latorre seront invités à Chambon-sur-Voueize le jeudi 14 Août 2008 pour interpréter « Arie, Lamenti et Variaciones » au cœur même de l’abbaye.
J’ai mon billet.

mercredi 16 juillet 2008

Dix Euro

J’ai entendu dire que le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, le CJD, créé en 1938, pour réhabiliter la fonction patronale et mettre l’économie au service de l’Homme a pour ambition de promouvoir des idées nouvelles afin de rendre l’entreprise à la fois plus compétitive et plus humaine. Parmi toute une série d’engagements il en est une qui a retenu toute mon attention : SUPPRIMER L’ARGENT LIQUIDE « Les billets en circulation ont un cycle de vie très limité et une utilisation de plus en plus souvent frauduleuse qui permet le développement d’économies souterraines, parallèles ou occultes. Ils alimentent, entre autres exemples, le trafic de stupéfiants, le travail au noir ou la corruption. En raison d’une traçabilité très faible, cet argent n’est pas soumis au contrôle qui se porte sur les autres types de transactions financières existantes. Mais surtout, il échappe aux prélèvements fiscaux et sociaux et constitue un manque à gagner considérable pour le budget de l’État et le financement de la protection sociale. » Il se trouve que je me trouve d’accord avec cette mesure surtout depuis que je me suis fait tirer mon porte-monnaie dans la poche arrière de mon sac à dos en allant au boulot l’autre matin. Je m’étais déjà fait refiler un faux billet de dix euro je ne sais plus trop comment et par qui (si je le savais je serais retourné lui claquer le beignet à l’autre empaffé, c’te blague !) J’en avais fait l’amère découverte chez ma boulangère en commandant une tradition tout en lui tendant l’unique billet en ma possession. D’un claquement sec du pouce et du majeur de la dextre elle testa l’authenticité monétaire avant de lancer : « C’est un faux!» Suffisamment fort pour que toute la queue l’entende. « Comment ça, un faux ! » Hurlais-je discrètement (ce qui est assez difficile) d’une voix de fausset absolument méconnaissable même par moi-même. « Oui, monsieur, un faux ! Avec un peu d’expérience, on ne s’en laisse plus conter (compter ?). On le flaire, on le reconnaît à cent mètres. Et là en l’occurrence, c’est un faux! » Tous les yeux portés sur ma nuque, je me suis vidé de mon sang, là d’un coup, tout le sang dans les pompes, j’avais les pieds gonflés. « Regardez là ! C’est clair et net ! » Un léger frémissement d’impatience dans la foule annonçait l’orage. J’ai fripé le billet de mes doigts fébriles avant de me m’enfuir avant qu’il ne pleuve. Ce soir là, rongé par la honte je n’ai pas mangé. Et puis manger sans pain n’est pas ce que je préfère. Le lendemain, en sortant de mon petit Fleury, j’ai tenté de le fourguer contre quelques Millionnaires, Blackjack et autres jeux d’argent. Je suis reparti avec un pied au cul et les compliments non répertoriés dans le dictionnaire du Scrabble du patron du bar-tabac Le Voltigeur. Au bord du canal j’ai détaillé l’objet du délit : il possédait bien sa bande iridescente et holographique, n’avait pas traces de bavures, ni d’appendice de papier supplémentaire, tous les pays d’Europe s’affichaient avec le petit pont. Bref ! Je ne lui trouvais rien à redire à ce foutue billet. La tête compressée par l’effort je me suis vu refusé du paracétamol. Le pas poli m’a conseillé de me mettre le serment de Galien où je pense. Je me suis donc présenté aux Urgences afin de vaincre une céphalée sans aucun doute mortelle. Il y avait foule. Que des têtes à s’être fait refiler des faux billets. Question de patienter en attendant la mort j’essayais de déchiffrer quelques lignes des faux monnayeurs de Gide. « Eh ! Fiston, t’aurais pas un clope ou un peu de thune pour un gars d’la cloche ? Prostré sur ma chaise, je lui ai tendu mon billet. « T’es un seigneur, toi, m’a lancé le gars médusé et admiratif du geste ». J’étais content de ma B.A., rasséréné presque quand soudain le gars s’est mis à gueuler que mon talbin était faux ! Que je n’étais qu’un gros dégueulasse de sodomite ! J’eus beau le supplier de ne pas crier si fort surtout à cause du mal de crâne, il s’époumonait à m’en refiler la tuberculose sur mon cancer du cerveau et du cul qui allaient m’emporter fissa que ce serait vachement bien fait pour ma gueule ! Soyez bon avec les pauvres. Je me suis donc enfui une nouvelle fois poursuivies par les imprécations soulographiques du S.D.F. A Chaque voiture de police sirène hurlante j’appréhendais l’interpellation. Place St Laurent épinglé par un quatuor roumain ou assimilé je me suis senti délesté du porte-monnaie et de mes dix euro. J’ai juste gueulé pour la forme trop content d’en être enfin débarrassé. Avec quelques heures de retard j’ai enfin pu aller au boulot la conscience tranquille. Le soir, le quatuor m’attendait place St Laurent avec des malabars enguirlandés de chaînes en or comme des arbres de Noël. J’ai cherché des yeux Kusturika et la caméra quand l’un d’eux m’a pris par l’oreille. Les passants accéléraient l’allure. Les flics se relaçaient les chaussures. Il m’a fourré le billet dans la bouche « Cépabien ce que toifaire à pauv’ fem’ qui travail honnêt ! Plus jamais, compris ? » Ce sont pour ces raisons simples et évidentes que je suis partisan de la suppression de l’argent liquide. Le CJD sensible au bouleversement des habitudes et aux traumatismes que cela pourra provoquer, particulièrement pour les populations fragiles ou les personnes âgées, préconise dans un premier temps de ne garder que les pièces, en en créant de nouvelles de 10€ et 20€. Celles-ci seraient suffisamment volumineuses pour éviter qu’une somme significative soit déplacée en toute impunité. Des pièces grandes comme des cerceaux que nous pousserions avec une baguette. Il va me falloir investir dans un petit costume marin. La crainte, formulée par certains, d’une surveillance excessive, liée à la traçabilité de ces technologies, pourrait être aisément apaisée par l’utilisation de cartes prépayées et anonymes de deux mètres sur trois que nous porterions comme les vitriers. Le CJD est bien conscient que l’entreprise est difficile et peut même sembler utopique. Ah bon ! Il demande, par exemple, que tous les citoyens soient « bancarisés » et, surtout, elle n’a de sens, à terme, que si elle est menée au niveau mondial. Mais les difficultés ne sont-elles pas à la mesure de l’enjeu? Il s’agit d’abord d’une mesure radicale pour lutter contre le fléau de la drogue et de la corruption qui alimentent nombre de guerres et d’injustices sur la planète. Il s’agit ensuite d’élargir l’assiette des prélèvements à tous ceux qui les doivent, ce qui permet d’imaginer en contrepartie une réduction des déficits publics en même temps qu’une baisse des cotisations et taxes pour les entreprises comme pour les particuliers. En tout cas, moi, avaler un petit bout de papier, ça m’a couté dix euro. Décidément on n’arrête pas le progrès.

lundi 14 juillet 2008

Kashmir

Claude Weisbuch
Matt Haimovitz est un violoncelliste iconoclaste et audacieux aussi à l’aise dans les salles de concerts prestigieuses que dans des lieux plus inhabituels. Après avoir visité le répertoire pour violoncelle seul du XX ème siècle, compilé en triple CD chez Deutsche Grammophon. Il a fait la Une outre-atlantique pour sa version inovante des Suites pour violoncelle seul de Bach et remporté plusieurs récompenses dans les revues spécialisées ainsi qu’ une nomination aux Indie Awards. Mais il aime aussi surprendre avec des œuvres telles que sa version de Star Stangled Banner de Jimi Hendrix dans son album « Anthem » ou Kashmir de Led Zeppelin dans « Goulash! » Référencés tous deux chez Oxindale. Une autre façon d’aborder le violoncelle.

dimanche 13 juillet 2008

Parigot, tête de veau !

Rosiane Copyright Papou 2008

Pour passer la porte d’Italie je me suis démerdé tout seul sans l’aide ni de Bison Futé dit aussi Anti gaspi plus connu sous son nom de résistant Loulou Borloo. J’allume Autoroute FM et sur qui je tombe dans le poste ? Le Loulou, justement. Il roulait à 130 km/h dans une voiture électrique avec un mégaphone branché sur le toit. « Français, Le Maréchal et moi-même vous invitons à faire preuve de civisme….Vérifiez la pression de vos pneus…. Respectez les limitations de vitesse…. Soyez prudents…Ne roulez pas bourré….Collaborez avec les milices autoroutières» Sur une aire d’autoroute du côté d’Orléans il nous attendait pour la dénonciation des anti-français : on gagnait des bas de soie. A mes côtés une 405 les amortisseurs à l’agonie avec galerie et remorque chargées comme des containers. Si lui il n’est pas bourré, je pense. Je ne sais pas comment il avait fait le Loulou, pour rouler à 130km/h jusqu’à Orléans. Certainement la bande d’arrêt d’urgence. Trois heures Paris Orléans. Je sais, peux mieux faire, mais alors là faut descendre et pousser la bagnole. Avec Loulou dans sa caisse qui hurlait dans son mégaphone, la 405 ras la gueule, toutes ses bagnoles au pas, ça m’a rappelé l’exode. Pas celle d’Abraham, celle de 40. Manquait plus que les Stukas. La grande époque, quoi. Bon, l’exode, ça m’a passé vite. Une fulgurance c’est tout. Avec ces milliers de voitures en train de péter du CO2 dans l’atmosphère en veux-tu en voilà, on pouvait toujours accuser les vaches de niquer la couche d’ozone avec leurs rototos. Responsables mais pas coupables. La belle affaire.
Copyright Papou 2008
Sortie 23 sur le coup de 21 heures 30, je me suis mis au vert. Une lumière rasante dorée aux derniers feux du soleil caressait les vaches en pâture derrière l’alignement géométrique des meules de foin. Au loin, des pachydermes fendaient le ciel en troupeau. La pluie vint sur le tard. Trois fois rien, une menace. A l’arrivée j’ai humé le silence. Les foins embaumaient l’air. Les oiseaux pépiaient après l’alerte. Ainsi j’aimais le monde. L’heure tardive et la fraîcheur du soir nous contraignirent à manger à l’intérieur. Rosiane, ma belle-mère, excellente cuisinière, m’a annoncé une bonne surprise pour demain. J’ai dû faire une drôle de gueule pour qu’elle me demande : «Pourquoi, t’aimes pas ça ! Je l’ai fait exprès pour toi ! Le boucher d’Ahun m’a livré ce matin !." Franchement c’est vachement gentil mais fallait pas. Je me suis demandé si j’irais voir Isabelle Leveau et ses boucles d’oreilles 5755, avant ou après la tête de veau sauce ravigote.
Copyright Papou 2008

jeudi 10 juillet 2008

Un violoncelle au paradis

Anne Gastinel, 37 ans, vit à Lyon avec ses trois hommes : Maxime, son mari, avocat et mélomane, Jules, leur fils de 6 ans, qui n'a pas l'air trop pressé de commencer le piano, et le vieux Testore, un maître de musique d'origine italienne, avec qui elle passe cinq heures par jour en exercices, en répétitions, en arpèges émincés jusqu'à l'épuisement. C'est un tyran domestique, mais il a lui-même beaucoup souffert dans sa longue vie et il porte un nom fameux dans toute la Péninsule. Carlo Giuseppe Testore est même une sacrée référence dans l'univers des cordes frottées. Alors elle veille sur lui et ses regards trahissent une constante inquiétude. Elle dit quelquefois « mon homme » pour rire, pour faire enrager Maxime. « Huit jours sans lui, je deviens folle, je meurs », avoue-t-elle. Anne et le vieux Testore ne se quittent presque jamais. Il fait partie de la famille et feint même de s'en faire oublier, appuyé au chambranle de la cheminée ou allongé nonchalamment sur le canapé. Quand elle l'évoque par son petit nom, « Testorino », on s'étonne presque qu'il ne se lève pas pour la rejoindre. Car Anne Gastinel parle à son violoncelle, le tutoie, le remercie, le sermonne même quelquefois quand elle n'est pas contente du concert. « C'est-à-dire quand je ne suis pas contente de moi, pour être juste. C'est un personnage à part entière, et nous avons des rapports passionnels. Il partage ma vie. »Testorino a vu le jour à Milan en 1690. On pourrait croire qu'il a pris du ventre avec l'âge, mais il est né comme ça, bombé du devant, ce qui lui donne une sonorité ronde que ses cousins français ne possèdent pas. Il était même si gros à la naissance qu'on l'a amputé du bas. Après cette méchante chirurgie, Testorino s'est révélé plus court de taille que le violoncelle étalon. Une sorte de Sancho Pança de la lutherie. Comme toutes les « basses de procession » de sa royale espèce, il a défilé sous les moulins, joué sous la pluie et subi les pires maltraitances. On voit même encore la trace du clou planté dans la caisse et auquel les musiciens attachaient une ficelle, l'instrument étant alors porté dans les occasions rituelles. Aujourd'hui, c'est avec ce vieillard handicapé et à la peau bien tannée, estimé à 300 000 euros, qu'Anne Gastinel, devenue la violoncelliste de l'époque, la soliste que les salles et les chefs se disputent, touche au sommet de son art.Sommet est d'ailleurs le mot exact. Devant rendre bientôt « Sancho » Testorino à son vrai propriétaire, le Fonds instrumental français, après trois années de vie commune, Anne lui a fait vivre cet été des moments inoubliables. Ils sont montés tous les deux à Sion, dans le Valais, au milieu des vignes dont les escaliers impriment sur les flancs de la montagne comme des partitions de plein vent, et là, dans ces altitudes, Anne Gastinel, qui doit bien avoir quelque chose de Don Quichotte, son âme chevaleresque et son mépris des turpitudes terrestres, s'est adressée à Dieu, ou peu s'en faut, en ces termes : « Mon cher Franz, toi que j'idolâtre (on aura reconnu Schubert, à qui Anne Gastinel parle aussi), tu as commis la plus grave des erreurs à mes yeux. Tu as écrit des merveilles de trios, de quatuors, et, je veux bien, un sublime quintette à deux violoncelles. Etait-ce pour te donner bonne conscience, les deux violoncelles ? Parce que tout de même : pas une suite, pas une sonate, pas un concerto pour violoncelle, rien pour moi «toute seule», moi qui t'aime tant... »Rien, sauf la Sonate pour arpeggione, cette « guitare d'amour » aujourd'hui disparue et qui est passée par défaut au répertoire du violoncelle. Un sommet encore, que les plus grands ont flatté de leur visite. Alors, Anne la contemplative, qui n'a jamais songé à faire carrière et préfère regarder filer les nuages entre Saône et Loire, fait chanter Testorino et a rendu à Schubert cette mélancoliedont Victor Hugo disait qu'elle est « le bonheur de la tristesse ». Un instant de grâce que la soliste, humble à son habitude, préfère attribuer à l'accompagnement de Claire Désert au piano, au soleil, aux vignes, « et à Testorino bien sûr », avec qui elle fera à Paris l'aumône d'un concert unique, le 24 octobre au Théâtre de l'Athénée. Et puis elle s'en retournera chez elle, à Lyon, lire Stefan Zweig et Thomas Mann, taper le ballon avec Jules et Maxime, toujours suivie de son ombre sans âge. C'est presque un sacerdoce, dans son cas. Cette jeune femme peu pressée, qui a gagné les coeurs des plus grands et les concours les plus cotés, qui ne s'offusque pas d'être applaudie entre deux mouvements, avait réussi en moins d'un an à mater Matteo, un terrible vieillard celui-là, le mythique Matteo Goffriller de 1733 qui n'avait été touché pendant soixante ans que par la main céleste de Pablo Casals. Le Fonds instrumental n'a pas voulu rompre le charme : en descendant de la montagne, Anne Gastinel a appris que Testorino resterait avec elle pour trois ans encore. C'est Schubert qui va être content.
Jean-Louis Ezine.
Disque entièrement consacré à Franz Schubert Interprètes : Anne Gastinel (cello), Claire Désert (piano) Durée : 63:08

mercredi 9 juillet 2008

Sauvons les Kangourous !

Le slip Kangourou a été inventé pour Napoléon qui mettait toujours la main à la poche. Guère épais d'origine il connu une production de masse en pilou lors de la campagne de Russie en 1812. Un modèle qui perdure encore pour ranger un livre de poche ou une livre de poireaux. Eh oui, souvent décrié (ringard, slip de vieux, slibard, etc.) et pourtant porté par le plus grand nombre, il a été depuis des années le sous-vêtement le plus vendu en France et dans le monde, devant les boxers, caleçons et autres. Serait-il avec les 35 heures en voie de disparition ?

Sainte Ingrid 200 ans déjà !

Copyright Papou 2005
Pierre Desproges m’avait prévenu : « On peut rire de tout, çà dépend avec qui. » Et il avait raison. Le militant étant par nature susceptible et manquant cruellement d’humour, il m’a suffit l’autre jour de ne citer qu’une fois le nom d’Ingrid Betancourt à la fin de I have a (bad) dream ! pour recevoir l’intégrale du discours prononcé par Ingrid Betancourt au premier congrès des Verts en 2001. Je l’ai lu. Et je suis d’accord, comme ça il n’y a pas d’équivoque.. Bon, c’est un discours militant alors les esprits s’échauffent un peu, mais sur le fond on ne peut qu’abonder dans son sens même si des accents guerriers me terrorisent « Cette guerre que nous allons gagner sera gagnée plus rapidement parce que nous pouvons communiquer des certitudes vers les multitudes. C’est une confrontation moderne dans laquelle l’information est stratégique et elle sera gagnée d’abord avec des idées. Le futur est Vert et il le sera ! » Déjà le vert, il faut aimer parce-que ça ne va pas avec tout. Et puis, le futur est vert, elle a pu s’en rendre compte et méditer cette phrase pendant les six ans de sa captivité dans la jungle colombienne à respirer de la chlorophylle. A vrai dire, je n’ai rien contre cette femme, six ans c’est long, elle a été libérée à temps pour les Soldes, elle a retrouvé enfants, famille et amis, dont je fais parti comme tout un chacun, c’est elle qui l’a dit, elle a remercié Dieu, La Colombie, Urube, l’ami des paramilitaires d’extrême droite et des narcotrafiquants, embrassé Sarkozy et retrouvé son copain Villepin. Elle va même être reçue par le Pape. De quoi se plaint-on ? Depuis qu’elle a été libérée j’ai balancé mon tee shirt avec Che Guevara. Paraît que les Farcs portent le même. Je me demande si le film de Soderberg sortira bien à la rentrée ? Va falloir que je me trouve un truc plus tendance à l’effigie de Sarkozy. ? par exemple. De toutes les façons dans deux jours il y aura ceux avec la tête d’Ingrid avec écrit en gros caractère : LIBRE ! et le montant de la rançon dans le dos. Tiens, l’autre soir j’ai été agressé par quatre types cagoulés armés de mitraillettes en plastiques vachement bien faîtes, portant des tee-shirts avec Denis Baupin dessus.. Ils voulaient savoir si je faisais correctement mon tri sélectif. En fin de compte c’était mon fils qui me faisait une blague avec Julien et des potes, mais je dois admettre que sur le coup j’ai eu une de ces trouilles. J’en ai tremblé toute la soirée en regardant Ushuaia Nature puis la Marche de l’Empereur en VO. Je pensais à Ingrid. J’ose espérer que Carla fera pas sa salope et va l’emmener dans tous les magasins branchés pour les soldes. Tu vois pas qu’elle se pointe avec un costume de l’armée colombienne pour recevoir la Légion d’Honneur des mains du petit Nicolas.

mardi 8 juillet 2008

L'ombre des morts

Juan Manuel Fangio au volant de sa Mercedes W196
Notre consommation effrénée d’énergie fossile mets en péril l’équilibre naturel de façon irréversible et conduit tout droit à la catastrophe. Pourtant ce week-end en Champagne, je n’ai pu m’empêcher de faire halte sur les bords de la D27 où se dresse ce qui fut l’un des circuits de courses automobiles les plus célèbres de France. Le triangle Gueux-Muizon-Thillois était le trépied intime du circuit de Reims qui accueillit le premier Grand Prix de France en 1938 et le Grand Prix de formule 1 de 1950 à 1966 avant la fermeture complète de ses stands en 1970. Aujourd’hui Les stands et une partie du tracé sont encore visibles à ce jour. Mangés par la végétation les stands et les tribunes semblent de pathétiques vestiges d'une gloire passée. Celle de Fangio qui remporta le titre en 1950, 1951 et 1954 au volant de sa Mercédès W196. Une association d’inconditionnels de ce « sport » s’efforce de sauvegarder le site de le ruine et tente de redonner couleurs et éclats au Circuit de Reims. Dans le silence le même charme opère que dans les théâtres antiques comme celui d’Epidaure ou le site d’Olympie. Plane encore dans ce lieu de nos jeux modernes les cris de de la foule et les vrombissements des moteurs. Plane l’ombre des morts.
Copyright Papou 2008