dimanche 31 janvier 2010

Julien Clerc Tour 09

A la suite du bel album « Où s’en vont les avions ? » ce fut le retour de l’élégant et séduisant sexagénaire pour une tournée dont voici la capture scénique en un double CD. Un Julien Clerc qui confirme sa capacité à distraire avec élégance et qualité, en vingt-huit chansons précieusement choisies. La voix est toujours forte, ample. Les chansons d'hier s'insèrent dans les plus nouvelles, sans effort, sans placage. Cette belle imbrication s'appuie sur quatre jeunes musiciens qui jouent chacun de tout : guitares, batterie, trompette, claviers, mélodica, banjo, chœur... Ce montage inédit, une très bonne idée, laisse à Julien Clerc, le plus souvent au piano, la totale maîtrise du parcours.
A écoutez donc !
Pas d'extrait de la tournée mais une chanson du dernier album dédicacée à celles qui se reconnaitront.

samedi 30 janvier 2010

Le carrousel

Loin des clameurs de la ville et des arcanes commerçantes qui drainent leurs flots de badauds. Perdu dans un coin isolé des jardins du Forum des Halles, le carrousel emporte quelques enfants dans un tourbillon de rire et de joie.

vendredi 29 janvier 2010

Pierre-Laurent Aimard : l'art de la fugue

"Dès les premières mesures, son toucher nous rappelle instantanément celui de Glenn Gould : c'est qu'on y retrouve cette clarté brûlante des lignes, cette dissection introspective permanente, cette poésie un peu nostalgique qui affleure à chaque note. Mais Pierre-Laurent Aimard n'est évidemment pas un clone du regretté canadien, et son tempérament plus souple laisse place à un jeu nettement plus legato, et à une plus grande liberté dans les tempi (subtiles et grisantes accélération dans le 4ème Contrepoint). Pudique mais sans retenue, techniquement impeccable, le pianiste nous entraîne dans des méandres de perplexité, sculptant chaque mouvement comme un portrait ou un voyage quasi-autonome tout en conservant en permanence le souci du contrepoint et de l'exposition du motif. Par exemple, au docte "Contrapunctus 1" magistral et guindé succède un "Contrapunctus 2" souriant et vif, où Aimard n'hésite pas à introduire une sorte de balancement claudiquant qui instille un air dansant à la pièce. Puis le soleil disparaît soudain, et révèle avec regret le "Contrapuctus 3" hésitant et murmurant telle une supplication archaïque. Voilà donc une fort belle interprétation, très personnelle, difficile à caractériser tant elle vagabonde entre les climats, toujours d'une grande densité, et où la musique cherche à se faire le témoin de la richesse de l'Homme."
Viet-Linh Nguyen

jeudi 28 janvier 2010

Robert Doisneau chez HCB

Bidonville à Ivry, 1946 © Atelier Robert Doisneau
Pour sa première exposition de l’année, la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris invite Robert Doisneau (1912-1994) du 13 janvier 2010 au 18 avril 2010, pour l'exposition "du métier à l'œuvre" et présente une centaine de photographies méconnues ou inédites de l'artiste.
Robert Doisneau immortalisa la vie des parisiens pendant près de 60 ans. Cependant le travail de Doisneau ne se limite pas à ce regard candide qui prend souvent le ton de clin d'œil à la vie sur ses contemporains.
L’exposition de la Fondation Cartier-Bresson propose une sélection d’une centaine d’épreuves originales, choisies en majorité parmi les trésors de son atelier et dans diverses collections publiques ou privées. Les images présentées ont été réalisées entre 1930 et 1966 à Paris et dans sa banlieue. Cette relecture tend à montrer comment Robert Doisneau est passé « du métier à l’œuvre », avec une gravité insoupçonnée, en inscrivant sur la pellicule un monde dont il voulait prouver l’existence.

Fondation Henri Cartier Bresson du 13 janvier au 18 avril 2010.

2, impasse Lebouis 75014 Paris.

mercredi 27 janvier 2010

Bach & Transcriptions

La musique pour clavier de Bach oppose régulièrement les pro-clavecin aux pro-piano. Comme pour le thé (avec sucre ou sans), ou la cuisson des oeufs à la coque (directement à l'eau bouillante ou d'abord à l'eau froide), la réponse peut ne relever que du goût personnel. Mais en bon droit musicologique, le débat est vite tranché. Pour un Bach dans son jus - c'est-à-dire le texte dans sa vraie texture (harmonique, timbrique, rhétorique) -, il faut cuisiner aux cordes pincées : la jeune génération de clavecinistes français, de Pierre Hantaï à Céline Frisch et Benjamin Alard, s'y entend à merveille. En revanche, si l'on se rappelle que Bach fut l'un des plus actifs transcripteurs de son époque - et d'abord de sa propre musique, la faisant passer d'un instrument solo à un autre ou à l'orchestre entier, d'un genre profane à une page sacrée -, alors oui à la reconversion aux cordes frappées !
Dépassant cette querelle des anciens et des modernes, l'enregistrement passionnant du pianiste français David Bismuth affiche un propos plus ambitieux : suivre, tel un fil rouge, l'écriture de Bach à travers celle de ses transcripteurs, qu'il s'agisse de compositeurs-pianistes (Liszt, Busoni), de pianistes-compositeurs (Wilhelm Kempff, Alexandre Siloti, le cousin de Rachmaninov), ou de créateurs fascinés par la rigueur contrapuntique du Cantor (Schumann tentant sur les lettres du nom de B A C H une fugue plus « bachienne » que nature !).
Chacune de ces transpositions au piano vérifie la règle qu'édictait Arnold Schoenberg, grand transcripteur lui aussi, à la tête de sa société de concerts viennoise : « La composition est au premier plan, l'instrument est seulement pris en compte, et non le contraire. » L'éventail de jubilations déployé par cette anthologie de « Bach revu et corrigé » s'étend du pur plai-sir du texte (Saint-Saëns, à partir de la cantate BWV 29) à l'ivresse renversante de l'écriture (Busoni, sur La Chaconne de la Partita pour violon seul, BWV 1004). Jouant un Stein­way moderne, aussi brillant que profond, David Bismuth y ajoute sa propre touche : la volupté de l'intelligence. Gilles MacassarTelerama
Bach/Beffa : Aria, Passion selon St Matthieu BWV 244.

mardi 26 janvier 2010

joshua bell

Le musicien de rue était debout dans l’entrée de la station « L’Enfant Plaza » du métro de Washington DC. Il a commencé à jouer du violon.
C’était un matin froid, en janvier. Il a joué durant quarante-cinq minutes. Pour commencer, la chaconne de la 2ème partita de Bach, puis l’Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et à nouveau, du Bach.
À cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur travail. Après trois minutes, un homme d’âge mûr a remarqué qu’un musicien jouait. Il a ralenti son pas, s’est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant.
Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : en continuant droit devant, une femme lui a jeté l’argent dans son petit pot. Peu après, un quidam s’est appuyé sur le mur d’en face pour l’écouter mais il a regardé sa montre et a recommencé à marcher. Il était clairement en retard.
Celui qui a marqué le plus d’attention fut un petit garçon qui devait avoir trois ans. Sa mère l’a tiré, pressé mais l’enfant s’est arrêté pour regarder le violoniste.
Finalement sa mère l’a secoué et agrippé brutalement afin que l’enfant reprenne le pas. Toutefois, en marchant, il a gardé sa tête tournée vers le musicien. Cette scène s’est répétée plusieurs fois avec d’autres enfants. Et les parents, sans exception, les ont forcés à bouger.
Durant les trois quarts d’heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l’écouter un temps.
Personne ne l’a remarqué quand il a eu fini de jouer. Personne n’a applaudi. Sur plus de mille passants, seule une personne l’a reconnu.
Au terme de ces 45 minutes, le musicien a récolté 32 dollars. « Ça fait du 40 dollars de l’heure, je pourrais vivre avec ça et surtout je n’aurais pas d’agent à payer », a ironisé Bell.Une cireuse de chaussure brésilienne qui travaille depuis six ans dans la station où s’est produit Joshua Bell a ajouté. « Je n’aime pas ces musiciens du dimanche. Ils font trop de bruit et m’empêchent de discuter avec mes clients. Mais là, pour la première fois, même si ce type jouait quand même trop fort, je l’ai trouvé plutôt bon. La preuve, je n’ai même pas appelé les flics ! » Ce violoniste était Joshua Bell, actuellement un des meilleurs musiciens de la planète. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius valant 3,5 millions de dollars.
Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation future au théâtre de Boston était « sold out » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.
Cette expérience a été organisée par le «Washington Post » dans le cadre d’une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d’action des gens.
Les questions étaient : dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l’apprécier ? Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu ?
Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : si nous n’avons pas le temps pour nous arrêter et écouter un des meilleurs musiciens au monde, jouant pour nous gratuitement quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, avec un violon Stradivarius valant 3,5 millions de dollars, à côté de combien d’autres choses passons-nous ?

lundi 25 janvier 2010

Los Bigornos de los Reunionos...

Georges Brassens à la Réunion
Maceo Biscotos Los Bigornos Rafaelos
Maceos
Tiagos Lunettos

dimanche 24 janvier 2010

Plus belle la vie....

"En règle générale je sais pertinemment que les gens aiment que les choses soient claires et nettes. Je les comprends. Mon gendre, tout serviable soit-il, à tendance à fabuler voire travestir la vérité. Or, cette vérité je vous la dois." "Si vous avez suivi mes aventures hospitalières, vous n’êtes donc pas sans savoir que comme Johnny j’ai été opéré et que comme lui j’ai rencontré quelques complications. Le seul point qui nous différencie, c’est que je n’en ai pas fait un étalage outrancier. Je n’ai eu qu’à décommander ma prestation chorale en première partie de Susan Boyle lors de sa tournée creusoise, remplacée au pied levé par ma copine Yvonne, la diva de la région Thaurion-Gartempe , ( j’ai toujours su que je pourrais compter sur elle dans les grands moments, merci Yvonne)." "Mes ennuis de santé remontent à septembre 2008. Une urgente intervention débutant en laparoscopie pour occlusion sur un adénocarcinome du colon avec carcinose synchrone. Ce qui, avouez, n’est pas rien. De plus, cécision de conversion : exérèse de la tumeur sous angulaire gauche en double stomie. Ben tiens ! Tumeur classée Pt3 N+4 M+9N1. presque le quarté dans le désordre que je n’ai pas touché par ailleurs. Comme suite à cette babiole, une chimiothérapie a base de vertibix et erbitux (vieille recettes gauloise) a été programmée. Cette thérapie m’a transformé la trogne en fraise Tagada. C'est jolie, faut aimer mais au moins ça fait toujours bien rire les gosses. Bref ! Depuis fin 2008, mis à part la chimio et une stomie, (insignifiants), ben la vie à repris son cour au cœur de ma campagne creusoise jusqu’en août 2009. A cette date les hautes autorités médicales se sont concertées et au vu de la stabilité des lésions de carcinose intra-péritonéale, ont décidé une laparotomie et exérèse de la carcinose. Ah les bougres ! A cette même époque j’avais un rien mal à la guibole droite. La bande de billes a détecté sur le tard une carcinose sur le psoas, bien entendu nécrosé autour de l’urtère qui fut impitoyablement sectionnée par un salaud que je ne nommerai pas. Vous suivez ? Résultat des courses : Infection Rénale dans la première et Ambolie Pulmonaire dans la deuxième à dix contre un. La reine du paddock, la star de l'hippodrome, la gagnante du prix de l'Arc de Triomphe. Voire même dans un autre registrel'héroïne du feuilleton Urgences : ben c’était moi la Rosiane, voyez ? Enfin quand je dis la série Urgences, si j’avais lu le scénario avant, je n’aurais jamais signé pour être opérée par le docteur House. Transpercée de partout la Rosiane tel le martyre de St Sébastien sans les flèches mais avec les trous. Trouée comme j'étais, pour faire piscine il m'aurait fallu un zodiac, sinon je coulais. Bref ! j’ai agonisé des jours durant sous hallucinogènes. De la Place Beauvau à mon élevage de Tamatave en passant par les cours à l'école des Beaux Arts et le trapèze volant, pas une minute à moi. Franchement, je me suis dit, ma pauvre Rosiane, t’es bien bigornée de la touffe. Tu files un bien mauvais coton tige.
Ils m’ont lâché dans un état de délabrement intense le soir de Noël, empaquetée dans un papier cadeau pour que les enfants ne manquent de rien. Ils m’ont couché dans la crèche. Et Dieu dans tout ça ? Ben rien ! Il a fallu qu’ils se la retapent tout seul la Rosiane. Je dois avouer qu’ils n’ont pas chômé, les pauvres biquets, mais bon, hein! Qui c’est qui doit s’occuper des reliques si c’est pas les héritiers ? On fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Petit à petit, j’ai repris du poil de la bête grâce à ma volonté, celle de mes enfants, deux infirmières à domicile et une kinésithérapeute qui m’a préparé chaque jour au grand concours de majorettes seniors 2010. Et quand enfin je fus enfin prête à préparer le défilé d’une main et une soupe de légumes de l’autre, voilà t’y pas qu’il a fallu que je rentre à l’hôpital pour une intervention bénigne, paraît-il. Un peu comme un contrôle technique, en fait. Vu que j’ai un nombre certain d’heures de vol à mon actif. En attendant la chimio, pourvu qu’il n’arrive rien. Allez tout le monde croise les doigts avec moi.
Et au jour d'aujourd'hui l'opération de jeudi dernier s'est bien déroulée, je me porte comme un charme et attends avec impatience l'heure de la sortie. Car moi, en dépit de mes mésaventures, j’ai un moral d'acier inoxydable et n’attends qu’une chose : filer en Creuse avec mes chats, retrouver ma maison, mes copines, écouter les oiseaux et m’occuper de mon potager. Voir la France championne du monde 2010, et Sarko se prendre une bonne bourre aux prochaines présidentielles. Je sais, c'est pas gagné mais la vie me porte et quand elle le veut, elle peut être aussi belle et douce. Mais c’est peut-être aussi parce-que je le vaux bien." ROSIANE T.

Temps de glaces....

samedi 23 janvier 2010

Alix & Lefranc orphelins

Jacques Martin. Crédits photo : AFP
Le père d'Alix et de Lefranc, ancien collaborateur d'Hergé, s'est éteint à l'âge de 88 ans, en Suisse. Son visage évoquait celui d'un empereur romain. Jusqu'à la fin de ses jours, Jacques Martin fut l'un des derniers représentants de la «ligne claire» chère à Hergé. Très éprouvée, c'est sa fille Frédérique qui a déclaré que son père était mort dans son sommeil des suites d'un œdème pulmonaire. Compagnon de route du créateur de Tintin durant une dizaine d'années à l'époque du Journal de Tintin, puis du studio Hergé, avenue Louise à Bruxelles, Martin clamait haut et fort qu'il avait apporté beaucoup aux aventures de Tintin et Milou, notamment dans L'Affaire Tournesol.

Né à Strasbourg en 1921, cet Alsacien de cœur, devenu belge depuis plus de trente-cinq ans, restait toujours intarissable sur sa ville natale. Son sourire était décidé et son regard conquérant. Pourtant, l'homme n'y voyait presque plus. Depuis plus de vingt ans, le père d'Alix était atteint d'une maladie des yeux, la macula, qui l'avait quasiment rendu aveugle. Comme tout dessinateur de bande dessinée de la grande époque, Jacques Martin a fait des études aux Arts et Métiers en Belgique, pays où il s'est également marié. Juste après la guerre, en 1946, Martin commence à publier ses premiers dessins.

Au sein du journal Tintin, il fait la connaissance des maîtres de la «ligne claire» comme Hergé et Edgar P. Jacobs. Avec eux, il devient rapidement l'un des représentants de l'école dite de «Bruxelles», connue notamment pour son réalisme et sa minutie. À partir du 16 septembre 1948, il publie dans les pages de Tintin les aventures d'un jeune héros romain, l'intrépide Alix, et de son acolyte Enak, deux envoyés extraordinaires de Rome à qui il prête vie depuis plus d'un demi-siècle. Avec cette série antique, la première du genre, cet infatigable raconteur d'histoires crée un formidable péplum de papier, jamais égalé depuis lors. En 1953, Martin intègre le studio Hergé et travaille sur plusieurs histoires de Tintin. «L'Affaire Tournesol, c'est moi !» déclara-t-il, en 1998, dans les colonnes du Figaro, précisant qu'il avait «même reçu des lettres de félicitations de la main d'Hergé pour le prouver. J'ai aussi travaillé sur Les Bijoux de la Castafiore, où j'ai introduit le gag de la 2 CV avec les Dupond(t). C'était au temps où Hergé avait fait spécifier par contrat qu'il devait dessiner “les têtes et les mains” de ses personnages. Mais, tout cela, je m'en fiche éperdument. Ce dont je me souviens, ce sont surtout les vingt années que j'ai passées à ses côtés au sein des Studios Hergé.»

À l'époque, Martin élabora même un scénario inédit pour le reporter du Petit XXe. L'histoire se situait en plein océan Arctique. Tintin recevait un message de détresse d'une exploration abandonnée dans l'archipel du Spitzberg. Les survivants atteints de botulisme, le reporter à la houppette s'engageait alors dans un «match-poursuite» pour leur apporter de la strychnine. L'histoire resta cependant dans les cartons du dessinateur.

Entre-temps, Martin crée le person­nage du journaliste Guy Lefranc, double contemporain d'Alix. Après avoir contracté sa maladie oculaire, Martin, plus que jamais soucieux de voir son œuvre poursuivie après sa mort, forme de jeunes dessinateurs capables de poursuivre son travail. Avec plus de 70 albums de bande dessinée vendus à près de 6 millions d'exemplaires, on ne peut que constater qu'il a eu raison. Et l'on ima­gine facilement le sourire victorieux du gladiateur Martin à la fin d'un combat dans l'arène.

Ave Martin ! Ceux qui te lisent te saluent. Et continueront longtemps. Olivier Delcroix

vendredi 22 janvier 2010

En bas de chez moi...

« Ils sont jeunes, certains ont à peine quinze ans, aucun plus de trente. Les plus chanceux ont une écharpe et un bonnet. Presque pas un n’a de gants. Le thermomètre pointe zéro. Qu’est-ce que ça change ? De toute façon, ce n’est pas le maigre brasier, deux planches minables, quatre cageots humides qui vont les réchauffer. Ils sont cent cinquante à peu près. Cinq cents dans tout Paris, à marcher dans des tennis troués, à tourner, sans trouver où s’arrêter au chaud. Ils sont Afghans. Ils ont lâché leur vie, leur famille, leurs amis, leur pays. La plupart viennent de régions contrôlées par les talibans. D’autres non. Quelle importance. Des bombes sautent à Kaboul. C’est tout le pays qui s’abandonne à la guerre.La France, c’est-à-dire nous, les poursuit comme des criminels. Menottes, avion : c’est aux barbus qu’on les remet puisque les intégristes sont les seuls à leur ouvrir les bras.Souvenez vous de ce temps : on appelait encore un mineur un enfant. Aucun ministre alors ne se serait permis de nous laisser croire qu’il est bon de laisser un enfant l’hiver dans la rue. Même étranger. Et il y a certainement eu une époque où on appelait un immigré un homme. Même s’il était sans papier. Ces enfants, ces hommes sont venus chez nous portés par l’espoir d’échapper à la violence. D’étudier. De mener une vie paisible. D’être dignes. Ce ne doit pas être trop demander. Ne jetons pas dans les eaux du canal le manteau que St Martin a partagé avec un pauvre. »
Atiq Rahimi (prix Goncourt 2008)

jeudi 21 janvier 2010

Du côté de chez Swann...

Swann à Scheveningen
Nos débuts furent difficiles. Vous prenez un lapin. Un lapin sans gilet ni montre à gousset. Un lapin roux de surcroît qui répond au tendre nom de Swann.
Vous prenez un grenadier. Je veux parler de la plante et non pas d'un soldat de la garde impériale. Vous mettez en relation le lapin et le grenadier. Swann, dragueur gourmand, bondit jusqu'à l'impertubable grenadier droit dans son pot comme dans dans des bottes. Swann lui glousse alors des mots tendres à l'oreille. Bien entendu le grenadier fait la sourde oreille. Rien ne peux le fléchir. Alors Swann lui soupire tout ce qu'il désire et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire voila le grenadier nu dans son pot et sans ses bottes. Et quand tout fut consommé, trois petites crottes et s'en est allé. "Coeur d'artichaut" fit le grenadier qui prenait froid sur pied.
Depuis tout s'est arrangé, le grenadier rhabillé ne s'est pas enrhumé et Swann dans la cour peut jouer tranquille à le snober en l'île de Ré.
Mais pour les fêtes de fin d'année, Swann s'est retrouvé à Scheveningen "à profiter à la fois des charmes de la ville et du bonheur de la plage et des immenses espaces de dunes sauvages aux portes de La Haye..." comme il nous l'a écrit.
Bonne Année à toi Swann sans oublier Emmanuelle & Lou, nos voisines rétaises, dont la dernière travaille les Variations Goldberg sur son piano. Des effluves de musique qui me parviennent et me séduisent comme si elle jouait pour moi seul. Je savoure ces matins ensoleillés à déguster un café près de la fenêtre ouverte. Pour Swann, le mélomane, elle joue tout l'année. Gâté de lapin qu'il est !

mercredi 20 janvier 2010

La misère est moins terrible au soleil....

A un peu moins de 60 kilomètres de la zone dévastée par le tremblement de terre à Haïti, un bateau de croisière de luxe vient de s'amarrer, coktails et jet-ski au rendez-vous. Sa compagnie, basée en Floride, vend un tableau pittoresque de la péninsule et de ses plages, afin de s'évader en complète tranquillité : sports aquatiques, barbecues. « La sécurité est garantie par des gardes de sécurité. » La décision de s'y rendre a divisé les passagers... Les bateaux transportent des réserves de nourriture et l'équipe de la croisière a plaidé en faveur de dons aux Haïtiens. Mais la plupart des clients resteront à bord lors de l'arrivée au port. «Je ne me vois pas prendre un bain de soleil sur la plage, jouer dans l'eau, faire des grillades et boire des cocktails, tandis qu'à Port-au-Prince des milliers de morts s'entassent dans les rues, les survivants choqués et en recherche de nourriture et d'eau», souligne un passager. «C'était déjà assez dur de s'asseoir pour un pique-nique à Labadee avant le séisme, juste en sachant combien d'Haïtiens mouraient de faim», ajoute un autre qui a pourtant choisi de faire cette croisière. «Je ne peux pas imaginer aller y avaler un hamburger maintenant». Certains vacanciers craignent de voir leur embarcation assaillie par des affamés; d'autres n'ont pas l'intention de renoncer à leur croisière de luxe pour un tremblement de terre: «Je serai à [Labadee] mardi, et j'ai bien l'intention de profiter des excursions comme du temps passé sur la plage.» Parmi les responsables de la croisière, certains soulignent que les revenus liés à ce tourisme sont plus nécessaires que jamais («nous ne pouvons abandonner Haïti au moment où ils ont le plus besoin de nous»). D'autres avancent que les bateaux peuvent aussi être utiles au transport de différentes resources.
Pour les passagers en manque de sensations fortes, ils pourront toujours aller aider les blessés et s'offrir ce «tourisme» d'un nouveau genre, pour les amateurs de «sensations fortes mais pas trop» qui trouvent un moyen un peu pathétique de s'offrir une parenthèse de frissons encadrés avec l'assurance en bout de course de reprendre tranquillement leurs petites vies rangées. Pour ceux qui n'auraient pas le goût des bidonvilles brésiliens, aucun problème, d'autres tours opérators proposent une visite du ghetto de Soweto à Johannesburg en Afrique du Sud, ou du bidonville de Dharavi à Bombay en Inde pour marcher sur les traces des acteurs de Slumdog Millionnaire.»

mardi 19 janvier 2010

La femme qui chante....

Il me restait alors de nombreux mois à faire avant de retourner à la vie civile. A mon retour d’outre-mer, ma nomination à bord du B.S.L. Loire, affecté à la surveillance des pêches à Terre Neuve, n’avait rien arrangé. Il me fallut alors faire des pieds et des mains pour obtenir ma mutation en métropole. J’ai atterri sur le Pétunia, un dragueur de mines comprenant huit hommes d’équipage, où j’ai officié en tant que vaguemestre jusqu’à mon départ définitif en avril 1974. Cela m’autorisait à quitter le bord chaque matin et me promener dans l’arsenal en compagnie de notre vieux bâtard chéri, Zef. La vie aurait pu s’écouler ainsi.
Sur le pont de Recouvrance, elle s’est pointée dans ma vie comme une jolie fleur de printemps avec une étroite jupe en jean et d’interminables bottes blanches. Elle m’avait fait croire à une formation d’un an dans une école de puériculture à Brest. Il n’en était rien. Seulement le désir de quitter Paris et venir vivre avec moi. Déjà à l’époque le travail était inexistant. Et elle passait le plus clair de son temps à m’attendre en rêvant à un demain merveilleux tout en courant les magasins pour décorer de deux ou trois fanfreluches notre maigre intérieur.
A deux pas de Recouvrance, dans une rue des plus sordides, nous vivions dans une piaule chichement meublé, dont le loyer prohibitif grevait largement le salaire d’un simple matelot.
Nous n’avions pas grand chose et vivions d’encore moins. Le dimanche nous nous levions tôt, prendre le bateau et traverser le rade et le goulet de Brest jusqu’à Camaret. Quel que soit le temps, la journée s’écoulait à regarder la mer. Une heure avant le dernier passage, nous partagions une crêpe en guise de repas du soir. L’amour ne nous coûtait guère, bien moins que les livres de poche que nous lisions au lit pour nous garantir un peu du froid. Seul un poste à transistors nous reliait encore au monde. Partager nos joies avec nos proches demandait de descendre armés de pièces dans une cabine au coin de la rue pour téléphoner, en attendant des jours meilleurs afin de remonter en train à la capitale y passer quelques jours. C’est dire si les nouvelles technologies ne nous encombraient guère. Nous ne nous en portions que mieux. Son frère Alain nous avait prêté un magnéto à bandes, avec pour seule et unique bande l’intégrale Barbara de 1962 à 1970. Ainsi s’est écoulée notre vie un an durant en compagnie de la dame brune.
Et je souviens de Barbara quand la pluie battait le carreau. Je me souviens de cette voix claire, émouvante, fragile et forte qui montait crescendo en dedans de nous. Je me souviens ce piano noir, imaginé longtemps dans un coin de la pièce avec la belle dame brune qui jouait et pleurait la vie tout pour nous des heures durant. Barbara. La dame brune. Le piano noir. Inoubliables. Je me souviens : « Je ne suis pas une grande dame de la chanson. Je ne suis pas une tulipe noire. Je ne suis pas poète. Je ne suis pas un oiseau de proie. Je ne suis pas désespérée du matin au soir. Je ne suis pas une mante religieuse. Je ne suis pas dans les tentures noires. Je ne suis pas une intellectuelle. Je ne suis pas une héroïne. Je suis une femme qui chante.»
Il pleuvait sans cesse sur Brest. Je me souviens de Barbara. Et chaque fois que je l’écoute, la même émotion m’étreint. Je me souviens de cette ville si triste ou une brise de mer nous assaillait soudain, et le froid nous prenait en traversant Recouvrance où pourtant nous étions heureux.

lundi 18 janvier 2010

Nilda Fernandez

Avec son beau timbre de voix si particulier, aigu, mat et immuable, il est depuis son premier album l’un de mes compagnons de route. Toutes mes routes. Et lui, en plein succès à prit la tangente pour suivre la sienne dix ans durant sans donner de nouvelles, ou si peu. Sa vie a été un maelström d’aventures et de création. Il a vécu et chanté plusieurs années en Russie, il a monté un spectacle avec des artistes de cirque à Cuba, mis en scène Carmen avec des artistes de flamenco, bâti un spectacle avec des amateurs sur la mémoire de la ville d’Ivry, chanté ici ou là. Enfin il a stoppé sa roulotte, et voici qu’il mêle orchestre de cordes et guitare flamenca, la méditerranée et les échos lointains de l’Est, des réminiscences de gospel et l’accordéon parigot.

jeudi 14 janvier 2010

In the mood for love. Wong Kar-waï (2000)

Arte jeudi 14 à 20h35
Quel choc esthétique ! Depuis sa sortie en 2000, le film a fait tant d'amoureux et connu un tel succès que son titre sonne comme une formule magique, le sésame de quelque paradis perdu pour un film tout en langueur, en envie et en espoir. « In the mood for love » reprend un thème déjà exploré au cinéma avec le magnifique « Brève rencontre » de David Lean ou « Sur la route de Madison » de Clint Eastwood : deux êtres s'aiment mais préfèrent renoncer à leur amour plutôt que de flétrir les idéaux auxquels ils croient. »
"En 1962, au sein d'un Hong-Kong encore trop terne où l'on préfère les cravates non voyantes, les deux héros ont choisi un hôtel aux tentures d'un rouge irréel. Les somptueuses robes longues et moulantes de Maggie Chung semblent allonger son corps lorsqu’ elle s’engouffre dans l'escalier au rythme entêtant d’une musique aussi belle qu’envoûtante. Inoubliable !"

mercredi 13 janvier 2010

Ric Hochet est mort !

"Tibet est mort dans la nuit du 2 au 3 janvier 2010 à l'âge de 78 ans des suites d'un malaise, selon son éditeur, les éditions du Lombard." "Tibet avait créé les personnages sympathiques et courageux Ric Hochet et Chick Bill, le dessinateur Natif de Marseille, Tibet, Gilbert Gascard de son vrai nom, se rend en Belgique avec sa famille alors qu'il n'a que 5 ans. Dans ce pays, paradis de la bande-dessinée, son talent prend forme à tout juste 16 ans et il débute comme assistant-dessinateur au studio de graphisme de Tenas & Rali. Il collabore ainsi à Mickey Magazine et s'y lie d'amitié avec le jeune romancier André-Paul Duchâteau "qui s'applique à inventer des énigmes", selon le site Graphivore.be. Dès les années 50, il devient maquettiste-illustrateur au journal Tintin et puis crée en 1953 le cow-boy Chick Bill dont les aventures seront publiées à partir de 1954 durant 69 albums. Vient le journaliste Ric Hochet, qui s'installe dans le monde de la bande-dessinée avec 74 albums. "Tibet fait partie des figures de la bande-dessinée franco-belge, ce genre de bédé aux couleurs vives, aux intrigues qui transcendent de nombreuses générations et aux personnages diablement sympathiques. C'est donc un grand bonhomme de ce domaine que l'on surnomme le Neuvième Art qui vient de nous quitter."

mardi 12 janvier 2010

Au revoir monsieur Rohmer

Soyons honnête, hormis quelques films comme "Pauline à La plage", je n'ai jamais été un fan d'Eric Rohmer. Pourtant force est de constater que de “Ma Nuit chez Maud”, “Pauline à la plage”, “Les Nuits de la pleine lune”… Eric Rohmer laisse derrière lui une belle poignée de films très personnels dans un monde cinématographique fortement stéréotypé et formaté. En un demi-siècle de cinéma, l’un des pères fondateurs de la Nouvelle Vague, qui vient de s’éteindre à près de 90 printemps, n’aura eu de cesse de peindre les troubles, les mystères et l’indécision, forcément universels, de la jeunesse. En revendiquant toujours un profond respect pour l’intelligence des spectateurs. Au revoir monsieur Rohmer.

Etre Afghans dans le Xème à Paris

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dimanche au bord du canal Saint-Martin à Paris pour réclamer des solutions d'hébergement en faveur des dizaines de migrants afghans sans-abri qui y campent jour et nuit. Le Prix Goncourt 2008, l'Afghan Atiq Rahimi, et la chanteuse Jane Birkin étaient présents dans le rassemblement qui s'est tenu autour d'un grand feu de palettes de bois, en contrebas du pont La Fayette (Paris Xe), sous lequel les Afghans ont monté plusieurs tentes. "Nous voulons crier notre révolte, notre indignation de voir que notre pays n'est pas capables d'accueillir ces jeunes qui peut-être mourront de froid demain", a lancé dans un porte-voix Didier Cusserne, délégué général de l'association Emmaüs. "Ce qu'on cherche, c'est qu'ils restent en France et qu'ils aient une dignité", a poursuivi Atiq Rahimi, exigeant "au nom des Afghans réunis ici" que les associations soient reçues "par les ministres du Logement, de la Jeunesse, et de l'Immigration". Selon les associations qui leur viennent en aide, plus de 150 Afghans dorment chaque jour sous les ponts du canal ou dans le quartier de la gare de l'Est. Les très basses températures de ces derniers jours ont amené Emmaüs et Augustin Legrand, président des Enfants de Don Quichotte, à leur trouver un lieu d'hébergement provisoire. Ils sont accueillis depuis samedi soir au "Comptoir général", 80 quai de Jemmapes, un lieu recevant expositions, conférences, réunions culturelles ou associatives, mis à disposition par ses propriétaires pour quelques jours. "Pour moi, être Français, c'est être ici avec eux", s'est exclamé Augustin Legrand, en référence au débat sur l'identité nationale.M. Legrand s'est dit déterminé à structurer un mouvement "pour trouver les conditions d'un rapport de force avec le gouvernement", et organiser "des actions fortes" durant la semaine. AFP

lundi 11 janvier 2010

Un soir au Sirk sur Arte à 20h35

Jadis je fréquentais assidûment les salles obscures et comme tout bon cinéphile manquait rarement « Le Cinéma de Minuit » présenté par le talentueux Patrick Brion. C’était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. C’était un temps où pour ne déranger personne, je m’installais dans la cuisine avec mon téléviseur portable doté d’un écran de 25cm de diagonale. Sans oublier le casque pourri aux cent mille nœuds et au cordon trop court. Mon cul sur une chaise raide et la tête dans le poste, je luttais désespérément en attendant la fin du journal de la nuit suivi des interminables pages de réclames. Le générique me tirait un temps de ma torpeur, avant de sombrer aux accents monocordes de la présentation du film par Patrick Brion que je « regardais d’une oreille distraite ».Le rituel était toujours le même. Je commençais à m’affaisser doucement sur ma chaise avant de carrément m’avachir. Puis m’accouder sur la table. Mon front se collait à l’écran pour ne pas s’écraser sur la table. Et mes yeux suivaient le sous titrage tel un balancier d’horlogerie. Si d’aventure je cherchais à me servir dans le frigo, le casque au fil trop court me rappelait à l’ordre et me défigurait. Je finissais la séance livide, épuisé mais heureux. Car mes plus grands bonheurs viennent de ces séances inoubliables.

"Veuve d'âge mûr, Carey Scott mène une vie terne et sans histoire dans une petite localité de Nouvelle-Angleterre, se consacrant au bonheur de ses deux enfants Ned et Kay, qui viennent d'entrer à l'Université. Souhaitant qu'elle ne termine pas ses jours en solitaire, ses enfants et son amie et confidente, Sara Warren, la poussent dans les bras de Harvey, quinquagénaire aisé auprès de qui elle trouverait la tendresse et la sécurité. "
"Mais Carey rêve encore d'un grand amour. C'est dans cette disposition d'esprit qu'elle rencontre Ron Kirby, le séduisant pépiniériste - de quinze ans plus jeune qu'elle - engagé par ses soins pour s'occuper de son jardin. Ron Kirby ne tarde pas à partager sa passion et ils deviennent amants. Le jeune homme l'emmène dans sa demeure, un vieux moulin situé au milieu des bois où il vit loin du monde, des préjugés et des conventions." "Mais la liaison de Carey est rejetée par son entourage : non seulement à cause de leur différence d'âge mais aussi parce que Kirby est d'un niveau social bien inférieur. Pour ne pas déplaire à ses enfants, Carey rompt avec Ron et recommence à fréquenter Harvey. Peu après, Kay se marie et Ned, mobilisé, part pour l'étranger. Souffrant de la solitude, Carey apprend que Ron a été victime d'un grave accident. Découvrant que son sacrifice n'a pas empêché l'ingratitude de ses enfants, elle part le soigner et, à sa guérison, décide de braver l'hypocrisie qui l'entoure en l'épousant."
Selon Douglas Sirk : "Le succès américain provient du fait que le film est fondé sur une philosophie typiquement américaine, celle d'Emerson et de ces disciples où la nature tient une grande place… Le thème du retour à la nature a sans douté été inspiré par Rousseau. Son influence n'a gagné l'Amérique qu'assez tard parce qu'à l'époque où il écrivait les problèmes qu'il abordait ne se posaient pas encore aux américains qui n'avaient encore que des contrées sauvages et pas encore construit des villes. Ce désir de retour à une vie primitive et simple était à mon avis parfaitement incarné par cet homme qui s'occupait de faire pousser des arbres, vivait dans un jardin et méprisait l'argent et la haute bourgeoisie. Or ça c'est tout le rêve américain."
Sources : Jacques Lourcelles , dictionnaire du cinéma Jon Hallyday, entretiens avec Douglas Sirk Ciné-Club de Caen

samedi 9 janvier 2010

Les brasiers.

Jeudi soir, j’avais rendez-vous avec mon fils à Jaurès. Les eaux gelés du canal St Martin réverbéraient les lumières d’une ville au cœur gelé. Sous le pont rue Louis Blanc on distinguait sur les berges des tentes auprès desquelles des ombres s’activaient pour se réchauffer. Certaines gagnaient le cercle où chacun se serrait pour céder une place autour d’un brasier de planches. Quai de Jemmapes, métro Jaurès, un attroupement se dessina au loin. Ils étaient plus d’une centaine à entourer le camion de l’armée du Salut. Les mains se tendaient vers les bols fumants dont les volutes se mêlaient aux haleines de bouches de ces ventres affamés. Les jeunes pour la plupart, s’interpellaient du haut du pont, le visage parfois illuminé d’un large sourire s’ouvrant sur des dents éclatantes, afin de rameuter les retardataires à l’heure du repas. Ils parlaient, chahutaient, se charriaient dans une langue que je comprenais pas mais je parvenais à lire dans leurs yeux la détresse mêlée paradoxalement à l’espoir en une vie qui ne leur en laissait aucun. Sous le pont qui enjambe le canal, avant de déboucher sur la place Stalingrad, quelques brasiers épars, soulignaient ces rassemblements d’hommes de nulle part, qui se dissoudraient avec les restes de nuit, dans un effrayant silence de colère contenue. Et j’entendais déjà le cri de ces laissés-pour-compte le jour où la soupe n’y suffirait plus. Crierons-nous alors avec eux pour réclamer plus de justice, de liberté, d’égalité et de fraternité ?

vendredi 8 janvier 2010

Hommage à Pasolini

Je ne sais comment les idées me viennent, ni comment elles se télescopent. Tenez, l'autre jour je pensais à mon fils dont je n'avais reçu aucune nouvelle depuis l'année dernière. L'idée des moufles m'est passée par la tête. J'avais les mêmes dans la marine quand j'effectuais des veilles en passerelle lors de la surveillance des pêches à Terre-Neuve. A part tenir une paire de jumelles, on ne pouvait rien foutre avec. Donc on se les gardait comme des grosses pattes d'ours, sinon on se gelait les doigts. Pis qu'est-ce que vous voulez faire d'autre que du scotère avec des moufles pareilles ? Bref ! Une fois l'idée des moufles venue, mon fils m'a téléphoné Comme quoi, les moufles c’est toujours utile. En tout cas nous en avons bien ri ensemble. Le scotère c'est un vieux fantasme. Et l'ouverture magnifique du film de Moretti m'est alors revenue en mémoire. Et dans ce film, il y avait aussi un hommage rendu au cinéaste Pasolini que je ne peux m’empêcher de vous faire partager. Comme quoi les moufles, mon fils et le scotère....

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jeudi 7 janvier 2010

Lhasa

Touchante, vraie et très créative, la chanteuse Lhasa de Sela est décédée le 1er janvier d'un cancer à l'âge de 37 ans. Le très beau texte de Valérie Lehoux de Télérama lui rend un vibrant hommage.
"Elle venait de temps en temps, à pas et à mots comptés, toujours très douce en dépit du tourbillon des sentiments forts qu’elle portait dans sa voix grave. En un peu plus de dix ans, Lhasa n’avait sorti que trois disques, magnifiques. Parce que pour elle, les chansons devaient s’apprivoiser, longuement, avant de se livrer. Et que chacune d’entre elles devait être une nécessité. Jeune femme posée, réfléchie, cérébrale… mais aussi habitée par une étrange sagesse, comme venue du fond des âges, un instinct ancestral et une intelligence aiguë, qui impressionnaient ceux qui la rencontraient. Lhasa ressemblait aux « femmes qui dansent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estés, créatures éternelles et animales qui nous ramènent à l’essentiel. Dès son premier album en 1998, son chant avait sidéré, par sa joie et sa mélancolie mêlées, sa puissance tellurique et pourtant délicate. Un blues, en espagnol. A l’époque, Lhasa (qui signait encore Lhasa de Sela) n’avait que 26 ans, mais une histoire déjà extraordinaire : un père mexicain, ancien ouvrier devenu prof de philo ; une mère américaine, harpiste et photographe ; neuf frères et sœurs, dont plusieurs artistes de cirque ; et une enfance passée à bourlinguer dans le sud des Etats-Unis et le Mexique à bord d’un bus familial. Ses deux autres disques (The living road, en 2003 et Lhasa, en 2009) avaient creusé un peu plus profondément encore le sillon de cette voix unique, qui mariait les langues (espagnol, français, anglais) pour dire l’errance, les feux qui réchauffent ou qui brûlent, les grands espaces du dehors et du dedans. Pour Télérama, Lhasa n’aura jamais été une chanteuse comme les autres ; les liens entre nous étaient même très particuliers. Anne-Marie Paquotte, qui officia des années à la rubrique "chanson" du journal, l’avait découverte chez elle, au Québec, bien avant que son premier disque sorte en France. Et aussitôt, elle l’avait défendue avec la conviction absolue qu’elle venait d’entendre un talent unique. C’est même elle, la journaliste, qui avait présenté la jeune chanteuse à Vincent Frèrebeau, patron de Tôt ou Tard – qui allait devenir son label français. Depuis, Télérama avait continué de suivre Lhasa au plus près. Un long compagnonnage journalistique et artistique. La dernière fois que nous avons rencontré Lhasa, en avril dernier, dans une grande salle claire attenante aux bureaux de sa maison de disques, elle nous avait d’ailleurs beaucoup parlé d’Anne-Marie Paquotte, qu’une saleté de cancer venait d’emporter. Ce jour là, Lhasa aussi, se savait malade ; elle était fatiguée, mais elle n’en avait dit mot. Au contraire : elle souriait au bonheur de son nouveau disque, et de la sérénité qu’elle disait y avoir trouvée. A les ré-écouter, ses textes, tout en anglais, sont pétris d’une lucidité et d’une discrétion plus bouleversantes encore qu’à l’époque. « When my lifetime had just ended, and my death had just begun, I told you I’d never leave you, but I knew this day would come » (1)… Le mois suivant, Lhasa la sage, avait chanté à Paris, aux Bouffes du Nord, devant un public littéralement subjugué par l’intensité qui traversait son corps et sa voix. Ce spectacle-là restera dans les mémoires. Son souffle était puissant, le nôtre était coupé. " "Elle aurait dû remonter sur scène quelques semaines plus tard ; mais la maladie reprit le dessus, et la tournée fut annulée. On redoutait que la nouvelle de son décès finisse par tomber, on n’en est pas moins sous le choc. A 37 ans, Lhasa disparaît, sans avoir fait un disque de trop ou une fausse note. Elle restera l’une des voix les plus saisissantes de la chanson. Modèle de rigueur et d’intégrité artistique. Sans doute va-t-elle désormais devenir une légende. "
Valérie Lehoux
(1) « Alors que ma vie venait de s’achever, que ma mort ne faisait que commencer, je t’ai dit que je ne te quitterai jamais, tout en sachant que ce jour viendrait »…
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mardi 5 janvier 2010

Invictus de Clint Eastwood

Invictus est un poème de l'écrivain William Ernest Henley.
Le titre latin signifie « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible » et se fonde sur la propre expérience de l'auteur puisque ce poème fut écrit en 1875 sur son lit d'hôpital, suite à son amputation du pied.
Dans la nuit qui m'environne, Dans les ténèbres qui m'enserrent, Je loue les Dieux qui me donnent Une âme, à la fois noble et fière. Prisonnier de ma situation, Je ne veux pas me rebeller. Meurtri par les tribulations, Je suis debout bien que blessé. En ce lieu d'opprobres et de pleurs, Je ne vois qu'horreur et ombres Les années s'annoncent sombres Mais je ne connaîtrais pas la peur. Aussi étroit soit le chemin, Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme Je suis le maître de mon destin, Le capitaine de mon âme Hors de la nuit qui me recouvre, Noire comme un puits d'un pôle à l'autre, Je remercie les dieux, quoi qu'ils puissent être Pour mon âme indomptable. Tombé dans l'étreinte des circonstances Je n'ai pas gémi ni pleuré à voix haute. Sous les coups de la fortune Ma tête est ensanglantée, mais redressée. Au-delà de ce monde de colère et de pleurs Ne plane que l'Horreur de l'ombre. Et pourtant la menace du temps Me trouve et me trouvera, sans peur. Peu importe l'étroitesse de la porte, Le nombre des punitions sur le parchemin, Je suis le maître de mon destin: Je suis le capitaine de mon âme. Depuis l'obscurité qui m'envahit, Noire comme le royaume de l'enfer, Je remercie les dieux quels qu'ils soient Pour mon âme indomptable. Dans l'étreinte féroce des circonstances, Je n'ai ni bronché ni pleuré Sous les coups de l'adversité. Mon esprit est ensanglanté mais inflexible. Au-delà de ce monde de colère et de larmes, Ne se profile que l'horreur de la nuit. Et pourtant face à la grande menace Je me trouve et je reste sans peur. Peu importe combien le voyage sera dur, Et combien la liste des châtiments sera lourde, Je suis le maître de mon destin, Je suis le capitaine de mon âme.

lundi 4 janvier 2010

Albert Camus et le nihilisme

Charles Aznavour & The Clayton Hamilton Jazz Orchestra.

Sonnez trompettes, résonnez cymbales, voici un autre Charles Aznavour, un Aznavour autre, un Aznavour si semblable au Charles des débuts. Celui qui ne chantait pas encore. Celui dont la voix n'était pas advenue celui qui composait pour les autres. Ses chansons pour les autres sonnaient jazz, furieusement jazz, sincèrement jazz. Ici, offrant un éclatant démenti à des bruits de retraite, il revient par la grande porte. Non pas en chantant d'autres chansons. Mais en chantant ses chansons autrement. Ce qui est plus téméraire qu'on ne croit, pas seulement à 85 ans, tant le public, de tout poil, de tous sexes et de tous âges, a dans la tête, dans le coeur, dans le corps, la mémoire, gravés dans l'oreille ses grands classiques en l'état. Les grands classiques sont intouchables, avec leurs inflexions, leurs orchestrations, ici un trait de guitare, là une valse de violon, on ne change pas de chanson comme on change de chemise.C'est qu'une chanson de Charles Aznavour, surtout s'il la chante lui, telle "sa fille", celle à qui il s'adresse dans A ma fille, elle s'en va, elle ne lui appartient plus. Elle appartient à qui l'aime, à vous, à moi, à celle ou celui qui passe par là et la prend. La chance d'Aznavour, c'est de n'être pas ce qu'on appelle un "poète". Ses mots sidèrent de simplicité complexe, leur verdeur très inattendue, leur articulation. Il a la syntaxe qui swingue et la musique les précède.Voilà pourquoi, pour rhabiller des monuments aussi personnels, aussi connus que, prenons deux exemples, Comme ils disent, Il faut savoir, aussi autobiographique que La bohême allez vous rhabiller ! Rien de plus conservateur qu'une paire d'oreilles. Elle tient toujours à sa première version, l'immuable version entendue en dansant, en pleurant, en aimant, un soir d'étreinte ou de chagrin. La chanson en ses nouveaux atours peur s'offrir à tout, aux accompagnateurs les plus luxueux, aux studios plus performants, aux machines toujours perfectionnées, aux désirs de rajeunissement, rien n'y fait. Elle résiste, elle s'entête et n'en fait qu'à sa tête. A moins d'un miracle voulu !Quand Charles passe la porte des mythiques studios Capitol, 1750 North Vine St à Hollywood, il sait quelles voix hantent ce temple futuriste, quels fantômes bien réels : Nat King Cole, Louis et Ella, Sinatra, Dean Martin, jusqu'à tout récemment Diana Krall dont la rythmique porte deux noms, John Clayton (compositeur, contrebassiste) et Jeff Hamilton (batterie). Lunettes noires, dégaine de jeune homme en vadrouille, vous descendez trois blocks, vous voilà sur Sunset Boulevard, le petit Charles s'amuse à l'idée d'avoir un jour sa photo alignée au mur, avec les grands : "Je ne suis pas quelqu'un qui se vante, on le sait, mais c'est enfantin, il y aura un Français aussi."Cette fraîcheur se communique à tout l'album.Il y avait une rencontre, celle du Clayton Hamilton Jazz Orchestra, le big band musical, le plus sophistiqué, le plus efficace de l'époque. 25 ans de pratique et assez d'albums, de nominations, de Grammys pour remplir une villa à Malibu. Des légions de sax, de tompettes, de trombones, ce qu'il faut de clarinette basse et de violons, violoncelles et altos, des pointures à chaque pupitre, un son d'ensemble à faire rêver les humains trops humains en leurs pauvres rêves de fraternité, un swing d'enfer ou d'Eden, Charles s'en balance : "J'ai des amis des deux côtés." Pour se mesurer à un tel ensemble, il faut faire le poids : comme tout big band de catégorie, eux, ils sont dévoués corps et âme, mais à une condition qui ne pardonne pas. A la condition que vous, vous sachiez - que vous puissiez - tenir tête.D'où ces chansons chamboulées, mais toujours dans le sens du rythme. Si bien qu'elles en semblent moins changées qu'épanouies. D'où ces harmonies recherchées, imprévisibles, d'une science exacte, et qui pourtant, comme les mots d'une chanson, ne la ramènent pas, savent se faire oublier. D'où cette incroyable précision de souplesse, le swing de l'orchestre, toujours en phase avec les trois temps que Charles Aznavour a gravés dans la tête : trois temps, mais toujours carré.Le plus incroyable, dans l'aventure, c'est que les nouvelles chansons de cet album (Fais moi rêver, Je suis fier de nous, en duo avec Rachelle Ferrell) sonnent, y compris dans leurs titres, comme d'anciennes chansons de Charles, aux mélodies déjà familières, avec leur esprit, leur scansion, ces inimitables, déhanchements de phrases, ces enjambements d'enfant qui saute le ruisseau. Les nouvelles sonnent comme d'anciennes chansons qu'on aurait juste perdues de vue.Ce jazz orchestral, très écrit, très soigné, aussi capable de nuances infinitésimales que de déménager, ce jazz de groupe qui ne tient qu'à un fil, le son de chaque interprète, n'est pas forcément bien entendu. Comme si on oubliait de la plus populaire des musiques savantes (le jazz), qu'elle est d'abord savante. Par un subtil mélange d'intégrisme et d'ignorance, le cergé du jazz se trompe à son sujet, et sur toute la ligne. Pour Aznavour, c'est la forme princière, celle qui peut s'incarner dans un accompagnement churchy de Jacky Terrasson (piano) ou dans un chorus farouche de Jeff Clayton, frère de John, dans le jeu implacable de Jeff Hamilton, le batteur et co-fondateur de l'orchestre, ou dans des riffs aussi organisés qu'un vol de grues traversant le ciel. Aucun doute sur le projet, l'ambition, la réussite : oui Le jazz est revenu. Et jamais Charles Aznavour ne s'est tant ressemblé. Francis Marmande.

Shannon Wright, secret blood

Rock et ballades sombres.

dimanche 3 janvier 2010

Le dromadisme

« D'abord, il traça les limites d'un champ de courses à peu près circulaire ("La forme n'a pas d'importance", dit-il); puis tous les membres du groupe se placèrent sur le terrain au petit bonheur. Il n'y eut pas de: "Un, deux, trois, partez!" Chacun se mit à courir quand il lui plut et s'arrêta de même, si bien qu'il fut assez difficile de savoir à quel moment la course était terminée. Néanmoins, lorsqu'ils eurent couru pendant une demi-heure environ et qu'ils furent tous bien secs de nouveau, le Dodo cria brusquement: "La course est finie!" Sur quoi, ils s'attroupèrent autour de lui en demandant d'une voix haletante: "Mais qui a gagné?"
« Tu as gagné ! Je vais dormir ailleurs ! »Le dromadisme condamne donc le sujet atteint de cette maladie à dormir seul. Les symptômes en sont l’accélération du rythme cardiaque, sueurs et hallucinations Carrolliennes. Elle se manifeste généralement lors du premier sommeil par l’excitabilité du malade qui exécute un nombre incalculables de ruades lors de ses changements de côté. Sommé derechef a cessé de « sauter tel un dromadaire » sans parvenir toutefois à obtempérer, sa femelle découche après avoir attenté à la vie de son chameau de mari à coups d’oreiller. Il blatère bien quelques excuses mais en vain.
Contrairement à ce que l’on croit il n’est point seul mais en compagnie d’Alice et de cette étrange ménagerie composée du lapin blanc, de la souris, du chien, le chat du Cheshire, Bill le lézard et du dodo pour une nouvelle course à la comitarde proposé par ce dernier.Bien entendu d’avoir ainsi trop couru, je me retrouvais fort fourbu quand le matin fut venu. Je m’extirpais avec difficulté des draps moites et dandinait mon popotin jusqu’à la cuisine toujours en proie à de violentes douleurs lombaires. Douleurs pour lesquelles le médecin m’avait prescrit un antidouleur : l’Acupan, dont les effets hallucinogènes avaient été testés avec succès par Rosiane lors de son séjour à l’hôpital. J’ai donc rapidement mis fin à ce traitement de choc préférant mes vieilles douleurs et des nuits peuplées de merveilleux mais moins éprouvantes physiquement à traverser des océans de larmes toute les nuits.