« Lady Chatterley et l'homme des bois » (publié chez Gallimard en 2006) est la deuxième version du roman de D.H. Lawrence L'Amant de lady Chatterley que le public « connait » pour la troisième version et hélas ses avatars cinématographiques.
Elle peut surprendre le lecteur, qui ne reconnaîtra aucun des trois protagonistes, pas même lady Chatterley qui est plus «femme, moins cérébrale» et qui vit avec le garde-chasse sa première expérience véritable de l'amour. Sir Clifford est un intellectuel un peu snob. Quant à Parkin, le garde-chasse, c'est un être parfaitement inculte qui prête un peu à sourire avec sa petite taille et sa grosse moustache rousse. Ce n'est qu'à la longue que «Connie» Chatterley s'attachera à cet homme ombrageux, vulnérable, taciturne, et sera sensible à son charme «sauvage», à sa délicatesse, à sa tendresse infinie. Une autre différence fondamentale réside dans l'importance, le caractère proprement «envahissant» du cadre végétal où vit Parkin : cette forêt avec laquelle il fait corps. Ici, «l'amour plus fort que toutes les barrières» n'est pas encore une thèse, mais il est un thème, amplement et chaleureusement développé, où le souffle prodigieux de D. H. Lawrence se déploie avec une liberté souveraine. »
C’est cette belle version qu’à choisie d’adapter Pascale Ferran pour le cinéma (César 2007 du meilleur film) et la télévision en version longue présentée ce soir.
« Il est probable que Lady Chatterley-le film subisse un sort comparable à celui du roman. Le même mais à l’envers. Il y a 80 ans, Lawrence avait tenu à prévenir les contre-sens en précisant qu’il n’avait pas écrit un « roman de sexe », que son projet n’était nullement l’exaltation d’amours bucoliques et torrides dans l’Angleterre industrielle des années 20. Rien à voir, donc, avec l’image de porno soft au coin du feu parvenue jusqu’à nous, qui à cause d’elle ne lisons plus L’Amant de Lady Chatterley. Le livre visait ailleurs : la conquête d’un érotisme qui ne soit pas coupé du reste de la vie, l’adaptation de la conscience aux réalités physiques premières, la reconnexion du corps et de l’esprit. « Je veux qu’hommes et femmes puissent penser les choses sexuelles pleinement, complètement, honnêtement et proprement. »Parce qu’elle actualise un tel programme dans un film dégagé de tout affect négatif dans l’approche des scènes sexuelles,Pascale Ferran risque d’être louée pour ce qu’elle n’a pas voulu : faire un cinéma du corps. Le corps, dernier rempart, dernier réel, c’est le leitmotiv depuis presque dix ans. Il faut donc écouter la cinéaste quand elle déclare avoir réalisé un film contre l’époque, c’est-à-dire à l’écart des deux représentations usuelles du désir au cinéma. Un très vieux modèle : violons, ralenti et fondus. Et un modèle plus récent : le désir comme pulsion animale.
C’est en effet autre chose que montre Lady Chatterley au cours des six scènes d’amour physique entre Parkin et Connie. On peut en proposer une approximation à travers un mot dont Lawrence eût souhaité faire le titre de son roman, afin de couper court à toute équivoque : tendresse. » Source Cahiers du Cinéma.
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