mardi 31 janvier 2012

Le Berlin de Philp Kerr



Publiés en France au milieu des années 1990, les trois romans de la Trilogie berlinoise de Philip Kerr mettent en scène le détective Bernie Gunther dans des lieux et à une époque trouble s'il en fut: Berlin 1936 dans "L'Eté de cristal", Berlin 1938 dans "La pâle figure" et Vienne 1947 dans "Un requiem allemand."








Certains guides tiennent lieu de bible. La bible de l'Anglais Philip Kerr n'est autre qu'un vieux Baedeker édition 1930, consacré à Berlin et acheté 65 livres dans une librairie de Londres. Sans ce guide du temps de jadis, qui répertorie bars, restaurants, boîtes de nuit, bâtiments administratifs, les romans noirs berlinois de Kerr n'auraient pas ce fascinant goût d'authenticité. Mais pour ressusciter par la plume les ruines d'une ville détruite et fantomatique, il faut plus, bien sûr, qu'un Baedeker. Car du Berlin nazi, il ne reste, hormis les musées et les églises, que l'écrasant ministère de l'Air de Göring, devenu aujourd'hui ministère des Finances, la synagogue de l'Oranienburger Strasse, rebâtie en partie, et l'hôtel Adlon, ex-palace cosmopolite reconstruit à l'identique. Tant de rues ont été rayées de la carte, tant de noms transformés. Et pourtant, grâce à la formidable minutie de Kerr, on a l'impression d'y être, plongé dans ce labyrinthe débridé où évolue son héros.

Kerr découvre Berlin en 1984. À l'époque, il a 28 ans, une fascination pour Wittgenstein, Nietzsche, et une formation en droit allemand. Son teint mat lui a valu des quolibets racistes lors de son enfance en Écosse et il évoque de probables origines juives de son père. Tout cela, mélangé, débouche sur une obsession qu'il résume ainsi : "Comment le nazisme a-t-il été possible ? Pour y répondre, j'ai choisi un Allemand ordinaire, un policier social-démocrate."
Pour se documenter, Kerr a ajouté à son Baedeker fétiche des balades dans la ville et de multiples lectures, parmi lesquelles les mémoires des grands détectives berlinois, traduits jadis en anglais.

« Je me suis peu à peu projeté dans Bernie, confie Philip Kerr, confortablement installé, tasse de thé à la main, dans le magnifique salon de l'hôtel Adlon - reconstruit à l'identique en 1997 après avoir été détruit en 1945. Mais, au départ, je ne songeais guère à écrire un polar. En fait, j'étais confondu par l'histoire de ce peuple charmant tombé dans la main du diable. Je voulais comprendre comment était née l'horreur. Je suis venu ici une première fois en 1984. A mes questions on me répondait "Forget it". Alors j'ai enquêté dans les livres, sur les lieux, et l'idée du privé s'est imposée."





Pour ce premier volet de la trilogie, nous sommes en 1936 et Berlin s'apprête à recevoir les Jeux Olympiques. Hitler vient d'obtenir les pleins pouvoirs et le nazisme s'installe, broyant tout sur son passage avec une incroyable brutalité. Cependant, les Jeux Olympiques arrivent et Hitler désire encore préserver un semblant d'apparence vis-à-vis de l'étranger, aussi Berlin verra-t-elle quelques uns des premiers signes les plus affreux disparaître provisoirement et inversement, des livres interdits seront-ils brièvement à nouveau trouvables.
C'est à ce moment là exactement que débute l'action, alors que le nazisme serrait ses doigts de fer sur l'Allemagne. Une Allemagne qui comptait pourtant de nombreux intellectuels ou individualités démocrates, comme le héros, et qui n'en cédait pas moins chaque jour un peu plus de sa liberté la plus élémentaire.

Bernard Gunther, ancien flic et ancien soldat du front turc, dont l'emploi habituel principal est de rechercher des «personnes disparues», problème fort répandu alors. Il y a une et même quelques belles femmes, des salauds (riches ou non, au pouvoir ou non), une bonne intrigue (tout de même pas introuvable) et des scènes d'action en nombre et qualité suffisants.

Le héros est sympathique et présente une personnalité suffisamment consistante et complexe pour qu'on s'intéresse vraiment à lui. L'époque est prenante et nous vivons là une étonnante plongée dans la vie quotidienne.
Au cours de ses (més)aventures, Bernie rencontrera la femme de sa vie... et il la perdra. Il ne s'agira pas d'une amourette, il ne s'agira pas d'un top model, ni d'une agonie esthétique et émouvante dans ses bras, il s'agira d'un drame comme le sont le plus souvent les vrais: médiocre et incomplet, mais total.


Le titre original: «Les violettes de mars» était, sinon plus joli, du moins plus judicieux, . En effet, le titre français, l' «été de cristal» semble faire référence à la terrible «nuit de cristal» qui n'eut lieu que deux ans plus tard, alors que les «violettes de mars» sont les nazis qui surgirentsoudain de partout quand Hitler obtint les pleins pouvoirs en Mars 36.








dimanche 29 janvier 2012

j. Edgar de Clint Eastwood



 

La séquence ciné : J.Edgar par lesinrocks

Pour décrire l’action d’un homme révélant publiquement son homosexualité, la langue française dispose d’une expression : “sortir du placard” (calquée sur le out of the closet de langue anglaise).
L’hypothèse de J. Edgar consiste à prendre très au sérieux la métaphore. Le nouveau film de Clint Eastwood fait de l’ancien patron du FBI Hoover une folle cloîtrée dans un placard, qui voudrait du coup contenir l’Amérique tout entière dans ses tiroirs.

Les tiroirs d’Hoover, c’est ce lieu imprenable où auraient été consignés les secrets les plus sulfureux de cinquante ans d’histoire américaine et qui ont fait trembler huit présidents des Etats-Unis successifs. Des secrets obtenus en toute illégalité grâce à une pratique forcenée de la mise sur écoute.
Ce n’est pas tant la dimension politique de la chose qui intéresse le film, assez peu soucieux de dénoncer le totalitarisme des procédés. Ce qui l’occupe, c’est le ressort psychologique : comment un secret personnel (l’homosexualité), secret y compris pour le premier concerné – qui refuse d’accéder à son désir, de l’identifier et bien sûr de le nommer –, produit chez un homme la folie d’archiver tous les secrets des autres.
Le mécanisme de protection est limpide : je vous tiens avec vos secrets, donc je ne risque rien avec le mien. Il importe peu de savoir ensuite si l’homosexualité d’Hoover était effective, ou seulement sublimée, ou purement inventée.

Clyve Tolson et J Edgar Hoover
On sait que la Fondation Hoover s’est déclarée scandalisée par le film, réfutant avec fougue la passion amoureuse décrite par le film entre le patron du FBI et un de ses adjoints.
Il est assez drôle que l’homosexualité seule ait heurté les gardiens du temple dans un film qui fait par ailleurs du personnage un paranoïaque opportuniste, affabulateur et foncièrement malhonnête. Quelle que soit la vérité historique, ce sont les effets de discours qui intéressent. L’articulation faite entre le refoulement sexuel et les prises de position politiques doit d’ailleurs sûrement beaucoup au scénariste du film.
Dustin Lance Black avait auparavant obtenu un oscar pour le film de Gus Van Sant, Harvey Milk, avec lequel J. Edgar constitue une sorte de diptyque. D’un côté, le premier coming-out marquant d’un politique américain, de l’autre, son interdit. D’un côté, un souci d’égalité et d’émancipation, de l’autre une logique de la terreur. Quelle pratique du pouvoir produit le rapport des hommes politiques à leur sexualité, c’est la question au travail dans les deux films.
La beauté de J. Edgar est d’être plus ambivalent que sa thèse assez schématique (le refoulement comme germe de la répression). Cela tient pour beaucoup au regard troublant et en partie empathique qu’il porte sur un personnage au comportement que tout accable.
Son inaptitude à vivre un amour plus grand que ses préjugés, son impossibilité à enfreindre un interdit maternel (“Je préférais avoir un fils mort qu’un fils pédé”) en font une victime finalement assez aimable – même si cette souffrance qui le rend attachant comme personnage n’exonère en rien ses agissements.
Le pari de J. Edgar est de faire cohabiter le régime de la fresque historique et celui du film de chambre intimiste. D’un côté cinquante ans d’histoire américaine qui défilent à toute allure (au rythme des défilés d’investiture des successifs présidents qui passent tous sous la fenêtre d’Hoover), de l’autre une histoire aussi statique qu’une névrose, qui ne bouge pas d’un iota de 1924 à 1972 et se déroule presque exclusivement dans l’exiguïté de deux petits bureaux.
Cette histoire, c’est celle qui unit non pas deux mais trois personnages : Hoover, Clyde Tolson, son amant platonique, et Helen Gandy, sa secrétaire personnelle, qu’il avait demandée en mariage et qui a choisi plutôt d’être sa complice en renonçant elle aussi à toute vie conjugale au profit du bureau. J. Edgar dépeint l’histoire du FBI comme un plan à trois qui tourne mal, le mauvais délire en vase clos de trois grands frustrés.
Helen Gandy
Si le drame intimiste est d’une grande force, la fresque, bien qu’elliptique et au pas de course, ne manque pas non plus de panache. Beaucoup de people passent une tête dans le récit : Shirley Temple, Charles Lindbergh, Ginger Rogers, les Kennedy, possiblement Marilyn Monroe (mais on ne voit qu’une ombre). Car, bien que profondément puritain, l’Hoover d’Eastwood est un homme fasciné par le spectacle.

J. Edgar et John Fitzgerald Kennedy

D’une certaine façon, le personnage n’est pas sans rapport avec le Nelson Mandela d’Invictus (figure pourtant beaucoup plus sympathique). Dans ce film d’Eastwood, le président sud-africain utilisait à des fins politiques la victoire d’une équipe de rugby.
Dans J. Edgar, ce sont toutes les pratiques culturelles de masse que le patron du FBI veut instrumentaliser pour asseoir son pouvoir. Il initie des BD vantant ses exploits, promeut son image sur des boîtes de corn-flakes…
Il fulmine lorsque la mode est aux films de gangsters (scène très drôle où James Cagney est montré comme le Snoop Dogg des années 30) et n’a de cesse de réhabiliter l’image de la police au cinéma.
D’Invictus à J. Edgar, la communication, comment on construit ou retourne l’opinion populaire, intéresse désormais Eastwood au plus haut point.
Film sur la manipulation, J. Edgar manipule aussi le spectateur par un habile jeu de points de vue. Un dernier twist révèle que beaucoup d’images que nous avons vues n’étaient peut-être que celles, légendaires, qu’aurait voulu imprimer le personnage.
Le paranoïaque était peut-être aussi un mythomane ; tout ce pouvoir aurait peut-être été moins réel que déliré ; ce sont les conclusions ultimes d’un film qui n’a de cesse d’affaiblir son personnage – dans le réel – pour mieux le renforcer – dans sa dimension romanesque.
Un mot enfin pour dire tout ce que cette vitalité romanesque doit à son interprète principal, Leonardo DiCaprio. De Arrête-moi si tu peux (où, presque trentenaire, il jouait un garçon de 14 à 28 ans) à Aviator, on connaissait son extraordinaire aptitude à endosser tous les âges d’un personnage. Il incarne ici encore avec une aisance confondante la presque adolescence et la vieillesse déchue, pouvant comme personne représenter tous les états d’une vie.
Jean-Marc Lalanne.

Glenn Gould (3)

jeudi 26 janvier 2012

Festival objectif Images en Creuse

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"crédit photographique "creusographie"



"Même si la nature profonde du photographe est la solitude, il est évident qu’il éprouve le besoin de partager sa passion, d’échanger sur le moindre détail, de montrer le fruit de son travail de se délecter de celui des autres."

"C’est dans cet esprit qu’est née l’idée d’organiser un événement particulier et novateur : le premier festival de photographie amateur en Creuse du 8 mai au 11 juin 2012."

"Le but de ce festival est d'organiser des expositions photographiques réparties dans 17 communes du département durant cinq semaines consécutives, une sortie photo-découverte ludique au labyrinthe géant, des animations musicales, des sorties nature pour allier balade et prises de vue dont « un voyage dans les étoiles », des projections cinématographiques ayant la photographie pour thème principal, et enfin la clôture du Festival dans la Chapelle de la Sénatorerie à Guéret avec la participation de photographes auteurs d’ouvrages photographiques, une animation artisanale : un appareil photo en pierre sera créé sous vos yeux grâce au talent d’un sculpteur de Masgot, une exposition d’appareils de collection, une présentation de photographies géantes, et enfin la remise des prix aux lauréats ayant réalisé les plus belle photographies."
 
 
 
 




mercredi 25 janvier 2012

La Gnome Rhone junior


Mon père à possédé une motocyclette pour draguer les gonzesses. Et pas n'importe quoi, une Gnome  Rhône Junior, un frabriquant renommé en construisant des moteurs d'avions pendant la 1ère guerre mondiale. Une fois la paix revenu, il fallu songer à une reconversion et c'est tout naturellement que vient l'idée de mettre à profit les compétences acquises dans la construction des moteurs pour fabriquer des motocyclettes pour mon papa.
La  Gnome Rhône Junior produite de 1934 à 1939 :  Monocylindre 250 cc à soupapes latérales a été l'archétype de la moto populaire. Allumage par magnéto. Cadre en tôle embouti. Suspension avant à parallélogramme et amortisseurs à friction. Pas de suspension arrière. Vitesse maxi de l'ordre de 70Km/h. On the road again, papa.

mardi 24 janvier 2012

Denis Brihat



Le centre d'art Campredon de L'isle-sur-la-Sorgue consacre une importante rétrospective au photographe Denis Brihat. Outre 127 photographies couleur et noir & blanc, réalisées entre 1958 et 2011, l'exposition propose la présentation d'un ensemble de portfolios, livres d'artiste et cartes de voeux, ainsi que la projection de deux films. C'est en effet en 1958 que Denis Brihat s'installe en Provence afin de se consacrer entièrement à sa recherche sur le thème de la nature passant de son potager à son laboratoire n & b où il réalise des virages qui donnent ces teintes si particulières. Au cours des années 1980-2000, il se consacre à de grandes séries, sur plusieurs années. Son oeuvre, très poétique, est vraiment unique en son genre.

 
 
Exposition de photographies de Denis Brihat au centre d'art Campredon à L'isle-sur-la-Sorgue, jusqu'au 4 février 2012



lundi 23 janvier 2012

Initiation au sténopé



Le Centre d'animation Mercoeur, 4 rue Mercoeur dans le 11ème arrondissement de Paris organise le Samedi 29 janvier et le vendredi 13 avril une initiation au sténopé avec Katrin Guntershausen.

Sténopé (Grec sténos ♪ étroit, grec ops- leil,) est une dérivée de la Chambre noire et à l'origine de la photographie. Le but de ce stage est de découvrir ou redécouvrir ce principe qui est un jeu d'enfant. Nous allons fabriquer une boîte de sténopé ensuite nous réaliserons des prises de vue avec des tirages négatifs papiers que nous développerons dans le Labo photo. Tous niveaux. Le sténopé


Apportez une boîte de chaussure, des ciseaux et un pinceaux pour peindre le sténopé.



Samedi 29 janvier 2012
et Vendredi 13 avril 2012

Tous niveaux
Renseignements, Tarif et inscription
Centre d'Animation - MJC Paris-Mercoeur



4, rue Mercoeur 75011 Paris


Tél. 01 43 79 25 54 Fax. 01 43 79 26 54


www.mercoeur.asso.fr



dimanche 22 janvier 2012

Glenn Gould (1)

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Bruno Monsaingeon. 4 octobre 2002

"C’est par une bouteille à la mer que tout a commencé. En octobre 1971, j’avais expédié une lettre à Glenn Gould, aux bons soins des disques CBS à New York. Je lui détaillais là les circonstances de ma rencontre avec lui, à Moscou, quelques années auparavant. Rencontre? Oui rencontre, mais au sens gouldien du terme."
"Car il ne se trouvait évidemment pas à Moscou l’été 1966 quand, étudiant fauché, j’avais néanmoins dévalisé l’unique magasin de disques de la ville. Les galettes noires, enfouies dans de vilaines pochettes anonymes de papier mâché, se vendaient un rouble pièce ; pas de quoi troubler mon maigre porte-feuille. Sans opérer de discrimination, j’avais tout raflé de ce que recelait le rayon classique, soit une soixantaine de titres, et avais même fait une courte incursion au rayon adjacent, déserté de toute clientèle, mais beaucoup plus abondamment fourni en marchandise, celui où étaient offerts, infiniment plus luxueusement conditionnés, et moyennant de très démocratiques trente kopecks, les disques politiques. Je m’y étais procuré un échantillon enregistré des discours du futur « Prix Lénine » de littérature, et pour l’heure du simplement très présent Secrétaire Général du Parti Communiste de l’Union Soviétique, Léonide Brejnev."
"On s’en doutera, ce n’est pas cet enregistrement (au demeurant hilarant, du moins aux oreilles d’un jeune occidental) auquel j’accordai la priorité de mon attention. L’étiquette gondolée, collée au centre de l’un des microsillons de la collection que j’avais moissonnée cet après-midi même, avait bien davantage aiguisé ma curiosité. Elle indiquait le nom d’un interprète quasi inconnu de moi qui jouait des Inventions de Bach."

"Je ne crois pas avoir été moins embrasé ce soir-là que Blaise Pascal lors de sa nuit de feu . « Joie, joie, pleurs de joie !!! »
"Dans ma lettre, j’avais trop de retenue pour dire au protagoniste de cette bouleversante rencontre ce que j’écris aujourd’hui. Mais je lui faisais comprendre que j’avais entendu son appel, tout en lui exposant beaucoup plus prosaïquement mes idées sur la manière dont j’aimerais concevoir des films musicaux, et en particulier un film avec lui. J’étais musicien ; en matière cinématographique, j’étais débutant, je n’avais qu’une expérience fort restreinte. Juste quelques idées."
"La bouteille à la mer était partie. Il lui fallait traverser l’atlantique, et trouver son mystérieux destinataire. Il fallait aussi qu’il me réponde ; je ne me faisais guère d’illusions."

Carnegie Hall, 1959


Quelques six mois plus tard, en mars 1972, sa réponse était entre mes mains. Une lettre-fleuve, une vingtaine de pages, incroyablement juvénile et enthousiaste. Il m’y disait en substance être intrigué par mes idées. Il ne voyageait plus, mais pourquoi ne viendrais-je pas, moi, lui rendre visite à Toronto ?"
"La rencontre, non pas au sens gouldien, mais au sens plus banal du terme, allait donc se produire. Rien de moins banal n’affecta jamais mon existence."


"Longfellow"


"Je travaillais tranquillement la 2ème sonate de Brahms lorsqu’il frappa vers 14 heures à la porte de la chambre de l’hôtel qu’il m’avait réservée. Hiver comme été, je ne le vis jamais autrement accoutré, dès lors qu’il devait s’aventurer à l’extérieur. Ce mois de juillet 1972 était caniculaire à Toronto, mais ni son ample manteau, ni ses écharpes, ni ses snow-boots, ni non plus cette étrange manière de tendre la main pour la retirer, à peine établi le contact avec l’extrémité des doigts de son interlocuteur, ne firent sur moi autant d’impression que cette première conversation en chair et en os. Avant ma venue à Toronto, nous avions déjà échangé quantité de lettres, et surtout longuement conversé au téléphone. Il semblait toujours disponible de son temps. Pourtant, ce n’est qu’à huit heures le lendemain matin, lorsqu’il quitta mon hôtel, que je réalisai que dix-huit heures de conversation ininterrompue s’étaient écoulées depuis qu’il avait franchi le seuil de ma chambre."
"Trois jours plus tard, après d’ailleurs m’avoir offert un somptueux récital privé (près de six heures de musiques de Schoenberg, Hindemith, Strauss et Schubert – Schubert, oui Schubert, mais ni Sonates, ni Impromptus, simplement la 5ème Symphonie !) dans le studio où il aimait enregistrer, et où était entreposé son piano, il me raccompagna à l’aéroport, me gratifiant d’un : « I will feel very comfortable making the films with you »."


tournage des Variations Goldberg - New York, 1981
Copyright KIPA, Patrick Guis

"C’est que toutes ces heures de conversation n’avaient pas été oisives ; nous avions allègrement travaillé, et la première esquisse d’un scénario pour les films que nous souhaitions tourner était prête."
"Me restait à tenter de convaincre les responsables de la musique de la télévision française. Ce n’était pas une mince affaire ! De quelle autorité disposais-je ? Et que proposais-je ? De réaliser un film avec un obscur pianiste canadien ? Voyons jeune homme, un peu de sérieux ! Aussi invraisemblable que cela paraisse, tel était bien hélas le niveau de notoriété de Gould dans la province musicale qu’était la France à l’époque. Glenn ne s’y était jamais produit au cours des neuf années de sa prodigieuse carrière publique. Quelques-uns de ses disques y avaient bien été distribués – et sauvagement critiqués - , mais avaient été retirés du catalogue depuis belle lurette, y compris celui des Variations Goldberg. Après tout, il m’avait fallu me rendre à Moscou pour entendre pour la première fois un enregistrement de Glenn, tandis que pour le reste, je m’étais fourni au Marché aux Puces. Les autres contrées d’Europe n’étaient guère mieux loties. On trouvait bien quelques disques en Allemagne, pays qui avait acclamé Gould trois années d’affilée. Mais aucun de ses enregistrements n’était non plus disponible en Angleterre, pourtant considérée comme La Mecque de la vie musicale européenne. Gould y avait donné quatre concerts en 1959, mais l’Angleterre, si elle est sensible à l’excentricité, n’avait pas perçu la profonde originalité de l’artiste originaire de ses colonies d’outre-atlantique ; on ne l’avait guère pris au sérieux."


avec l'orchestre de Detroit dirigé par Paul Paray


"Quoiqu’il en soit, la notion d’une co-production internationale n’existait pas en ces temps-là à la télévision. Tant bien que mal, je parvins à monter l’opération en à peine plus d’un an. Une année que nous mîmes à profit, Glenn et moi, pour remanier notre scénario, le reformater, l’affiner, lors d’une nouvelle visite à Toronto, et surtout par correspondance. Le projet était ambitieux. Il s’agissait de faire un film de près de deux heures et demie ; initialement, nous avions pensé à trois épisodes. Après réflexion, nous décidâmes finalement de le structurer en quatre parties, dont l’une serait traitée à la manière d’un film de fiction plutôt que d’un film documentaire. En d’autres termes, ce n’était pas tant la réalité brute que sa reconstruction qui nous intéressait. Pour le deuxième épisode, celui qui consistait à mettre en scène une séance d’enregistrement, nous allâmes même jusqu’à prévoir quelle fausse note Glenn devrait s’appliquer à faire dans la Bourrée de la 1ère Suite anglaise de Bach, de façon à rendre plausible la séquence. Pauvre Glenn, quand j’y songe ! Lui, tellement allergique aux fausses notes. Lors du tournage, il la refit consciencieusement cette fausse note, toujours la même, à chaque prise."

tournage de "La question de l'instrument" - Toronto, novembre 1979


"En revanche, et contrairement à ce qui a été écrit ici ou là, nos dialogues seraient improvisés et totalement spontanés, tout en suivant une trame dramatique parfaitement précise. Quitte à réaliser de multiples prises au contenu verbal chaque fois différent, que nous trouverions bien moyen d’unifier au montage."
"Toute la logistique d’un tournage lourd fut mise en œuvre, après que nous eûmes pris date pour le mois de septembre 1973. Précédant de quelques jours la nombreuse équipe technique parisienne qui devait me rejoindre à Toronto, j’étais déjà dans l’avion lorsque Glenn essaya de me contacter au téléphone pour demander le report du tournage. Une douleur subite à l’épaule lui interdisait momentanément de jouer du piano. J’étais consterné, mais fus bientôt réconforté par l’ardeur que mettait Glenn, depuis son cloître, à s’assurer d’une disponibilité prochaine des divers studios que nous avions depuis longtemps retenus. Mon retour à Paris fut néanmoins penaud. Les bureaucrates de la télévision française, guère convaincus de l’intérêt de mon coûteux et - à leurs yeux - douteux projet avec ce pianiste fantasque, jubilaient. L’incident du report le renchérissait , et ils tentaient d’en tirer prétexte pour le faire capoter. Nous réussîmes par miracle à vaincre leur mauvaise volonté, ainsi qu’à tout réorganiser pour le début de l’année suivante."


Glenn Gould l'alchimiste - Toronto, février 1974

"Le tournage eut lieu dans l’exaltation en janvier et février 1974, suivi du montage à Paris pendant tout le restant de l’année. Je tenais Glenn constamment informé de son évolution, par courrier et par téléphone. Lui-même, au cours de ces échanges, m’écrivit, tout en s’enquérant de l’accueil réservé par les instances appropriées à mon nouveau projet consistant à filmer avec lui les 48 Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré de Bach : « ces quelques semaines restent parmi les plus heureuses de mon existence professionnelle »."



Glenn Gould l'alchimiste - Toronto, février 1974


"La diffusion de ces films, dont le contre-sujet (le sujet principal étant évidemment Gould lui-même) était le rapport de la musique avec les moyens de communication de masse et les techniques d'enregistrement, et au cours desquels Glenn interprétait Bach, Schoenberg, Byrd, Gibbons, Wagner, Scriabine, Berg et Webern, connut en France un retentissement considérable. Au delà des milieux musicaux, le monde intellectuel était en émoi. Dans un pays où, la veille encore, il était à peu près totalement inconnu, Glenn Gould était devenu en une seule soirée, et hors de toute présence physique, un véritable mythe."



partition du Konzert de Webern annotée par Glenn Gould - collection B.M.


"Il est vrai que nous bénéficiâmes de circonstances incroyablement favorables. Le jour de la diffusion du premier épisode, les trois chaînes que comportait la télévision française à l’époque étaient en grève. Cependant, afin que les écrans ne restent pas noirs toute une soirée, la loi imposait la diffusion simultanée sur les trois chaînes d'un « programme minimum ». C'était un samedi soir, traditionnellement réservé à des émissions de divertissement diffusées en direct. La grève rendant impossible le direct, les programmateurs s'étaient rabattus, sans nul doute à contrecœur, sur le seul film prévu ce soir-là et qu'ils diffusèrent en début de soirée. Ceux qui ne se résignaient pas à être privés de leur drogue, de leur télévision bien-aimée, n'eurent d'autre choix que de regarder un personnage étrange qui parlait de sa chaise disloquée comme de "son ami le plus proche", proclamait avec jubilation "sa foi dans l'intrusion de la technologie qui impose à l'art une dimension morale transcendant l'idée d'art elle-même" et qui jouait Bach et Wagner dans un état de transe extatique."

"Vingt huit ans ont passé depuis. Glenn n’est plus physiquement de ce monde. (L’a t-il d’ailleurs vraiment jamais été ?) Il ne semble pas que le Gould extraordinairement spontané qui se révèle dans ces documents ait rien perdu de sa magie."


samedi 21 janvier 2012

A.S. Byatt, Le livre des enfants





                      
                              A. S. Byatt est un écrivain rare. Universitaire, elle choisit de présenter l’imaginaire non comme une évasion, mais comme une alternative à la vie quotidienne, créant une sorte de genre en partie réaliste, en partie expérimental, souvent qualifié d’ « hybride ». Elle a publié plusieurs romans, dont le plus connu reste Possession, adapté   au cinéma ainsi que Des Anges et des Insectes.

                       The Children’s Book débute au Victoria and Albert Museum en 1895 et se termine sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, transportant le lecteur de la sécurité quasi maternelle de l’Angleterre victorienne au chaos dévastateur de la Grande Guerre. Il met en scène un groupe de familles anglaises adhérant aux idéaux progressistes de la Fabian Society et du mouvement Arts and Crafts. Le protagoniste est Olive Wellwood, auteur à succès de contes pour enfants, qui mène une vie agréable dans le sud de l’Angleterre avec son mari Humphry et leur progéniture qui ne cesse de croître : “Les enfants se mêlaient aux adultes, ils parlaient et on leur parlait… Mais, en même temps, ils avaient leur vie d’enfants […]. Ils exploraient les bois et les champs, aménageaient des cachettes et grimpaient aux arbres, chassaient, pêchaient, montaient à poney et à bicyclette, sans autre compagnie que celle d’autres enfants.” Fatalement, les idéaux des Wellwood ne leur sont pas d’une grande utilité dans les complexités de leur vie et de celle de leurs enfants – vies qui résultent souvent d’un autre dogme de l’idéal progressiste, la liberté sexuelle dans un monde d’avant la contraception.




                            Les personnages d’A. S. Byatt sont liés par leur engagement social, leur attachement à la liberté artistique et le fait qu’ils couchent les uns avec les autres. Le premier décor du roman contient un tableau du Songe d’une nuit d’été. Les constantes querelles de Titania et Obéron au sujet de l’infidélité, les identités confuses et les désirs étranges des jeunes amants, les caprices et la cruauté du monde des fées et l’intervention perturbante d’artisans ordinaires nous disent où A. S. Byatt veut en venir. Comme dans la pièce de Shakespeare, la magie et l’inventivité transfigurent et déforment la réalité. C’est tout à fait le genre de littérature hautement intellectuelle que l’on peut attendre de la part d’A. S. Byatt. Mais, cette fois, sa prose est mue par une contrariété nouvelle : l’actuel engouement pour le fantastique destiné à la jeunesse. Mme Byatt se débat avec les mêmes problèmes que J. K. Rowling : comment aborder la maltraitance des enfants, la question de la mort, en tant qu’enfant et en tant qu’adulte, et, plus profondément, que faire de la souffrance d’être parent. Il y a dans le roman une immense tristesse individuelle, qui devient une tristesse collective, historique, à mesure que le livre avance inéluctablement vers 1914. Mais la réponse d’A. S. Byatt à J. K. Rowling réside surtout dans le fait qu’elle conçoit Le livre des enfants comme un roman réservé aux adultes. L’enfance, pour Mme Byatt, n’est certes pas un pays paisible, mais c’est dans la vie adulte que les traumatismes rendent possibles les visions qui font le grand art. D’où vient la magie noire, le fantastique dangereux que réclamait A. S. Byatt ? De sous la terre. Ses personnages vivent en sous-sol, travaillent dans des mines, creusent la terre pour en extraire de l’argile et rêvent des richesses des mondes cachés, de métaux précieux et de trésors enterrés. Ce que l’on prend de prime abord pour un ensemble fortuit de décors souterrains se révèle être une vision du sous-sol comme lieu de magie et d’épouvante. Le motif atteint son point culminant à fin du roman, avec les tranchées de la Première Guerre mondiale. Sous terre, les humains deviennent inhumains. Le réel devient le fantastique, là où demeure le mal.



vendredi 20 janvier 2012

Pierrot Men : Chroniques malgaches




La photographie africaine recèle des perles inestimables, Pierrot Men en fait incontestablement partie. Entré sur la scène internationale lors des premières Rencontres de Bamako (Mali) en 1994, le multi récompensé photographe malgache (prix Leica Mother Jones à San Francisco en 1995, médaille d’or des Jeux de la francophonie à Madagascar en 1997, prix UNEP/Canon en 2000…), sort une monagraphie intitulée Chroniques malgaches.


Ce grand amateur de jeux d’ombre et de lumière, né en 1954 et viscéralement attaché à Fianarantsoa sa ville, creuse inlassablement depuis une trentaine d’années son sillon dans la photographie humaniste, à l’affût des bribes du quotidien des malgaches qui sous son œil, se transforment en pépites de poésie, et dénichant au détour des paysages contrastés de la Grande Ile, sa matière première.

Comment sont nées ces Chroniques malgaches ?

Après avoir fait découvrir mon travail dans diverses expositions, j’ai décidé de rassembler une partie de mes clichés dans un ouvrage. Je n’ai pas choisi les photos qui y figurent suivant un thème particulier, car je ne me situe pas dans une démarche photographique dite classique. Je me sens plutôt comme un chroniqueur de la vie de tous les jours, un observateur des petits riens qui immortalise pêle-mêle, ce qui attire son regard.


La photographie n’était pas d’emblée une vocation, quel a été l’élément déclencheur ?Je suis un autodidacte de la photo. Au départ, j’étais peintre, et je me servais comme base de travail des photos de paysages et sujets que je prenais moi-même. Après une dizaine d’années à fonctionner de cette manière, sur le conseil de mon entourage proche qui trouvait que je photographiais mieux que je ne peignais, j’ai plongé dans la photographie ! Mais la peinture continue à influencer mon travail de photographe, notamment dans le choix du cadre, de la composition et de la lumière.


Comment travaillez-vous, avez –vous un matériel de prédilection ?

J’ai un véritable attachement sentimental au Leica, j’en ai trois dont un Leica M6 que j’utilise régulièrement pour mes photos en noir et blanc. Pour la couleur, j’ai adopté un Nikon numérique. Je ne fais jamais de repérages, je fonctionne au gré de mon inspiration et des rencontres. Et j’aime prendre le temps de chercher. Je revendique une approche artisanale de la photographie. J’ai juste des envies, des désirs de nouvelles rencontres. Par exemple, en ce moment j'aimerais bien photographier le nord de Madagascar.


Vos photos dépeignent pourtant souvent Fianarantsoa…

C'est vrai. On ne photographie bien que ce que l’on connaît le mieux, et pour ma part, c’est Fianarantsoa. J’y vis, j’y travaille (ndlr : dans le Labo Men, son propre studio photo).


Quand on vit à Madagascar, l’un des pays les plus pauvres de la planète, vacillant au gré des crises politiques, témoigner de la situation du peuple malgache est-il une obligation morale? Se sent-on investi d’un rôle d’ambassadeur ?

 Je ne me considère pas comme un photographe de la misère, même si sur un plan personnel, je l’ai connue quand je vivais plus jeune dans la brousse. Mon rôle n’est pas de montrer la pauvreté mais au contraire, d’attirer le regard sur la dignité des malgaches. Ce que j'aime par dessus-tout, c'est de mettre de la lumière et de la poésie là où on l’on ne s’y attend pas.

Et en parlant de misère, vous savez elle est partout. Juste cette semaine, lors de mon passage à Paris, j’ai rencontré et photographié des mendiants rue de Rivoli...
Propos recueillis par Roxane Ghislaine Pierre

Pierrot Men, Chroniques malgaches, éd de l'Oeil

mercredi 18 janvier 2012

Marco Barbon : Casablanca


"Casablanca est une ville extrêmement complexe : multiple, chaotique, contradictoire. Le travail ici présenté ne restitue que quelques fragments de cette complexité, une nuance parmi les nuances.
Je ne peux pas dire que, dans mes différents séjours à "Casa", j'en ai épuisé les secrets. Loin de là… Refusant de planifier mes explorations photographiques, je me suis retrouvé à errer par ses boulevards, ses places et ses ruelles, visitant plusieurs fois les mêmes quartiers, arpentant souvent les mêmes parcours, guidé par mon instinct et hanté par mes obsessions. Beaucoup de monuments et de lieux notables manquent en effet dans ce livre, qu'un guide touristique ne saurait oublier. Ce côté partiel aura du moins l'avantage de laisser libre cours à l'imagination ; au "spectateur" d'en tirer parti, essayant d'imaginer les autres villes qui se cachent derrière le puzzle que ces fragments visuels donnent à voir
." [...]



Marco Barbon

Marco Barbon, Casablanca, ed Filigranes

mardi 17 janvier 2012

Doisneau aux Halles



Avant d’être le centre commercial que nous connaissons, les Halles étaient un grand marché de Paris. L’un des artistes ayant le mieux immortalisé cette époque et cet endroit si particulier est sans doute le photographe Robert Doisneau. Une expo Doisneau sur Les Halles se tiendra à l’hôtel de ville du 8 février 2012 au 28 avril prochain.



lundi 16 janvier 2012

Lou Reed & Metallica : Lulu



La sortie de l'album "Lulu", né de la rencontre à New York, en 2009, à l’occasion d’un concert pour les 25 ans du Rock and Roll hall of Fame entre Lou Reed et Metallica. Inspiré de l'univers de l'écrivain expressionniste allemand Frank Wedekind, "Lulu" chante le destin tragique d'une ancienne diva tombée dans la prostitution. Lulu, c’est le mélange inattendu de l’exceptionnelle voix du leader du Velvet Undergroud Lou Reed et de la musique du plus grand groupe de métal Américain Metallica.

"Ce n'est ni un album de Metallica, ni un album de Lou Reed, précise le guitariste soliste de Metallica, Kirk Hammett. C'est quelque chose d'autre. C'est une nouvelle bête, un hybride. Personne dans notre univers du heavy métal n'a jamais fait quelque chose comme ça."

dimanche 15 janvier 2012

Paris la métropole et ses projets

En cliquanr sur le lien titre du message vous aurez accès au site du Pavillon de l'Arsenal et télécharger l'animation sur votre ordinateur.

La nouvelle exposition permanente du Pavillon de l’Arsenal consacre plus de 800m2 à l’histoire, l’actualité et au devenir de la métropole parisienne au travers de plus de 1000 documents d’archives, photos, cartes, plans, films et d’une maquette numérique de 37m2 : Paris, métropole 2020, développée en partenariat avec Google et JCDecaux.











Première mondiale, cette maquette numérique présente, dans leur contexte géographique en 2D ou 3D, les grands territoires de projet en mutation, les nouveaux réseaux de transport et les architectures emblématiques de la ville de demain. Basée sur la technologie et la cartographie du logiciel Google Earth, Paris, métropole 2020 offre une expérience interactive unique pour découvrir la métropole dans toutes ses échelles au travers d’une navigation libre ou thématique”. Conçue pour être régulièrement complétée et actualisée, la maquette numérique est un outil participatif qui fédère les acteurs qui font la ville et rassemble dans un outil commun et partagé leurs productions.





Paris, la métropole et ses projets retrace, au fil d’un parcours chronologique, l’origine de ce territoire et raconte les histoires croisées entre les communes de la métropole pour permettre à tous de comprendre le territoire d’aujourd’hui. L’exposition offre ainsi de nombreux repères thématiques qui permettent d’expliquer la métropole structurée par des logiques agricoles, ornementales ou viaires, puis transformée, adaptée, intégrée dans un processus d’urbanisation issu de développements démographiques, technologiques, économiques et politiques.





Chacun est invité à découvrir l’actualité et le devenir “où chaque jour des projets de toutes tailles, de tous types sont discutés, échangés, partagés avec les habitants, avec celles et ceux qui la font vivre” comme l’écrit Anne Hidalgo, Première adjointe au Maire de Paris chargée de l’Urbanisme et de l’Architecture et Présidente du Pavillon de l’Arsenal, dans la préface de l’ouvrage co-produit en parallèle de l’exposition et consacré aux projets et territoires métropolitains de demain*.


Reconquérir la Seine, continuer la ville avec attention que ce soit les faubourgs ou la ville de l’après-guerre, investir et innover sur de nouvelles emprises foncières, améliorer la mobilité et les espaces publics, développer des architectures emblématiques, construire en hauteur,... Paris, la métropole et ses projets rassemble pour la première fois dans un même lieu toute l’actualité architecturale et urbaine métropolitaine.



Le Pavillon de l’Arsenal propose également autour de l’exposition des ateliers enfants en partenariat avec la Direction des Affaires Scolaires de la Ville de Paris et des visites organisées avec l’association promenades urbaines.







* Paris, la métropole et ses projets


Ouvrage co-produit avec Connaissance des Arts


44 pages, 9 euros





samedi 14 janvier 2012

Le peuple de Paris au XIXème siècle.



Le peuple de Paris au XIXe siècle; Des guinguettes aux barricades

Du 5 octobre 2011 au 26 février 2012





La capitale est alors en pleine mutation, touchée par l’explosion démographique, la révolution industrielle et les transformations urbaines.


Plongé dans les ruelles étroites et sinueuses de Paris, grâce à une ambiance sonore évoquant la vie de la rue au XIXe, le visiteur part à la découverte du peuple, catégorie sociale majeure et figure mythique de l’imaginaire parisien depuis la Révolution française.



Un voyage insolite au cœur du Paris populaire du XIXe siècle



 Tous les aspects de la vie quotidienne sont abordés, à travers une riche iconographie, puisée notamment dans les collections du musée Carnavalet, mais aussi des documents d’archives et des objets du passé issus d’une vingtaine de musées.






Au fil d’un parcours thématique, on découvre les conditions de vie et de travail des classes populaires : Comment se logeaient-elles ? Que mangeaient-elles ? Quels étaient leurs codes vestimentaires ? Leurs distractions ?






Autour de l’art de Daumier, empreint d’humour et de tendresse, l’exposition apporte un éclairage tour à tour pittoresque, amusant, effrayant ou tragique sur le monde des chiffonniers, des migrants saisonniers, des ouvriers des faubourgs, des Apaches des fortifs’ ou des grisettes… ceux des guinguettes, du cabaret ou du bal musette. Les dernières salles sont consacrées aux peurs que fait naître ce peuple protéiforme au sein de la classe dirigeante. La précarité, l’immigration, la ségrégation urbaine, la condition enfantine sont autant de thèmes présents en filigrane. Le parcours s’achève sur les insurrections qui jalonnent le siècle et font entrer le peuple de Paris dans l’histoire.








vendredi 13 janvier 2012

Alexis Weissenberg



Le pianiste français d'origine bulgare Alexis Weissenberg, décédé dimanche à l'âge de 82 ans, était un virtuose célèbre pour son approche rigoureuse du clavier, sa maîtrise poussée à la perfection, interprète admiré de Bach ou Rachmaninov.

jeudi 12 janvier 2012

Erich Maria Remarque : l'Obélisque noir




Dans L'Obélisque noir, c'est le chaos de la société allemande saignée à blanc et humiliée par la défaite de la Grande Guerre qui est brossé avec beaucoup de réalisme.

Le narrateur, envoyé au front en 1916 en est revenu blessé et pacifiste convaincu. Ce jeune soldat de 25 ans qui essaie de se frayer un chemin vers un semblant de normalité, a renoncé à sa carrière d'enseignant et travaille désormais dans une entreprise de monuments aux morts et, à ses heures perdues, joue de l'orgue dans un asile psychiatrique. Dans le contexte de banqueroute de 1923, où l'inflation " atteinte de phtisie galopante " accule à la faillite les tenants " de l'épargne, de l'honnêteté et de l'honneur ", tous les coups bas et les trafics pour extorquer à la mort le plus de profit possible deviennent aisés. Mais des spéculateurs qui s'étourdissent la nuit dans l'alcool des bordels, aux rentiers, invalides et autres estropiés de l'âme qui tentent de survivre à la misère, la corruption, insidieuse mais irrémédiable, vient abîmer les valeurs comme les sentiments. Chantages, pulsions morbides, commerce tarifé et jouissance sordide de la domination, voilà à quoi se réduisent les rapports entre les hommes dans une époque traumatisée et gangrenée par les germes de " la vérole nationale-socialiste ". De cette dévaluation généralisée, chacun s'en sort alors comme il peut et règle ses comptes avec sa conscience devenue subitement " élastique ". Dans ce tableau historico-social s'exprime une violence brutale et glacée que l'humour souvent sarcastique de l'auteur ne suffit pas à désamorcer.

Pour mieux comprendre la république de Weimar et l'ascension du national socialisme on peut lire les romans d'Erich Maria Remarque dans l'ordre suivant :

"A l'Ouest rien de nouveau" qui narre la vie quotidienne dans les trachées durant la guerre de 1914, publié en 1929. avec ce roman, il sera s pris pour cible par les nazis qui l'accusent d'affaiblir le moral de la nation allemande dans ses écrits. En 1933, ses livres sont d'ailleurs brûlés à Berlin et interdits dans les bibliothèques.
"Après" peint la fresque la plus tragique et la plus poignante de l'Allemagne après la guerre de 14-18, des premiers jours de la défaite aux derniers jours de la révolution spartakiste. La déroute, l'émeute, la faim, le doute, Erich-Maria Remarque les évoque avec une âpre sincérité, une violence vengeresse.

"Les camarades"  conte  l'aventure de trois camarades de guerre, en proie aux difficultés de l'existence, dans l'Allemagne où le nazisme est en train de croître. Une âpre poésie chargée de détresse et de fatalité imprègne le livre tout entier. Il s'en détache une héroïne attachante et tendre, et un roman d'amour dont la brève flambée illumine de façon inoubliable un monde désolé et menaçant.

"L'obélisque noir" présenté ci-dessus.







mercredi 11 janvier 2012

The Who : Live at Leeds (1970)


"Pourquoi l'empreinte laissée par les Who taille-t-elle deux pointures au-dessus de celle des Kinks, alors qu'ils fréquentaient le même bottier ? Plus d'une raison vient à l'esprit : affiliation claire au mouvement mod, duo de managers efficace (Kit Lambert et Chris Stamp, cohésion scénique indispensable au tournant des 70's. Pour résumer d'un trait, les Who étaient un groupe mieux dessiné. Un binôme de tête aux rôles bien répartis : Townshend écrit, Daltrey chante. Pete-le-cerveau moulinant Rickenbacker, Roger-la-voix laissant pousser ses boucles et voler son micro. Derrière, un bassiste parfaitement taciturne, John Entwistle. Un batteur génialement turbulent, Keith Moon : roulements de caisse et d'yeux, sens inné du chahut. Et galope l'attelage, inchangé pour une décennie et quelque."  François Gorin







dimanche 8 janvier 2012

Hans Fallada : seul dans Berlin



"Mai 1940, on fête à Berlin la campagne de France. La ferveur nazie est au plus haut. Derrière la façade triomphale du Reich se cache un monde de misère et de terreur. Seul dans Berlin raconte le quotidien d'un immeuble modeste de la rue Jablonski, à Berlin. Persécuteurs et persécutés y cohabitent. C'est Mme Rosenthal, juive, dénoncée et pillée par ses voisins. C'est Baldur Persicke, jeune recrue des SS qui terrorise sa famille. Ce sont les Quangel, désespérés d'avoir perdu leur fils au front, qui inondent la ville de tracts contre Hitler et déjouent la Gestapo avant de connaître une terrifiante descente aux enfers. De Seul dans Berlin, Primo Levi disait, dans Conversations avec Ferdinando Camon, qu'il était " l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ". Aucun roman n'a jamais décrit d'aussi près les conditions réelles de survie des citoyens allemands, juifs ou non, sous le IIIe Reich, avec un tel réalisme et une telle sincérité."



samedi 7 janvier 2012

CHICAGO


Belle réédition à petit prix des premiers albums du groupe Chicago Transist Authority en un seul coffret.

Chicago est un groupe de rock, Pop rock et de Jazz-rock fusion américain formé en 1967 à Chicago, dans l'Illinois, aux États-Unis sous le nom de The Chicago Transit Authority, du nom de la compagnie gérant les transports en commun dans la ville de Chicago. Celui qui en parle le mieux, c'est François Gorin sur son blog disques rayés






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"Vous avez cinq ou six albums. On vous en offre un auquel vous n'auriez jamais pensé. Encore aujourd'hui, trente-sept ans après, il ne serait sans doute pas là, parmi les milliers. Forcément, vous l'écoutez beaucoup. C'est un ami d'enfance. Vous lui devrez toujours quelque chose. Vous ne le renierez pas sans un soupçon de honte et le jeter vous fera un peu mal. Donc vous le gardez. Vous palpez le grain de sa pochette intérieure juste un peu froissée. Vos yeux glissent sur la calligraphie des crédits. La photo de ces types dont vous ignoriez tout. Alignés debout, pas souriants. Nombreux. Pourraient être aussi bien fermiers, joueurs de baseball ou mécaniciens. Le nom du groupe était un logo décliné à chaque album par les graphistes-maison (CBS). Au début, ils s'appelaient Chicago Transit Authority. Pas très glamour. La musique pétait et trompettait de tous ses cuivres, elle vous semblait quand même un peu ronronner. De manière très américaine. Ultra-professionnelle. Seriously entertaining. Plusieurs des musiciens chantaient. Ils faisaient ça naturel et bourru, comme si ce n'était pas une telle affaire. Ni note en trop, ni geste déplacé. Tout nickel-chrome. Juke-box de routiers, rock de musicos joué par les roadies, plus sonnant que bruyant. Au milieu de cette honnête démonstration de savoir-faire, dosant avec une application débonnaire swing et songwriting, brillait discrètement Jenny. Comment deviner que Chicago VI ne serait pas, au bout du compte, le sommet de leur discographie ? Je n'avais d'ouïes que pour Jenny. Terry Kath chante. C'est qui déjà, sur la photo. Le chevelu à moustache ? Il y en a six. Il fait aussi un chorus de guitare. Devait-il l'aimer sa Jenny, pour lui cueillir un bouquet pareil… Son gouleyant contre voix rugueuse, avec elle. Je l'aimais aussi, Jenny, vouée à rester une de ces amies d'enfance. Et puis Feelin' Stronger Everyday (Cetera-Pankow). Et Hollywood (Robert Lamm)… Hé, il n'était pas si mal, cet album. "



"Avant d'avoir Chicago VI, je connaissais 25 or 6 to 4. Tout le monde la connaissait. Elle passait à la radio, même chez nous. Venait de 1970 : deuxième album du groupe, Chicago II. Un de ses premiers tubes. Versant commercial d'un ensemble de sept musiciens qui s'était payé le luxe de débuter par un double affichant des goûts pervers pour le jazz, les rythmes latinos, et même la musique classique ! L'ironie du sort veut que Chicago, aujourd'hui classé par les encyclopédies sous l'intitulé fusion (ça ne mange pas de pain), ait émergé dans les années où la bannière rock devenait universelle."



"Ce qui distinguait ces gars-là de leurs contemporains sous influence pop et soul, c'est de compter pour hommes de base des joueurs de trombone (James Pankow), trompette (Lee Loughlane) ou saxophone (Walter Parazaider). Dans le son triomphant de 25 or 6 to 4, les cuivres évidemment vous sautent à la figure. La voix de Peter Cetera est un peu forcée mais ce n'est pas l'essentiel – comme chanteurs, les Chicago étaient assez interchangeables. Terry Kath fait un numéro d'enfer hendrixien à la guitare, option wah-wah, un de ces trucs qui datent irrémédiablement le morceau, et c'est aussi pour ça qu'on leur garde une affection particulière, à ces chansons d'époque : elles ne visent pas du tout à être intemporelles, et durent aussi par accident."



"25 or 6 to 4 est un titre qu'on retient facilement, avec tous ces chiffres. Ignorer ce que ça veut dire n'est pas un handicap. Waiting for the break of day… searching for something to say… Robert Lamm, l'auteur (et clavier du groupe), a toujours dit que c'était a song about writing a song. Très tôt le matin, donc. Vingt-cinq ou vingt-six minutes avant quatre heures. Mais il y a aussi : flashing lights against the sky… giving up I close my eyes… Depuis quarante ans les fans s'étripent, certains persuadés que ça raconte un bon vieux trip à l'acide. Should I try to do some more… 25 or 6 to 4… Un score écrasant."


"Mais alors, Chicago ? Une ville, une chanson de Sinatra, un musical, le mauvais remake qu'on en a fait ? Un septet à composition variable, 1967 à nos jours. Prog-beauf, post-Motown, Midwest mi-jazz, Beatles-free, latino-freak, sophistico-bourrin, fanfare psych-out, kentucky fried music, variété all-american ? Je vous en prie, ajoutez-en une encore… Portant son lieu d'origine en étendard logoïfié, bientôt trompeur : Chicago est devenu en quelques années un groupe californien. Enregistrant au Caribou Ranch, sept nains poussés ogres et, pour veiller sur eux, un drôle de Blanche-Neige : James William Guercio. Intéressant personnage : il a aussi produit Moondog et réalisé un film, un seul mais qui vaut le coup d'œil : Electra Glide in blue. Road movie pas banal, belle et curieuse photo d'époque où les méchants hippies existent et le héros est… un flic à moto. Peter Cetera joue un petit rôle."









"C'est en 1973, l'année du VI. Un album qui, j'allais l'oublier, donna un générique à France Inter avec le riff cuivré de What's this world comin' to. Le VII est à nouveau un double (on mange bien, chez Chicago). Dans ses sables mouvants, quelques pépites. Wishing you were here invite aux chœurs Al Jardine, Carl et Dennis Wilson. Effet garanti. Bonnes vibrations. D'une honnête chanson, voici une chorale à faire fondre un biker à sa douzième Bud. Ne pas sous-estimer l'importance des Beach Boys dans le rock américain des 70's. Attention, Chicago avait prévenu. Dès leurs premiers albums, jolies choses mellow flirtant côté Burt Bacharach, tempo relâché, harmonies CS&N, séquelles de Got to get you into my life, et généralement des tournures qu'on retrouve, à peine plus raffinées, chez Steely Dan. Gasp, voilà un bout d'explication de ma passagère affection pour ce gang pileux, lâché quand il vira Bee Gees (If you leave me now, l'album chocolat) : c'était le Dan encore inconnu que j'aimais en eux. Qui se dévoue pour énumérer les changements de personnel ?"