lundi 31 août 2020

Boum du tourisme en Creuse en 2020

 

 
 
  Ce que l’on pressentait au sortir du confinement s’est confirmé : après un printemps si anxiogène, les Français ont misé sur le calme et la nature pour leurs vacances d’été. Cette lame de fond a bouleversé le paysage touristique habituel et la Creuse en a largement tiré profit, propulsée parmi les vraies destinations tendance de cette année. Reste à savoir ce qu’elle fera de ce capital sympathie pour l’avenir. 
 

   La Creuse est tendance ? Qui l’aurait cru ! Des plages de Vassivière à la Vallée des peintres en passant par les métiers du tourisme et les médias nationaux (voir infographie ci-dessous), le sentiment s’est installé au fil de l’été qu’il se passait quelque chose d’exceptionnel pour la « destination Creuse ».

  Les premiers chiffres que les professionnels sont en mesure de communiquer viennent tout à fait le confirmer : il y a bien eu un « boum » touristique cet été.
Le meilleur été dans plusieurs sites phares

  Prenons quelques sites majeurs. En juillet 2020, le parc des loups de Chabrière a accueilli 3.300 visiteurs de plus qu’en juillet 2019, un chiffre énorme qui en fait tout simplement le meilleur mois de juillet depuis sa création en 2001.

  En juillet également, la fréquentation a bondi dans la Vallée des peintres par rapport au même mois l’an dernier : +20 % à l’espace Monet-Rolinat de Fresselines, +30 % à l’Hôtel Lépinat de Crozant, et +60 % pour la forteresse de carte postale (4.300 visiteurs contre 2.700). A l’autre bout de la Creuse, l’autre image emblématique du département n’a pas été en reste : 5.585 entrées en juillet (+12 %) à la Cité de la tapisserie à Aubusson.

   Une fréquentation exceptionnelle qui se retrouve aussi dans les offices de tourisme et chez les hébergeurs, par exemple : +36 % dans les points d’accueil de Creuse-Sud-Ouest (Ahun et Bourganeuf) et des taux de remplissage qui sont de 100 %, depuis le début de l’été, dans les gîtes de ce même territoire…
 

  Un boum de fréquentation qui pourrait passer pour un paradoxe au regard des craintes et contraintes qui planent sur cette année. À moins qu’il ne s’explique justement par ces circonstances exceptionnelles : dès le confinement, des articles paraissaient dans la presse nationale annonçant le besoin de nature et de sobriété que l’on aurait pour s’en remettre.

  Vu sous cet angle, la crise du Covid n’aurait donc fait qu’amplifier une tendance déjà engagée depuis plusieurs saisons. La remise en cause provoquée par cette crise d’un certain modèle touristique « de masse », coïncidant avec les efforts consentis par la Creuse de longue date pour se poser en alternative idéale aux poids lourds du secteur avec une proposition « soft », ou douce.
 
 


  La Creuse n’offre peut être rien de spectaculaire mais elle donne la liberté :
ici vous avez de l’espace, de la verdure et de l’air pur... Et donc moins de virus potentiels cette année !

   Un discours qui semble avoir été entendu et fait boule de neige, notamment via les réseaux sociaux. Sinon comment expliquer par exemple ces images décapantes postées sur Instagram depuis le Rocher de la Fileuse, où des blogueuses à la mode prennent la pose là où l’on était plus habitués aux vieux peintres impressionnistes affairés sur leur chevalet. Clichés faisant à leur tour évoluer l’image de la Creuse.
 
 




  Le discours a été entendu même approximativement : interrogés à l’issue d’un tour à Husk’in Creuse (Anzême), une famille de Parisiens d’origine antillaise regrettait de n’avoir pu aller jusqu’aux volcans durant son séjour… Mais s’émerveillait des petites plages du bord de Creuse qui n’ont rien à envier à celles des Caraïbes (!).



  Ils avaient notamment été charmés par la sécurité et la propreté, mais aussi l’exotisme de cette campagne méconnue. Mêmes commentaires après une sortie en kayak proposé par le club d’Eymoutiers sur le lac de Vassivière, « la petite mer du Limousin » tel que l’avait présenté Anne-Sophie Lapix dans son 20-h du 3 juin.

  Il y avait parmi les kayakistes des Parisiens ayant des attaches familiales ici et qui repartaient le soir même, mais aussi des Toulousains, des Marseillais et des Bretons, à qui ni l’Atlantique ni la Méditerrannée ne semblaient vraiment manquer.
 

 
   Tous s’étaient décidés au dernier moment au regard de la situation post-Covid, après avoir entendu parler de la Creuse d’une façon ou d’une autre.



  Presse, campagnes promotionnelle, bouche-à-oreille : les analyses qui ne manqueront pas d’être faites ces prochains mois par Creuse Tourisme devraient permettre de déterminer quels canaux ont été les plus porteurs. Quoi qu’il en soit le profil des vacanciers semble avoir évolué autant que l’image de la destination. 
 

  La grande catégorie des « Parisiens » auxquels s’ajoutent les fidèles du nord et l’ouest de la France constituent toujours le gros des troupes. Mais situation sanitaire oblige, il y a une nette baisse de la fréquentation étrangère (Britanniques et Néerlandais) : Creuse Confluence par exemple, en dénombre moitié moins que l’an dernier sur juin-juillet.


  Tandis que dans le même temps sont apparus davantage de méridionaux et, surtout, de visiteurs « voisins » : c’étaient des Charentais qui grimpaient sur la pierre aux neuf gradins le jour où nous y sommes allés et on notait beaucoup de Berrichons dans les restaurants ou sur les plages.




    Ce tourisme proche, qui pouvait déjà exister dans le milieu de la pêche, semble avoir été amplifié par un désir plus fort de petites escapades que de grandes aventures. Ce qui tend à rejoindre aussi le constat fait notamment à l’Office de Bénévent - Grand-Bourg d’une affluence « jamais vue » de familles à vélo. 
 


  Reste maintenant à savoir si ces observations exceptionnelles faites dans un contexte exceptionnel vont se transformer en un phénomène durable pour les saisons prochaines (les séduits de l’année reviendront-ils ?). Et en supposant que ce soit le cas, dans quelle mesure la Creuse pourra se mettre à la hauteur de ces nouvelles demandes sans perdre son authenticité proverbiale…

Car, pour le coup, elle n’est plus un secret pour grand monde. 
 
Floris Bressy (La Montagne)





vendredi 28 août 2020

ROUDNEFF, galerie FERT, Yvoire (Haute Savoie) 4 septembre au 15 novembre 2020

 

   Né en 1933 à Faymoreau, Vendée, d'une mère ukrainienne et d'un père issu d'une vieille famille russe, Georges Roudneff passe sa tendre enfance à Nice où il découvre des ateliers de peintres slaves amis de ses parents.



En 1950 il arrive à Annecy pour parachever une formation d'ébéniste.
1951 il commence à peindre des toiles abstraites.
1960 première exposition personnelle à la Galerie Perrière à ANNECY.
1965 il quitte son emploi d'agent de méthode en usine pour ouvrir un atelier de restauration de meubles anciens.
Ses toiles sont exposées à la Galerie Katia Granoff et à l'école des Beaux-Arts de Paris.
1972 André Romanet galériste parisien lui achète ses premiers carnets d'aquarelles.
1973 il obtient le prix "rencontres" et une exposition au Théâtre de l'oeuvre à Paris.
1974 exposition à la galerie Roland Gérard à Paris.
1977 il se consacre essentiellement à la peinture.
1985 exposition au parlement europeen de Luxembourg.
1995 Installation de son atelier à Doussard.
Actuellement il enchaine quelques expositions dans 5 galeries amies:
Galerie Fert à Yvoire, Galerie Gantois à Cannes, Galerie d'Etraz à Lausanne (CH), Galerie 15 à Alès, et Galerie Peet Mark Visser à Heusden (NL).
 
 

 

    "Si Georges Roudneff met son coeur au service de son art, c’est aussi et surtout pour partager. Partager avec tous ceux qui adoptent sa

peinture et ne jamais les décevoir; Ce qui explique sans doute les liens qui le lient fortement à ceux qui lui ont toujours fait confiance et lui font refuser toute servitude aux sirènes du marché international.

Faire que chacun puisse emmener avec lui quelques bribes de son univers, nouer avec lui une relation privilégiée qui se fait ’fi’ des contraintes du ‘marché ‘ et travailler avec autant d’amour à ses petits tableaux et aquarelles qu’à ses huiles monumentales, tel est le credo de cet homme simple, à qui toute notion de rentabilité est étrangère."

source :  ECO DES PAYS DE SAVOIE
 


 

 

Exposition du 4 Septembre au 15 Novembre 2020
Vernissage vendredi 4 septembre à partir de 18h

(en fonction des règles sanitaires en vigueur)

 

Galerie FERT, Yvoire (Haute Savoie)

 


vendredi 21 août 2020

Brocante du pont Roby, Felletin, dimanche 23 aout 2020

 

 

 

      Si hélas, le comité d'organisation, en accord avec la mairie de Saint-Quentin-la-Chabanne, vient d'officialiser, non pas l'annulation, mais le report en 2021 de la 5 eme édition du Festival international de blues qui devait se tenir les 22 et 23 aout, la brocante du pont Roby à Felletin se déroulera quant à elle comme prévu le dimanche 23 aout. 






mercredi 12 août 2020

Le prieuré d'Orsan


 

     Fondé en 1107 par Robert d'Arbrissel, créateur de l'abbaye de Fontevraud, le prieuré d'Orsan abrite au cœur de ses bâtiments, monuments historiques du Berry, des jardins d'inspiration monastique médiévale.
Depuis 1993, l'équipe des jardiniers a recréé ces jardins clos où l'utilitaire et la symbolique se mêlent intimement.

 




Ouvertures Individuels et groupes : du 14 mai au 28 septembre 2020. Lundi, mercredi, jeudi et vendredi : de 11 h à 18 h sans interruption Samedi, dimanche et jours fériés : de 10 h à 19 h sans interruption Tarifs Normal : 10 € Enfants de 5 à 17 ans : 5 € Groupe (+ de 20 pers.) : nous consulter

lundi 3 août 2020

Jean Giono (1895-1970) bibliographie sélective (2)


                                                                  photo Denise Bellon


Le cinquantenaire de la disparition de Jean Giono  (1895-1970) est l'occasion de revenir sur la bibliographie de  cet écrivain majeur de la littérature française dont voici le deuxième volet.



Conception: 24 février 1936-7 mai 1937.
Publication: Gallimard, août 1937.

     "- Toute la côte de Verneresse s'effondre. Tout le dessus de Sourdie s'effondre. Tout le flanc de Chènerilles. La terre est comme du lard. Les forêts se replient dans la terre. L'eau fume le long des rochers. Les pierres coulent comme des fontaines. Il a essayé de détourner la boue. Elle a renversé la grange. Il a essayé de sauver quelque chose. La maison était comme une barrique sur un bassin ; elle dansait et il semblait qu'elle tournait, elle s'enfonçait, elle remontait, je lui disais : "Non, n'y allez plus." Mais il sauvait le sien.
Il était devenu quelque chose, Antoine. Il peut être fier !"  





Conception: 10 juillet 1937-16 avril 1938.
Publication: Gallimard, octobre 1938.


     "Chaque forme de la technique aura exactement sa forme formée avec de la chair sans souvenir, sans membres en trop, sans souffrance possible. La beauté est un mot poétique. Ce sera désormais un mot technique. Cette chair sera belle. Sa beauté est son exacte utilité. Non, ce n'est pas ici que vous avez reculé d'horreur. Le gouffre de la raison technique ne peut pas vous donner le vertige. Il vous est familier ; il vous est plus familier que votre propre beauté.
Vous avez déjà perdu le commandement de vous-même. Ce que vous haïssez, ce qui mot à mot a meurtri votre chair déjà mystérieusement désespérée, c'est tout le reste du livre. Il parlait à de vieux souvenirs qui depuis longtemps sont en trop. Je vais vous dire le vrai motif de votre haine : vous n'avez trouvé personne à adorer dans ces pages ; et vous avez un terrible besoin d'adorer. La grande vérité est précisément qu'il n'y a rien ni personne à adorer nulle part.
Et voilà l'endroit où je vais vous laisser pour qu'à partir de là vous fassiez vous-même votre espérance. Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. Je déteste suivre, et je n'ai pas d'estime pour ceux qui suivent. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono.  




     La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix est écrite durant l'été 1938, entre le début juillet et la mi-août. Jean Giono la rédige dans une atmosphère de bouleversement. En pacifiste convaincu il sait que depuis l'Anschluss les Français se préparent de plus en plus à la guerre et sont prêts à la faire. Son intention n'en est que renforcée ? : "? Continuer à combattre, écrit-il le 16 mars dans son journal, contre le militarisme et forcément commencer par lutter contre celui de ma patrie. " Or abattre la guerre, c'est abattre l'Etat, quel qu'il soit. Le Giono des premiers écrits, le romancier décrivant un monde paysan accordé aux grands rythmes élémentaires, somme toute assez inoffensif, laisse place au penseur engagé, politiquement incorrect. La lutte que le "? pacifiste-anarchiste ? " engage ici, aux côtés des paysans du monde entier, contre la guerre et contre l'Etat est une lutte perdue d'avance.
La guerre et l'Etat, tant totalitaire que démocratique, passeront par là. Et pourtant en parlant aux paysans, Giono sait qu'il parle de choses humaines valables pour tous. Il sait que son message portera loin, et ce faisant qu'il saura à sa manière rendre compte de l'évidence ? : "? tous les peuples du monde sont prisonniers ? " . Paysans et non-paysans partagent, malgré eux, la même communauté de destin.
Celui d'un monde aux prises avec le culte de la vitesse, de la technique et du progrès, dont le propre est, petit à petit, d'éliminer le naturel au profit de l'artificiel. Un monde qui aujourd'hui voit plusieurs centaines de millions de paysans souffrir de la faim. Cet éloge de la pauvreté et de la paix nous force à nous retourner sur la figure du paysan, mais aussi à questionner une société occidentale se donnant en modèle et refusant de fait toute contestation.
Recevoir cette lettre et la lire c'est un peu devenir paysan soi-même, c'est regagner le droit d'être libre et autonome. Extrait de la préface rédigée par Alexandre Chollier  




      "Ce qui me dégoûte dans la guerre, c'est son imbécillité. J'aime la vie. Je n'aime même que la vie. C'est beaucoup, mais je comprends qu'on la sacrifie à une cause juste et belle. J'ai soigné des maladies contagieuses et mortelles sans jamais ménager mon don total. A la guerre j'ai peur, j'ai toujours peur, je tremble, je fais dans ma culotte. Parce que c'est bête, parce que c'est inutile. Inutile pour moi.
Inutile pour le camarade qui est avec moi sur la ligne de tirailleurs. Inutile pour le camarade en face. Inutile pour le camarade qui est à côté du camarade en face dans la ligne de tirailleurs qui s'avance vers moi." Ce volume réunit "Refus d'obéissance", "Précisions" et "Recherche de la pureté", trois textes pacifistes d'un homme qui n'oublia jamais l'horreur de la Première Guerre mondiale.  



Conception: 16 novembre 1939-1er mars 1940.
Publication: La Nouvelle Revue française, avril-mai 1940.
Gallimard, 1941.

      Moby Dick (qu'il devait traduire, en collaboration avec Joan Smith et Lucien Jacques) fut, "pendant cinq ou six ans au moins", le compagnon de Giono. "Il me suffisait de m'asseoir, le dos contre le tronc d'un pin, de sortir de ma poche ce livre qui déjà clapotait pour sentir se gonfler sous moi et autour la vie multiple des mers. Combien de fois au-dessus de ma tête n'ai-je pas entendu siffler les cordages, la terre s'émouvoir sous mes pieds comme la planche d'une baleinière ; le tronc du pin gémir et se balancer contre mon dos comme un mât.
Mais... quand le soir me laissait seul, je comprenais mieux l'âme de ce héros pourpre qui commande tout le livre." De cette communion avec un livre et son auteur est né cet essai, où la biographie a l'allégresse et la spontanéité de la vie : "un homme d'un mètre quatre-vingt-trois, avec soixante-sept centimètres de largeur d'épaule" s'anime soudain sous nos yeux, tel un héros de roman, plus vrai que nature.

Conception: janvier-juillet 1941.
Publication: Neuchâtel, Ides et Calendes, novembre 1941.
Bernard Grasset, 1942.

     Complément "aux vraies richesses". "Dernièrement j'étais à Marseille pour quelques jours. Dès la première après-midi, la pluie; la boue et le froid me forcèrent à me réfugier au café. La foule aussi rendait la rue impraticable aux vivants. C'était une agglomération déambulante d'êtres éteints; une pâleur de chandelle coiffée, des vêtements de goudron, pas la moindre couleur même aux yeux; tout ça tellement loin dans la profondeur de l'enfer qu'on ne pouvait même plus l'appeler. Je me disais : « Pour courir derrière il faudrait un saint... » Je ne suis pas un saint.
Je vais dans un petit café, qui n'a pas du tout l'aspect marseillais. A un moment ou à un autre je suis allé dans presque tous les grands cafés de Marseille, soit qu'on m'y ait donné rendez-vous, soit que... je ne sais jamais quoi faire dans ces villes." Jean Giono.

      "Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n'ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l'homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c'est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu'à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons.
Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l'aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu'il s'allonge à travers leur travail, pendant ce qu'ils appellent "toute la journée" ; puis qu'il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs. Non, les jours sont ronds".  

Conception: février-mai 1944.
Publication: Paris, G. Dechalotte, 1948, édition limitée.
Gallimard, coll. L'Imaginaire, 1974.


      Fragments d'un Paradis éclaire enfin sur l'art poétique de Giono et sa véritable religion de l'imaginaire verbal. Peu lui importe de n'avoir pas navigué ; pour Giono le réalisme n'existe pas et ne saurait exister. Dans la mesure où il procède de forces supérieures à l'imagination humaine, le réel doit être, selon lui, plus fabuleux et incroyable que toutes nos chimères. Ainsi faut-il admettre l'irruption de sensations purement terriennes dans l'univers marin, dont c'est une des caractéristiques de les exclure. Les raies géantes ont des odeurs de " champ de narcisses ". Comme au-dessus de Manosque, le ciel des antipodes a des " grésillements de braise " et les étoiles ont "des cris de cristal ". On voit les images surgir, se polir, et garder mystérieusement leur palpitation première. Ce n'est sans doute pas un hasard si l'oiseau y tient une grande place. Son frémissement évoque physiquement ce que Giono attend des mots eux-mêmes. Ainsi tombe le soir " rouge et terne comme un coq malade ", ou telle " une aile de feu déployant ses plumes ". Cela ne remplace pas Melville, ni Conrad, ni nos auteurs de grand large comme Henri Queffélec, Michel Mohrt ou Jacques Perret. Mais qu'est-ce que la " vraie mer" sinon celle qu'on porte en soi jusqu'à se faire porter par elle, et que lève la houle des mots ! Giono le dit bien: "La vérité objective n'existe pas, ce qui importe c'est d'être enchanté ! " Bertrand Poirot-Delpech