Depuis 1970, à la Cartoucherie de Vincennes, Ariane Mnouchkine révèle
grâce au théâtre l’ange et le démon qui sommeillent en nous. Qu’elle
monte Eschyle, Shakespeare, Molière, qu’elle s’inspire du réel, la
directrice du Théâtre du Soleil explore la limite entre le bien et le
mal. Terrassée par le Covid-19, elle s’est réveillée dans une France
confinée où les théâtres étaient à l’arrêt, artistes et intermittents
sans travail, salles de représentation fermées. Cette crise historique,
elle la traverse en artiste et en citoyenne. Dès que possible, elle
reprendra les répétitions avec ses comédiens. Et avec eux transformera
sa colère en une œuvre éclairante.
Comment se vit le confinement au Théâtre du Soleil ?
Comme nous pouvons. Comme tout le monde. Nous organisons des réunions
par vidéo avec les soixante-dix membres du théâtre et parfois leurs
enfants. Retrouver la troupe fait du bien à tous. Surtout à moi. Nous
réfléchissons : après le déconfinement, comment faire ? Comment
reprendre le théâtre, qui ne se nourrit pas que de mots mais surtout de
corps ? Quelles conditions sanitaires mettre en œuvre sans qu’elles
deviennent une censure insupportable ? Masques, évidemment,
distanciations physiques dans les activités quotidiennes telles que les
repas, les réunions, mais en répétition ? Se demander comment faire,
c’est déjà être, un peu, dans l’action. Il se trouve que, le 16 mars,
nous allions commencer à répéter un spectacle étrangement prophétique.
Le sujet, que je ne peux ni ne veux évoquer ici, sous peine de le voir
s’évanouir à tout jamais, ne varie pas. Mais sa forme va bouger sous les
coups du cataclysme qui ébranle tout, individus, États, sociétés,
convictions. Alors nous nous documentons, nous menons nos recherches
dans tous les domaines nécessaires. Nous devons reprendre l’initiative,
cette initiative qui, depuis deux mois, nous a été interdite, même dans
des domaines où des initiatives citoyennes auraient apporté, sinon les
solutions, du moins des améliorations notables sur le plan humain.
Quel est votre état d’esprit ?
J’ai du chagrin. Car derrière les chiffres qu’un type égrène chaque soir
à la télévision, en se félicitant de l’action formidable du
gouvernement, je ne peux m’empêcher d’imaginer la souffrance et la
solitude dans lesquelles sont morts ces femmes et ces hommes. La
souffrance et l’incompréhension de ceux qui les aimaient, à qui on a
interdit les manifestations de tendresse et d’amour, et les rites, quels
qu’ils soient, indispensables au deuil. Indispensables à toute
civilisation. Alors qu’un peu d’écoute, de respect, de compassion de la
part des dirigeants et de leurs moliéresques conseillers scientifiques
aurait permis d’atténuer ces réglementations émises à la hâte, dont
certaines sont compréhensibles mais appliquées avec une rigidité et un
aveuglement sidérants.
Parlons-nous du théâtre ?
Mais je vous parle de théâtre ! Quand je vous parle de la société, je
vous parle de théâtre ! C’est ça le théâtre ! Regarder, écouter, deviner
ce qui n’est jamais dit. Révéler les dieux et les démons qui se cachent
au fond de nos âmes. Ensuite, transformer, pour que la Beauté
transfigurante nous aide à connaître et à supporter la condition
humaine. Supporter ne veut pas dire subir ni se résigner. C’est aussi ça
le théâtre !
Vous êtes en colère ?
Ah ! ça oui ! Je ressens de la colère, une terrible colère et,
j’ajouterai, de l’humiliation en tant que citoyenne française devant la
médiocrité, l’autocélébration permanente, les mensonges désinformateurs
et l’arrogance obstinée de nos dirigeants. Pendant une partie du
confinement, j’étais plongée dans une semi-inconscience due à la
maladie. Au réveil, j’ai fait la bêtise de regarder les
représentants-perroquets du gouvernement sur les médias tout aussi
perroquets. J’avais respecté la rapidité de réaction d’Emmanuel Macron
sur le plan économique et son fameux « quoi qu’il en coûte »
pour éviter les licenciements. Mais lorsque, dans mon petit monde
convalescent, sont entrés en piste ceux que je surnomme les quatre
clowns, le directeur de la Santé, le ministre de la Santé, la
porte-parole du gouvernement, avec, en prime, le père Fouettard en chef,
le ministre de l’Intérieur, la rage m’a prise. Je voudrais ne plus
jamais les revoir.
Que leur reprochez-vous ?
Un crime. Les masques. Je ne parle pas de la pénurie. Ce scandale a
commencé sous les quinquennats précédents de Nicolas Sarkozy et de
François Hollande. Mais appartenant au gouvernement qui, depuis trois
ans, n’a fait qu’aggraver la situation du système de santé de notre
pays, ils en partagent la responsabilité. En nous répétant, soir après
soir, contre tout bon sens, que les masques étaient inutiles voire
dangereux, ils nous ont, soir après soir, désinformés et, littéralement,
désarmés. Alors qu’il eût fallu, et cela dès que l’épidémie était
déclarée en Chine, suivre l’exemple de la plupart des pays asiatiques et
nous appeler à porter systématiquement le masque, quitte, puisqu’il n’y
en avait pas, à en fabriquer nous-mêmes. Or nous avons dû subir les
mensonges réitérés des quatre clowns, dont les propos inoubliables de la
porte-parole du gouvernement qui nous a expliqué que, puisque elle-même
— la prétention de cet « elle-même » — ne savait pas les utiliser,
alors personne n’y parviendrait ! Selon de nombreux médecins qui le
savent depuis longtemps mais dont la parole ne passait pas dans les
médias-perroquets au début de la catastrophe, nous allons tous devoir
nous éduquer aux masques car nous aurons à les porter plusieurs fois
dans notre vie. Je dis cela car dans le clip qui nous recommande les
gestes barrières, le masque ne figure toujours pas. Je suis de celles et
ceux qui pensent que son usage systématique, dès les premières alertes,
aurait, au minimum, raccourci le confinement mortifère que nous
subissons.
Subir est-il le pire ?
Nous devons cesser de subir la désinformation de ce gouvernement. Je ne
conteste pas le fameux « Restez chez vous ». Mais, si l’on est
(soi-disant) en guerre, ce slogan ne suffit pas. On ne peut pas déclarer
la guerre sans appeler, dans le même temps, à la mobilisation générale.
Or cette mobilisation, même abondamment formulée, n’a jamais été
réellement souhaitée. On nous a immédiatement bâillonnés, enfermés. Et
certains plus que d’autres : je pense aux personnes âgées et à la façon
dont elles ont été traitées. J’entends s’exprimer dans les médias des
obsédés anti-vieux, qui affirment qu’il faut tous nous enfermer, nous,
les vieux, les obèses, les diabétiques jusqu’en février, sinon,
disent-ils, ces gens-là encombreront les hôpitaux. Ces gens-là ? Est-ce
ainsi qu’on parle de vieilles personnes et de malades ? Les hôpitaux ne
seraient donc faits que pour les gens productifs en bonne santé ? Donc,
dans la France de 2020, nous devrions travailler jusqu’à 65 ans et une
fois cet âge révolu, nous n’aurions plus le droit d’aller à l’hôpital
pour ne pas encombrer les couloirs ? Si ce n’est pas un projet
préfasciste ou prénazi, ça y ressemble. Cela me fait enrager.
Que faire de cette rage ?
Cette rage est mon ennemie parce qu’elle vise de très médiocres
personnages. Or le théâtre ne doit pas se laisser aveugler par de très
médiocres personnages. Dans notre travail, nous devons comprendre la
grandeur des tragédies humaines qui sont en train d’advenir. Si nous,
artistes, nous restons dans cette rage, nous n’arriverons pas à traduire
dans des œuvres éclairantes pour nos enfants ce qui se vit aujourd’hui.
Une œuvre qui fera la lumière sur le passé pour que l’on comprenne
comment une telle bêtise, un tel aveuglement ont pu advenir, comment ce
capitalisme débridé a pu engendrer de tels technocrates, ces petits
esprits méprisants vis-à-vis des citoyens. Pendant un an, ils restent
sourds aux cris d’alarme des soignantes et soignants qui défilent dans
la rue. Aujourd’hui, ils leur disent : vous êtes des héros. Dans le même
temps, ils nous grondent de ne pas respecter le confinement alors que
90 % des gens le respectent et que ceux qui ne le font pas vivent
souvent dans des conditions inhumaines. Et que le plan Banlieue de
Jean-Louis Borloo a été rejeté du revers de la main, il y a à peine deux
ans, sans même avoir été sérieusement examiné ni discuté. Tout ce qui
se passe aujourd’hui est le résultat d’une longue liste de mauvais
choix.
Cette catastrophe n’est-elle pas aussi une opportunité ?
Oh ! une opportunité ? ! Des centaines de milliers de morts dans le
monde ? Des gens qui meurent de faim, en Inde ou au Brésil, ou qui le
risquent dans certaines de nos banlieues ? Une aggravation accélérée des
inégalités, même dans des démocraties riches, comme la nôtre ? Certains
pensent que nos bonnes vieilles guerres mondiales aussi ont été des
opportunités… Je ne peux pas répondre à une telle question, ne serait-ce
que par respect pour tous ceux qui en Inde, en Équateur ou ailleurs
ramassent chaque grain de riz ou de maïs tombé à terre.
Les Français sont-ils infantilisés ?
Pire. Les enfants ont, la plupart du temps, de très bons profs, dévoués
et compétents, qui savent les préparer au monde. Nous, on nous a
désarmés psychologiquement. Une histoire m’a bouleversée : dans un Ehpad
de Beauvais, des soignantes décident de se confiner avec les
résidentes. Elles s’organisent, mettent des matelas par terre et restent
dormir près de leurs vieilles protégées pendant un mois. Il n’y a eu
aucune contamination. Aucune. Elles décrivent toutes ce moment comme
extraordinaire. Mais arrive un inspecteur du travail pour qui ces
conditions ne sont pas dignes de travailleurs. Des lits par terre, cela
ne se fait pas. Il ordonne l’arrêt de l’expérience. Les soignantes
repartent chez elles, au risque de contaminer leurs familles, avant de
revenir à l’Ehpad, au risque de contaminer les résidentes. En
Angleterre, c’est 20 % du personnel qui se confine avec les résidents.
Mais non, ici, on interdit la poursuite de cette expérience fondée sur
une réelle générosité et le volontariat, par rigidité réglementaire ou
par position idéologique. Ou les deux.
Cette mise à l’écart des personnes âgées révèle-t-elle un problème de civilisation ?
Absolument. Lorsque la présidente de la Commission européenne suggère
que les gens âgés restent confinés pendant huit mois, se rend-elle
compte de la cruauté de ses mots ? Se rend-elle compte de son ignorance
de la place des vieux dans la société ? Se rend-elle compte qu’il y a
bien pire que la mort ? Se rend-elle compte que parmi ces vieux, dont je
suis, beaucoup, comme moi, travaillent, agissent, ou sont utiles à
leurs familles ? Sait-elle que nous, les vieux, nous acceptons la mort
comme inéluctable et que nous sommes innombrables à réclamer le droit de
l’obtenir en temps voulu, droit qui nous est encore obstinément refusé
en France, contrairement à de nombreux autres pays. Quelle hypocrisie !
Vouloir nous rendre invisibles plutôt que de laisser ceux d’entre nous
qui le veulent choisir le moment de mourir en paix et avec dignité.
Lorsque Emmanuel Macron susurre : « Nous allons protéger nos aînés »,
j’ai envie de lui crier : je ne vous demande pas de me protéger, je
vous demande juste de ne pas m’enlever les moyens de le faire. Un
masque, du gel, des tests sérologiques ! À croire qu’ils rêvent d’un
Ehpad généralisé où cacher et oublier tous les vieux. Jeunes, tremblez,
nous sommes votre avenir !
Qu’est-ce que cela dit sur notre société ?
Sur la société, je ne sais pas, mais cela en dit beaucoup sur la
gouvernance. Dans tout corps, une mauvaise gouvernance révèle le plus
mauvais. Il y a 10 % de génies dans l’humanité et 10 % de salopards.
Dans la police, il y a 10 % de gens qui ne sont pas là pour être
gardiens de la paix mais pour être forces de l’ordre. Je respecte la
police, mais lorsqu’on donne des directives imprécises, laissées à la
seule interprétation d’un agent, cet agent, homme ou femme, se révélera
un être humain, bon, compréhensif et compétent, ou bien il agira comme
un petit Eichmann 1 investi d’un pouvoir sans limite,
qui, parce que son heure est enfin venue, pourra pratiquer sa
malfaisance. Donc il fera faire demi-tour à un homme qui se rend à l’île
de Ré pour voir son père mourant. Ou il fouillera dans le cabas d’une
dame pour vérifier qu’elle n’a vraiment acheté que des produits de
première nécessité. Et s’il trouve des bonbons, il l’humiliera. Quand je
pense qu’ont été dénoncées, oui, vous avez bien entendu, dénoncées, et
verbalisées des familles qui venaient sous les fenêtres pour parler à
leurs proches reclus en Ehpad… Se rend-on compte de ce qui est là,
sous-jacent ?
Redoutez-vous un État liberticide ?
Il y a, indubitablement, un risque. La démocratie est malade. Il va
falloir la soigner. Je sais bien que nous ne sommes pas en Chine où,
pendant le confinement de Wuhan, on soudait les portes des gens pour les
empêcher de sortir. Mais, toute proportion gardée, oui, en France, la
démocratie est menacée. Vous connaissez, bien sûr, l’histoire de la
grenouille ? Si on la plonge dans l’eau bouillante, elle saute
immédiatement hors de l’eau. Si on la plonge dans l’eau froide et qu’on
chauffe très doucement cette eau, elle ne saute pas, elle meurt, cuite.
C’est l’eau fraîche de la démocratie que, petit à petit, on tiédit. Je
ne dis pas que c’est ce que les gouvernants veulent faire. Mais je pense
qu’ils sont assez bêtes pour ne pas le voir venir. Oui, je découvre
avec horreur que ces gens, si intelligents, sont bêtes. Il leur manque
l’empathie. Ils n’ont aucune considération pour le peuple français.
Pourquoi ne lui dit-on pas simplement la vérité ?
Avez-vous encore espoir en nos dirigeants politiques ?
Lorsque le 12 mars Emmanuel Macron dit : « Il nous faudra demain
tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de
développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies
et qui dévoile ses failles au grand jour… La santé… notre
État-providence ne sont pas des coûts… mais des biens précieux »,
nous nous regardons, ahuris. Et cela me rappelle l’histoire de
l’empereur Ashoka qui, en 280 av. J.-C., pour conquérir le royaume de
Kalinga, livra une bataille qui se termina par un tel massacre que la
rivière Daya ne charriait plus de l’eau mais du sang. Face à cette
vision, Ashoka eut une révélation et se convertit au bouddhisme et à la
non-violence. Nous espérons parfois de nos gouvernants cette prise de
conscience du mal qu’ils commettent. J’avoue que, ce soir-là, j’ai
espéré cette conversion d’Emmanuel Macron. J’ai souhaité que, constatant
son impuissance face à un minuscule monstre qui attaque le corps et
l’esprit des peuples, il remonte avec nous la chaîne des causalités,
comprenne de quelle manière l’Histoire, les choix et les actes des
dirigeants, de ses alliés politiques, ont mené à notre désarmement face à
cette catastrophe. J’aurais aimé qu’il comprenne à quel point il est,
lui-même, gouverné par des valeurs qui n’en sont pas. Ça aurait été
extraordinaire. J’aimerais avoir de l’estime pour ce gouvernement. Cela
me soulagerait. Je ne demanderais que ça. Au lieu de quoi je ne leur
fais aucune confiance. On ne peut pas faire confiance à des gens qui,
pas une seconde, ne nous ont fait confiance. Quand, permises ou pas, les
manifestations vont reprendre le pavé, seront-elles de haine et de
rage, n’aboutissant qu’à des violences et des répressions, avec en
embuscade Marine Le Pen qui attend, impavide, ou seront-elles
constructives, avec de vrais mouvements qui font des propositions ?
Certains matins je pense que ça va être constructif. Et certains soirs,
je pense l’inverse. Ce dont j’ai peur surtout, c’est de la haine. Parce
que la haine ne choisit pas, elle arrose tout le monde.
Vous avez peur d’un déconfinement de la haine ?
Exactement ! Peur du déconfinement de la haine coléreuse. Est-ce que le
peuple français va réussir à guérir, ou au moins à orienter sa rage,
donc ses haines, vers des propositions et des actions novatrices et
unificatrices ? Il serait temps. Car le pire est encore possible. Le
pire, c’est-à-dire le Brésil, les États-Unis, etc. Nous n’en sommes pas
là mais nous y parviendrons, à force de privatisations, à force d’exiger
des directeurs d’hôpitaux qu’ils se comportent en chefs d’entreprises
rentables. Heureusement Emmanuel Macron a eu la sagesse d’immédiatement
mettre en œuvre un filet de sécurité — le chômage partiel — pour que la
France ne laisse pas sur la paille treize millions de ses citoyens.
C’était la seule chose à faire. Il l’a faite. Cela doit être salué. Mais
cette sagesse n’a rien à voir avec une pseudo « générosité » du
gouvernement, comme semble le penser un certain ministre. Elle est
l’expression même de la fraternité qui est inscrite sur nos frontons.
C’est la vraie France, celle qui fait encore parfois l’admiration et
l’envie des pays qui nous entourent. Pour une fois, on a laissé
l’économie derrière afin de protéger les gens. Encore heureux !
Qu’attendez-vous pour les artistes, les intermittents ?
Je viens d’entendre qu’Emmanuel Macron accède, heureusement, à la revendication des intermittents qui demandent une année blanche afin
que tous ceux qui ne pourront pas travailler dans les mois qui viennent
puissent tenir le coup. C’est déjà ça. Ici, au Soleil, nous pouvons
travailler, nous avons une subvention, un lieu, un projet et des outils
de travail. À nous de retrouver la force et l’élan nécessaires. Ce n’est
pas le cas des intermittents et artistes qui, pour trouver du travail,
dépendent d’entreprises elles-mêmes en difficulté. Même si, en
attendant, certains vont réussir à répéter, il va falloir, pour jouer,
attendre que les salles puissent ouvrir à plein régime. Cela peut durer
de longs mois, jusqu’à l’arrivée d’un médicament. Ceux-là ne doivent pas
être abandonnés, l’avenir de la création théâtrale française, riche
entre toutes, peut-être unique au monde, dépend d’eux. Personne ne
pardonnerait, ni artistes ni public, qu’on laisse revenir le désert.
Lors d’une inondation, on envoie les pompiers et les hélicoptères pour
hélitreuiller les gens réfugiés sur leurs toits. Quoi qu’il en coûte. Le
virus nous assiège tous, mais, de fait, les arts vivants vont subir le
plus long blocus. Donc, comme pendant le blocus de Berlin, il faut un
pont aérien qui dure tant que le siège n’est pas levé, tant que le
public ne peut pas revenir, rassuré et actif, avec enthousiasme. Avec
masque, s’il est encore nécessaire. Mais la distance physique ne sera
pas tenable au théâtre. Ni sur la scène, ni même dans la salle. C’est
impossible. Pas seulement pour des raisons financières, mais parce que
c’est le contraire de la joie.
N’est-il pas temps d’appeler à un nouveau pacte pour l’art et la culture ?
Pas seulement pour l’art et la culture. Nous faisons partie d’un tout.