Ma Mère est née en 1915 à Servian dans l'Hérault. Y résidait la plus grande partie de la famille Navarro dont les membres se sont peu à peu restreints et dispersés. Mes plus belles vacances d'été se sont passées dans ce que je considérais comme un petit coin de Paradis. Tous les deux jours nous nous rendions à La Tamarissière à Agde où mon oncle Elysée possédait un cabanon. Après la baignade, j'avais droit à un goûter que ma tante Elvire protégeait dans une boite métallique. Souvent de la pâte de coing poisseuse ou du chocolat mou avec du pain rassit.
Cette femme merveilleuse usait abondamment d’une langue faite d’un mélange d’espagnol et de patois local, même en présence du Duc de Lévis-Mirepoix dont elle fut la cuisinière quand il résidait dans son château de l’Hermitage Combas à quelques kilomètres du village, trajet qu’elle effectua à bicyclette jusqu’à la fin de son activité auprès de l’académicien. Toute sa vie n’a été qu’au service des autres, et en tout premier lieu celui de ma grand-Mère Mathilde, sa sœur, aveugle prématurément. Pendant les vacances elle préparait le repas de toute la famille. A la mort de ma grand-mère, elle a vécu en solitaire jusqu’à la fin de ses jours perdant elle aussi peu à peu l’usage de ses yeux bleus.
Au delà des souvenirs de jeunesse qu’évoquent cette photo de plage, je me souviens avec émotion d’une visite impromptue, rendue un jour de grosse pluie, pour lui présenter la future mère de Yann. En entendant la grosse cloche de l’entrée tinter, elle avait fait glisser le rideau de perles de bois pour voir, sous des trombes d’eau, les visiteurs grimper le raide escalier extérieur. Sa première réaction fut de poser son ouvrage à tricot sur la fauteuil près de la minuscule porte fenêtre, prendre Annie par les mains pour la faire asseoir dans le fauteuil de ma grand-mère, essuyer d’une revers de main ses protestations et lui essuyer les pieds avant de les lui glisser sur une brique chaude enveloppée d’une serviette éponge.
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