dimanche 6 février 2011

Jaune le Carré (6)

Après la tempête, vint le calme. Dans le silence feutré de l’hôpital émanait encore quelques râles, quelques plaintes aussi, associés à de rares "pipi!" et "caca!" soupirés par des patients vidés de toutes forces. Quelques égrotants aux corps faméliques hantaient les longs couloirs cirés, qui à la recherche de sa chambre, qui une infirmière, qui un lit disponible, qui madame Clément. Nous approchions de la fin janvier et toujours pas de nouvelles de madame Clément. Les jours s’écoulaient paisibles. Et cette chambre jaune où survivait Rosiane me semblait d'une tristesse à pleurer. J’eus alors une subite envie de l’aménager. Je consultais le catalogue Ikea lorsqu’on nous prévint que Rosiane était un peu longue à arriver au bout de sa mort. Et que le lit, ben le lit, avec tout le monde qui errait dans les longs couloirs cirés, il allait bien falloir songer à le libérer. J’ai jeté un regard vide par la fenêtre. Il s’est écrasé cinq étages plus bas sur les poubelles de l’hôpital. « L’ensemble des protocoles a échoué. Ce résultat est un échec. Vous comprendrez qu’il s’agit de soins palliatifs. De notre côté nous ne pouvons plus rien faire. Avez-vous songez à un placement ? L’assistante sociale de l’hôpital vous aidera dans vos démarches. »
Le bureau de Madame Ollépovre est au fond d’un couloir du rez-de-chaussée entre les Urgences et les toilettes. Elle reprenait son poste et un poste laissé vacant. C’est dire si elle avait du travail. Au point de ne plus s’y retrouver entre les dossiers du premier poste et du second poste laissé vacant mais qui ne l’était plus puisqu’elle l’occupait dorénavant. Enfin pour Rosiane elle nous venta les mérites du S.S.R. Je me demandais ce que pouvais bien avoir à faire là-dedans la Société nationale Suisse de Radiotélévision avant de comprendre qu’il s’agissait d’un centre de Soin de suite et de réadaptation. De notre côté nous en avions entendu le plus grand mal. « Pour elle ce sera très bien. Surtout qu’elle va mieux »
Mieux que quoi ? me fis-je lorgnant d’un œil sartrien les reproductions de tableaux accrochés au mur. Isabelle et moi-même avons même clos nos yeux un court instant afin de mieux nous pénétrer de la vision de Rosiane amaigrie, chauve et équipée comme un spationaute. Pendant que madame Olllépovre parlait, j’ai baissé les yeux sur mes groles. J’avais une chaussure noire et une de couleur fauve. Il allait falloir que je perde cette sale habitude. « Montez-y, au S.S.R., vous serez surpris. » J’ai suivi son bras qui sortit de sa blouse se terminait par une main au bout de laquelle un index pointé par la fenêtre désignait dans le lointain sur les hauteurs du centre hospitalier, les contours hostiles d’une vaste demeure comme celle de la reproduction du Hopper sur le mur du bureau de madame Ollépovre « Maison au bord de la voie ferrée ».

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