Blessé superficiellement, je fus admis dans le service de coutologie du professeur Coutelas, nouvellement créé et installé provisoirement dans le bureau de l’assistante sociale, madame Ollépovre, au rez-de-chaussée entre les Urgences et les toilettes, ce qui avouons-le est à peu près la même chose. Ma voisine de chambre était la jeune infirmière que j’avais cru mort, lardée qu’elle était de soixante dix sept coups de couteau sans gravité. Le bol, quoi.
Une enquête fut menée. Sur les quatorze locataires du S.S.R. treize étaient empaillés. Le locataire de la chambre 1 était un ancien professeur du centre hospitalier, le docteur Sicaire, inquiet du projet de fermeture du S.S.R. et passionné de taxidermie à laquelle il fut initié par l’un de ses patients, l’occupant de la chambre 2 :Anthony Perkins. Il fut jugé irresponsable et hospitalisé au service, oncologie, gériatrie, dinguerie du 5 ème étage du centre hospitalier de Guéret. Comme s’il n’y avait pas assez de monde comme cela à traîner dans les longs couloirs cirés du 5 ème étage !
Je profitais d’un léger mieux pour rendre visite à Rosiane. Je la trouvais au lit avec un malade en pyjama bleu. Je connaissais les difficultés de l’hôpital de Guéret mais je ne pensais pas que la situation fut catastrophique au point de caser deux malades par lit. Je m’en plains. J’avais raison. Monsieur Gogol, de la famille de l’écrivain russe, homme au demeurant très affectueux en captivité, testait les lit des malades les uns après les autres sur l’ensemble du centre hospitalier. Il pouvait s’attaquer tout aussi bien aux culs et aux seins des infirmières et aides soignantes occupées à soigner les malades inoffensifs. Je priais donc monsieur Gogol de quitter le lit de Rosiane, jeune fille de soixante quinze ans et malade de surcroît. Il se mit à courir derechef après une infirmière gymnaste, c’est à dire dotée d’abdos fessiers et de pectoraux phénoménaux, dans le grand couloir ciré où rodaient, encore et toujours, les égrotants tels des zombies.
Rosiane mettait la dernière main à sa valise. Elle escomptait se rendre à pied à Paris faire une petite visite à l’urologue de St Louis le professeur Ladurite.
Je filais illico dans ma chambre-bureau dire à madame Ollépovre ma façon de penser. «Vous ne voyez donc pas que je suis débordée ! brama t’elle. J’ai mon poste à tenir ainsi que celui laissé vacant par une collègue disparue et jamais remplacée. Je nage dans la paperasse ! Je suis au bord de la crise de nerfs ! Et vous, ben et vous, vous venez me faire chier avec votre transfert sur Paris ! Comme si j’avais que ça à faire des transferts ! Vous vous croyez au Mercato ? De toute façon l’oncologue chérie ne signera jamais un transfert pour convenance personnelle. Si vous, votre femme et votre belle-mère, ne voulez pas du S.S.R., c’est bien dommage, moi je ne peux plus rien pour vous ! Fallait pas venir en Creuse ! » Elle s’effondra en larmes. Elle dut être allitée sur son bureau en attendant une chambre désespérément disponible en neuropsychiatrie.
Je remontais en courant au cinquième. La chambre était déjà ocupée. Rosiane et Isabelle dans le couloir fermaient la valise. Fallait trouver une ambulance. Je trouvais dans les cartes de voeux reçus à la maison celles des pompes funèbres Mizenboate et des ambulances Rapido que j'appelais illico. Rapido, illico, mille euros expresso. Même pas le temps d'aller coller une mornifle à l'oncologue chérie pour la remercier de sa sollicitude. Je redescendis chercher mes affaires que je trouvais avec mon bon de sortie dans un sac poubelle devant la porte du bureau-chambre de madame Ollépovre.
J'entrais quand-même. Le bureau était vide. Le service de coutologie du professeur Coutelas venait de fermer. Les ouvriers s'afféraient déjà. Madame Ollépovre avait été revoyé chez elle faute de lit. Restaient les Urgences et les toilettes.
Sur le trottoir de l'avenue de la Sénatorerie je vis disparaitre les ambulances Rapido avec Rosiane dedans. Restait à suivre.
Je me pris soudain pour Rastignac : "A nous deux maintenant!" m'écriais-je en filant vers Paris.
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