J’ai un faible pour visiter les souks dans le sens opposé à l’ordinaire. Au départ de la porte Bab Doukala près de la gare routière, le labyrinthe feutré se trouve étonnamment désert jusqu’au terme de la rue Bad Doukala, où flânent et vaquent riverains et artisans forgerons, dinandiers, dans ce quartier de bruit par excellence, actif dans la fumée des forges et le martèlement incessant.
Plus loin, certaines ruelles qu'occupent un vide inquiétant, ne laissent filtrer qu'un soupçon de jour et de soleil par les treillis que soutenaient de faméliques étais.
J'ai toujours aimé ces allées commerçantes, bruyantes et animées, proches de ce que j'imaginais être l'activité des marchés du Moyen Age. En 1953, Elias Canetti en faisait la description suivante :
« Les souks sentent les épices, il y fait frais et ils ruissellent de couleurs. L'odeur, qui est toujours agréable, change toutefois suivant la nature des marchandises. Il n'y a pas de noms, pas d'enseignes, il n'y a pas de vitrines. Tout ce qui est à vendre est exposé. On ne sait jamais ce que coûteront les objets, leurs prix ne sont pas indiqués et ne sont d'ailleurs pas établis. »
« Tous les étalages et les échoppes où se vendent les mêmes articles, se pressent les uns à côté des autres par vingt ou trente à la fois. Ici c'est un bazar d'épices, là il n'y a que de la maroquinerie. Les cordiers ont leur quartier, les vanniers en ont un autre. Parmi les marchands de tapis, beaucoup disposent de grandes salles voûtées et spacieuses. Vous passez devant sans y prendre vraiment garde et on vous invite avec insistance à y pénétrer. Les joailliers sont rangés autour d'une cour spéciale. Dans beaucoup de leurs étroites boutiques on voit des hommes au travail. On trouve de tout, mais toujours à d'innombrables exemplaires. »
Les voix de Marrakech, résonnent encore. Rien n'y a encore changé, hormis peut-être la boutique d'Hassan, qui, succédant à son père en 1949, avait agrandi le magasin dès l'indépendance en 1956, puis vendu son commerce en 1980 à un négociant de Casablanca qui le lui avait rétrocéder pour une poignée de dattes avant de disparaître à la suite d'une sombre histoire de femme. Depuis, mis à part un ou deux coups de pinceaux, rien n'avait bougé.
Le souk des potiers mit un terme à notre harassante déambulation. Un bruissant tintamarre parvenait jusqu'à nous. On a suivi le flot de la foule qui nous entraînait vers le forum de la place Jemaa-el-Fna. A cette heure, la terrasse du Café de France avec vue imprenable sur ce spectacle nocturne, n'avait plus une table de disponible.On s'est fondu dans ce joyeux brouhaha aux parfums de merguez et d'épices, noyés dans le nuage bleuté de la fumée des braseros afin de nous désaltérer d’un jus d’oranges.
1 commentaire:
Etonnantes et magnifiques photos vraiment !!!!
sophie (des grigris)
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