mercredi 17 février 2010

Lorsque papa dansait...


Je me souviens enfant, le soleil de septembre flottait encore dans l’air comme un parfum de vacances. Le dimanche, papa sortait l’automobile et nous montions en famille jusqu’à Montfermeil prendre le café chez des amis de mes parents. Je restais à jouer en les attendant dans le jardin pavillonnaire. En fin d’après-midi la chaleur tombait et nous gagnions à l’ombre des arbres les berges de l’étang des sept-îles. Je ne manquais jamais d’y faire de la balançoire puis papa nous emmenait faire une partie de canotage. Nous faisions une halte sur l’une des petites îles et paressions dans l’herbe au soleil. J’étais attendri par le bruissement des feuilles, le pépiement des oiseaux, le clapotis de l’eau sur les pontons, les voix des canoteurs, les rires des enfants et le plongeon du bois des rames dans l’onde glauque. Juste après notre retour et l’accostage final je restais un temps à regarder les derniers canoteurs partir puis disparaître derrière les lourds branchages inclinés dans l’eau.
Peu après, nous allions à la guinguette ou je restais seul à la table en buvant un jus de fruits tandis que mes parents dansaient sur la piste. Mes parents étaient bons danseurs. Quand ils étaient jeunes, cette occupation ne coûtait guère et ils en avaient usés abondamment. Puis mes deux aînés étaient arrivés et depuis lors ils ne leurs restaient que ces petits moments de fin d’été ou mon père entraînait ma mère sur la piste et la faisait virevolter autours de lui comme dans un songe sans fin. Et le monde tournait, tournait, tournait, autour d’eux sous les pas de mon père aux souliers cirés. Ces petits moments de bonheur faisaient briller la prunelle de ses yeux noirs. Ils le rendaient heureux. Les danseurs ont arr^tés de danser depuis. Les canots ont été remisés. Les sept-îles asséchées pour y construire un centre commercial. C’était en 1966.
« Lorsque apparaissent les premiers supermarchés, au début des années 60, la France ne compte que 200 kilomètres d'autoroutes, un morceau de périphérique parisien, aucune autre rocade, pas le moin­dre rond-point. » « Le Moyen Age a eu ses villes fortifiées et ses cathédrales, le XIXe siècle ses boulevards et ses lycées. Nous avons nos hangars commerciaux et nos lotissements. Les pare-brise de nos voitures sont des écrans de télévision, et nos villes ressemblent à une soirée sur TF1 : un long tunnel de publicité suivi d'une émission guimauve Elle a été peu visitée par le roman, le documentaire ou la fiction pour raconter l'ennui qui suinte des quartiers pavillonnaires..

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