Hier, Sophie des Grigris a rendu hommage à sa grand-mère, celles de ses enfants, celle de mon fils et à la mienne, "ces grands-mères piliers" comme elle l'écrit elle-même, en citant un extrait d’une de mes nouvelles «Pleurer la nuit»
Elle a accompagné ce texte d’une photo de sa fille Apolline, une jeune photographe qui mérite que l’on pousse parfois la tenture de son univers pour y flâner et respirer les fragrances du temps qui passe.
Mathilde est le seul de mes aïeux que j’ai connus. Les autres sont partis trop tôt ou suis-je arrivée trop tard pour les saluer.
Du plus loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours connu Mathilde comme sur cette unique photo que je possède d’elle. Elle était aveugle. Je la rencontrais durant le mois d’août passé dans sa minuscule maison du village de Servian dans l’Hérault. Je la retrouvais toujours à la même place dans un large fauteuil en osier. Elle se tenait raide dans une robe sombre, les cheveux relevés en chignon, le visage tout chiffonné de vie et de travail, rendu plus maigre encore par les lunettes noires à monture énorme. Mon père posait les valises et ma mère embrassait Mathilde. Puis, je devais m’avancer vers elle. De ses doigts secs et noueux, elle me palpait de la tête aux pieds pour mettre à jour sa mémoire. Elle me trouvait joli. Elle me trouvait grandi. Elle me trouvait toujours trop maigre et nerveux comme une petite chèvre de montagne. Elle me serrait enfin dans ses bras et nous nous embrassions. Puis nous n’échangions plus rien d’autre que des bonjours quotidiens, moi emporté par la fièvre des vacances et elle retranchée dans l’obscurité de son silence.
La nuit, je dormais sur une paillasse dans sa chambre. Je n’ai jamais eu cette complicité citée par Sophie dans l’extrait de «Pleurer la nuit». Alors je l’ai inventé en imaginant mon fils Yann et sa grand-mère maternelle. J’aurais aimé être complice avec ma grand-mère et avoir une "maman". Mais personne ne nous appartient sauf dans nos souvenirs.
Merci Sophie.
1 commentaire:
je rentre à l'instant
ouvre votre blog et découvre Mathilde....
J'appelle Apolline et nous avons lu votre texte à deux, ma fille penchée sur mon épaule.....
Mon Apolline est trés fière de ce lien vers elle et moi très touchée de ces messages qui se croisent, de ces photos qui se répondent, de ses souvenirs qui se mélent.
Sophie (des grigris)
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