Attiré par la fièvre de l’or mon grand-père a brûlé ses économies pour s’enfuir au Klondike jouer les orpailleurs dans la rivière du lapin. Rapidement sans le sou et mort de faim, il a fini sherpa pour des cintrés du bulbe dans la vallée de Yosemite au Sierra Nevada à se coltiner des chambres photographiques, des valises d’objectifs, des châssis porte films et tout le toutim chimique pour le développement. De quoi crever les mules et dégoutter à jamais mon grand-père de la photographie. « GLC ! GLC !» gueulait-il à qui voulait bien l’entendre quand il avait trop bu. Gros, Lourd et Chiant ! voulait-il dire, préférant le dessin à la photo et la chambre à condition d’y coucher avec des filles. De retour en Europe, il fit trente-six métiers, pas convaincu du tout par l’avenir de la photographie aux améliorations bien trop lente pour lui. Déchiré à l’absinthe, il eut une illumination et dessina sur un coin de nappe ce qui à ses yeux devrait être le prototype même d’un appareil photo petit format. Nappe que lui piqua un allemand qui commercialisa l’affaire en 1925 sous le nom de Leica. Après la photographie, mon grand-père fut complètement dégoutter des affaires et sombra dans l’alcoolisme ruinant sa famille et son foyer. L’arrivée du film en rouleaux, des foldings et autres conneries du genre ne le convainc pas. Il mourut sans avoir jamais pris une seule photographie. Son fils, fort de l’héritage paternel s’offrit en hommage à son père un catalogue Kodak. Il hésitait encore lorsque le Nikon F pointa son nez avec un mono objectif 35mm vers la fin des années 50. Mon père, donc, attendit que celui-ci fasse réellement ses preuves avant de se décider. Il fit bien car le Nikon F2 lui succéda un peu plus de dix ans plus tard lui-même remplacé par le Nikon F3 en 1980, l’année même de sa mort. Preuve s’il en est qu’il faut savoir patienter. Surtout que l’année suivante, juste au moment ou encore sous le coup de chagrin, j’ai failli craquer pour l’argentique, Sony présenta le Mavica, premier appareil photo analogique doté d’un CCD de 279000 pixels et des brouettes. J’ai eu du pot. Comme quoi faut jamais se laisser submerger par l’émotion. En moins de vingt ans nous sommes passés d’un capteur de 279000 pixels et des brouettes à 111 millions de pixels sur un capteur CCD à usage astronomique. Cette avancée technologique laisse augurer dans les années à venir la grande exposition du Siècle autour des grilles du jardin du Luxembourg : «les Cons vus du ciel.» En attendant, je me renseigne et j’observe. On n’est jamais trop prudent avant d’acquérir du matériel fiable.
Salon de la Photo du 15 au 19 octobre 2009 Porte de Versailles.
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