Les Amoureux du Pont des Arts, 1957
Ce jour-là, c’était le début du printemps, les feuilles étaient encore toutes petites et je me promenais au bord de la Seine, j’avais toujours grand plaisir à marcher sur les quais, avec mon appareil. Cette même année, j’avais photographié Les Amoureux de la Bastille. Je me souviens que j’étais monté tout en haut de la Colonne parce que la lumière était particulièrement belle, une lumière d’hiver, de janvier, très blanche. J’avais été guidé par elle, comme souvent, et c’est là que j’ai fait une de mes plus belles photos, qui a fait le tour du monde. En carte postale, en puzzle, en tee-shirt, en poster. J’aimais monter tout en haut de la colonne, j’y venais souvent, Paris était si beau, vu de ce point. J’étais seul, je faisais une série de photos et je m’apprêtais à rentrer chez moi. C’est là que j’ai vu ce couple, de dos, qui regardait le panorama. Je les ai photographiés juste au moment où le garçon posait un baiser sur le front de sa compagne. Très délicatement. Je pensais que c’était un couple d’étrangers jusqu’au jour où, en 1988, j’ai appris, qu’ils tenaient un café-tabac, de l’autre côté de la colonne, et qu’ils avaient encadré le poster dans leur bistrot. Nous sommes devenus copains, j’allais souvent prendre un casse-croûte chez eux. Riton et Marinette. En fait, ils étaient aveyronnais. Et au moment de la photo, ils ne pouvaient d’ailleurs pas se douter qu’entre les boucles du fer forgé de la colonne on voyait une petite boutique, qui allait plus tard devenir leur bistrot. Ils étaient encore fiancés à ce moment-làMais une saison avait passé depuis ce jour de janvier, et je marchais donc, tranquillement, sur les quais. Je suis obligé de passer au présent pour raconter la suite. Je remarque une barque arrêtée et dans cette barque, je surprends un couple assis, curieusement installé. Je fais deux photos. Une première photo, où le garçon n’embrasse pas encore la fille mais se prépare à l’embrasser?: c’est ce moment que j’avais envie de capter, cette espèce de suspens, on se dit que peut-être elle ne va pas accepter son baiser, on se dit oui non, oui non ? Et la deuxième photo, je l’ai faite au moment où ils s’embrassent vraiment. Mais c’est celle qui précède le baiser qui me plaît davantage, avec ce geste très fragile juste avant l’acquiescement. En développant la photo, je me suis aperçu qu’il n’y avait pas de rames sur la barque?: elle était simplement accrochée au quai. Ils avaient dû sauter dedans très vite, pour être soi-disant isolés. Sur le côté, on voit aussi une vieille voiture avec la roue de secours accrochée au porte-bagages, on n’en a plus beaucoup fait de ce modèle par la suite. Elle a même un marchepied.
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