mercredi 28 octobre 2009

Plus belle la vie !


Rosiane, ma belle-mère, dont nous avons déjà parlé dans ces pages, est montée à Paris passer des examens. Vous me direz, passez des examens, c’est courageux à son âge. Oui, c’est courageux, mais ce ne sont pas les épreuves du Brevet des Collèges, mais un IRM en prévision d’une opération délicate le mois prochain. Le matin même Pupuce et moi-même avions laissé sa mère dans un état de confiance et de tranquillité suprême pour la retrouvez dans un état de nerfs épouvantable moins de douze heures plus tard. Ah ! les Mystères des Hôpitaux de l’Assistance Publique. Eugène Sue aurait pu, si la vie lui en avait laissé le temps, en écrire des pages épiques sur les arcanes de l’hôpital Lariboisière à la typologie pavillonnaire et labyrinthique.
Car Paris n’est pas Guéret et le changement d’heure à Lariboisière, ben c’est tous les jours depuis 1854. Avoir rendez-vous à 12h15 et être pris en charge à 15h30, vous avez beau avoir la grille des mots fléchés de Télé 7 jours. Et tout ça sans manger. Et pas manger, alors ça Rosiane elle aime pas. Mais faut bien pour l’IRM. Alors Rosiane elle patiente dans sa chambre avec vue sur le boulevard De La Chapelle et le métro aérien en avalant son porte-mine question qu’ils y voient quelque chose quand elle passera enfin son IRM. Là-dessus, Pupuce et moi, on se pointe vers les 17h question de voir comment elle allait la Rosiane. Et là, bernique, pas de Rosiane. Alors on patiente.
J'ai fait la constatation que la ligne 2 fonctionnait bien. Puis je suis allé regarder passer mes impôts. Le couloir couleur lilas défraichi est vide et interminable. Les portes des chambres sont coquille d’œuf foncé. Les portes de services vieux rose, les placards et autres locaux bleu pétrole. Vous suivez ? Ah, vous êtes allez vomir, vous aussi, tellement c’est hideux. Je patiente. Au sol un linoléum gorge de pigeon agrémenté d’une large et zigzagante bande bleu pétrole, elle aussi. Aux murs ; tout le Musée d’Orsay. Et au plafond des tubes fluorescents agressifs, comme le reste. La chambre par contre, est jaune comme les draps. De quoi être malade. C’est normal vous êtes à l’hôpital. Et Rosiane qui n’arrive toujours pas. Alors Pupuce demande à une infirmière qui nous annonce qu’elle allait remonter puisqu’elle était descendue. C’est un peu comme quand nous sommes partis en passant par l’entrée pour sortir. Après une petite sieste dans la salle d’attente, j’ai attaqué la bande bleu en essayant surtout de ne pas marcher sur le gris gorge de pigeon. C’était pas facile avec les chariots, mais j’y suis quand même parvenu sous le regard ébahit d’une transfusée aussi jaune que ses draps. Au retour, sur une patte, j’ai attendu qu’une infirmière me laisse le passage, puis j’ai fait un petit coucou à ma copine la transfusée toujours aussi stupéfaite. Cette affaire m’a occupé un moment avant que Rosiane n’arrive sur le coup de 18h en chaise roulante, transfusée elle aussi, le verbe haut et le ventre dans les talons, d’où peut-être la chaise roulante. Alors elle nous a narrés par le menu (en attendant le sien) le circuit labyrinthique pour rejoindre la salle d’examen et surtout en revenir quand on n’a pas de plan. Car si elle avait eu un plan, il y a belle lurette qu’elle se serait barrée. Comme elle en avait pas, il a fallu qu’elle attende la disponibilité d’un aide-soignant pour la reconduire dans sa chambre. Et la Rosiane, ben il nous l’on rendu ébouriffée et affamée qui plus est. Alors quand ils sont passés pour le service Rosiane attendait de pied ferme son plateau qui ne contenait qu’un amas de purée, certainement cuisiné à l’aide d’une demi-patate naine et une compote naine elle aussi. Point barre. J’ai filé sous le pieu avant qu’elle ne sorte son flingue. Sa colocataire n’avait pas faim. Une malade certainement. Rosiane lui a piqué son pain et s’est jetée sur une soupe on ne peut plus claire comme un afghan aux Restos du Cœur. Elle faisait peine à mâchouiller son bout de pain en rouspétant. Bon, faut avouer, chez Rosiane c’est une seconde nature, mais quand même. Pupuce est allée aux nouvelles. Rosiane n’avait pas été comptée dans l’effectif pour le rata du soir. Il restait juste trois plateaux à servir à l’étage et il n’y avait plus qu’un bout de pain pour trois. Tirage au sort ? Combat au couteau ? Je sais pas. En tout cas, coup de bol, un malade ne mangeait pas. Sans doute le mort pendant la bagarre pour le bout de pain. Ca rigole pas, les Hôpitaux de Paris, je vous l'ai dit. Rosiane a donc hérité du plateau du mort et nous on s’est tirés par l’entrée avant la fermeture des visites.
J’ai appelé Rosiane ce matin. Elle sort en début d’après-midi. C’est vague. On va encore la récupérer dans un état.

Aucun commentaire: