Le Musée de la Musique consacre une rétrospective du 16 octobre 2009 au 17 janvier 2010 à l'un des grands créateurs de la musique du XXème siècle : Miles Davis (1926-1991). Cette exposition, présentée sur 800 m², propose de retracer le parcours du musicien, de la ville de son enfance, East St Louis, jusqu'au concert rétrospectif qu'il donna sur le site même de la Villette à Paris. Quatre séquences thématiques s'enchaînent chronologiquement afin que les visiteurs puissent découvrir les grands temps de sa carrière en découvrant films inédits, partitions originales manuscrites, instruments, documents originaux, costumes de scène...
Miles Davis, dont on connaît la férocité depuis sa savoureuse autobiographie, redoutait une chose par-dessus tout : se retourner sur son passé. Il n'a consenti à le faire qu'à la fin de sa vie, pour deux concerts, qui eurent lieu quelques semaines avant sa mort. Sans doute avait-il raison de se tenir à l'écart de la nostalgie… L'un de ces deux événements, qui s'est tenu le 10 juillet 1991 à la Villette, est diffusé à la fin du parcours intitulé «We Want Miles !», installé en face de la Grande Halle, dans la Cité de la musique.
Résumer soixante-cinq années d'une vie aussi riche et complexe que celle du trompettiste constituait une gageure dont les concepteurs de l'exposition se tirent admirablement. Adoptant un découpage chronologique, la navigation est d'une grande fluidité : on est accueilli par la voix du maître. Ces cordes vocales passées à la paille de fer sont aussi caractéristiques que le son de sa trompette bouchée.
Quand d'autres projets du même calibre s'attachaient aux objets et à l'anecdote, la scénographie place la musique au centre du dispositif, à travers des « sourdines », manières de cabines dans lesquelles sont diffusés les morceaux emblématiques des ruptures stylistiques d'un musicien jamais fixé dans une formule, fût-elle celle du succès. De grands panneaux photographiques rythment le parcours, comme des têtes de chapitre : photo de sa ville natale (Saint Louis), image du studio new-yorkais dans lequel furent gravés Kind of Blue et les albums avec Gil Evans - une ancienne chapelle.
Le premier niveau se termine avec l'évocation du second quintet des années 1960 et la photo d'une Ferrari incarnant l'éclatante réussite du gamin noir qui confia un jour que son vœu le plus cher aurait été d'être blanc. À l'étage inférieur, on est accueilli par la diffusion du concert de l'île de Wight et les expérimentations électriques d'un homme assoiffé de reconnaissance, qui comptait séduire le public blanc, appuyé par sa maison de disques. Psychédélisme des pochettes, électricité furieuse des instruments : l'accrochage plus heurté des salles répond aux secousses d'une époque dans laquelle Davis finira par s'égarer. Un cul-de-sac qui se traduira par un silence de plusieurs années, illustrées ici par un long tunnel sombre dans lequel est offert He Loved Him Madly, cri d'amour désespéré de trente minutes donné en hommage à Duke Ellington, disparu en 1974.
La dernière partie de l'exposition s'attache à montrer comment Davis a su exploiter son image jusqu'à la nausée, de son retour à sa mort. Films de publicité, tenues de gangster dérisoires, mitraillette de pacotille. Le parallèle avec le Gainsbourg usé de la période Gainsbarre, qui couvre les mêmes années (1981-1991), est troublant. Jusqu'à la musique, pathétique tentative de se raccrocher au wagon de la mode, qui favorise alors boîtes à rythme martiales et synthétiseurs criards. Les vitrines exhibant les tenues de la fin de sa carrière, dignes de celles d'un riche souteneur, replongent au cœur d'une décennie dans laquelle Davis s'expose littéralement. Les quelques toiles présentées trahissent l'influence envahissante de Jean-Michel Basquiat. Deux des tableaux de ce dernier illustrent la phase durant laquelle Davis avait rejoint Charlie Parker et Dizzy Gillespie dans les clubs de la 52e Rue, à Manhattan.
Commissaire de l'exposition, Vincent Bessières a prêté son œil d'expert et sa passion sans tomber dans l'hagiographie. « Même après avoir travaillé de longs mois sur ce projet, je ne cerne toujours pas la personnalité réelle de Miles Davis », avoue-t-il humblement.
Alors autant diffuser la musique, ce que ce parcours propose en invitant les visiteurs à brancher un casque d'écoute pour entendre les chefs-d'œuvre inaltérables de la période 1949-1972
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