L’entrée de Clément Lépidis dans la carrière des lettres fut assez atypique. C’est à l’âge de quarante-quatre ans qu’il commença à écrire et à publier. La « révélation » lui est venue tard… sur un lit d’hôpital où il s’ennuyait ferme. Un ami qui lui rendait visite lui offrit un livre d’Henri Miller, et lui, qui jusque-là ne lisait guère, découvrit la passion de la littérature. Sa vie en fut bouleversée. Il quitta son foyer, changea de métier et se mit à écrire… En une trentaine d’années, il devait publier près de trente livres dont plusieurs lui valurent reconnaissance et notoriété.
Dans la période troublée que nous traversons, il est indispensable de saluer son roman "L'Arménien" d’où se dégage le portrait toujours d’actualité des déracinés. L’histoire a pour cadre principal le quartier Belleville où les minuscules ateliers de chaussures tenus par des Arméniens ou des Grecs étaient installés au fond des cours, dans des greniers ou des chambres d’hôtel. Lépidis était aussi "dans la chaussure", rue Piat, avant de se tourner vers l’écriture à partir de 1964. Le héros du livre est un émigré arménien ? Aram Tokatlérian, fraîchement arrivé d’Istanbul chez Milonas, un Grec, dont la fabrique est prospère. Milonas, comme tous les émigrés, souffre de l’exil. Pour se donner du courage et se sentir à sa place dans notre pays, il vante sans cesse la France et en décrit avec emphase les régions et les monuments sans les avoir jamais visités en "scrutant" des cartes postales accumulées dans un tiroir.
Amoureux du Paris populaire il vivait souvent douloureusement les transformations de son quartier bien-aimé. Son oeuvre de romancier touche par sa capacité à restituer la vie de ceux que l’on nomme un peu abusivement les simples gens. Clément Lépidis avait expérimenté trente-six métiers, trente-six misères. Dans l’un de ses tout derniers livres, « les Tribulations d’un commis voyageur », il raconte les aventures d’un adolescent de Belleville qui lui ressemble comme un frère et qui, pendant l’Occupation, fait ses premières armes comme représentant de commerce, vendeur de lames de rasoir, de brosses à dents et de capotes anglaises. Il fut ainsi lui-même tour à tour représentant en produits de beauté, apprenti cordonnier, fabricant de chaussures, photographe… Et c’est dans cette expérience sociale diverse qu’il a puisé la matière picaresque de ses livres. Fils d’immigré, il a connu le racisme, mais aussi la vie partagée des hommes et des femmes d’origines diverses, le brassage heureux des cultures et l’échange des musiques que font les peuples. Il fut un grand ami de Jo Privat, l’accordéoniste, et un passionné de flamenco. Son oeuvre de titi parisien est largement ouverte sur le sud. Elle restera non seulement comme le témoignage d’un Paris en partie disparu, mais aussi comme une expression de la vitalité de l’esprit populaire qui se transforme et ne meurt pas, et surtout comme une affirmation de la fraternité humaine.
Clément Lépidis, né en 1920, est décédé en 1997 mais il reste L’Arménien, Les oliviers de Macédoine, Les émigrés du soleil etc...
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