" Quand l'ordre fut enfin donné de fermer les portes de la ville, cent Parisiens déjà avaient été emportés par la maladie. Négligeable, croyez-le : dix mille devaient les rejoindre à la fosse dans les mois suivants. Ceux qui fuirent furent rattrapés. Ceux qui se cachèrent furent débusqués. Les chroniques du temps ne sont pleines que de cela tant il est incontestable que le pays connaissait là une des plus terribles épidémies de petite vérole de son histoire. »
Ainsi s’ouvre le flamboyant roman de François de Gourcez : un superbe livre d’aventure conçu en quatre cents pages et sept chapitres comme les jours de la semaine et la création du monde.
En cette période de crise et de morosité (à laquelle s'ajoute un risque de grippe), on serait plus porté à lire les blagues de l'almanach Vermot voire les aventures de Pim Pam Poum, question de se payer une bonne tranche de rire, plutôt que cette histoire de la vaccination de la petite vérole au XVIIème siècle. A croire que ce livre pointerait son nez tel une malédiction voire une pandémie pour nous filer une trouille monstre. Et pourtant je vous assure on aurait tort.
Le roman est la biographie imaginaire de ce personnage né en Bretagne au début du XVIIIe siècle au sein d'une famille de petits nobliaux terriens ruinés et dont l'existence hors du commun sera tout entière rythmée par la découverte incomprise de ce qui deviendra, au siècle suivant, la vaccination de la variole, ce fléau de l'Ancien Régime, succédant à la peste.
Car très tôt Qoëlet a le pressentiment d'être sur terre pour accomplir une mission... A seize ans, il quitte son manoir, puis la France pour s'en aller courir les mers. En chemin il y laissera une jambe mais pas sa quête qu’il poursuivra tel le capitaine Achab Moby Dick. Il s'épuise dans toutes les passions humaines - le vin, le jeu, l'argent, l'opium... - et découvre l'amour.
D'une plume alerte, François de Gourcez surfe sur l'écume des vagues pour nous entraîner à la suite de son héros avec des mots simples, des phrases courtes, magnifiquement ciselées qui laissent la part belle à l'imagination plutôt qu'à la description. Avec un sens de l'action et une intensité narrative qui ne faiblit jamais, nous suivons ce juene homme pauvre qui rencontre les grandes figures du XVIIIe siècle et revisite ses événements marquants. Les misères de la vie paysanne en Bretagne, la guerre au côté des Ottomans contre les Impériaux dans les Balkans, l'épidémie de variole à Constantinople, le siège de Pondichéry et l'effondrement de l'Empire français des Indes, l'initiation spirituelle du héros au contact de la civilisation brahmanique, les voyages en Italie et dans la nouvelle France américaine, les querelles entre jésuites et jansénistes à Paris, mais aussi les salons de Mme de Pompadour et de Mme du Deffand, la naissance de l'Encyclopédie, sont autant de tableaux et de scènes qui se lisent avec énormément de plaisir. Qoëlet raconte la vie d'un homme en quête du bonheur. Une quête qui fut aussi celle de son siècle. Entre ombre et lumière. Désenchantement et espérance. Un quête qui continue à nous hanter.
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