"C’est un lieu prestigieux qui va mourir et auquel Christian Poncet, photographe du sursis et gardien de la mémoire, a bien voulu accorder un supplément de vie. Les heures fastes sont révolues, vient le temps de la reconversion : c’est, entre le passé et le futur, le moment fragile qu’a choisi Christian Poncet pour visiter, en noir et blanc, le Haras national d’Annecy. Ou plutôt, ce qu’il en reste. Beauté poignante de ces bâtiments négligés, de ces box silencieux, de ces allées vides, de la carrière de sable fin et du manège sans emploi, comme une église désaffectée. Parfois résonnent encore un claquement de fer, le cliquetis d’un mors de bride, le ronflement d’aise d’un percheron insoucieux ou les coups de marteau méthodiques du maréchal-ferrant. Ce sont les ultimes pensionnaires, hommes et chevaux, qui s’appliquent à vouloir prolonger les lois du théâtre équestre dont ils ont hérité. On amène le fringant et trop impatient étalon pour une dernière saillie. On selle pour une promenade nostalgique. On attelle des voitures d’une époque si lointaine. Peut-être poussera-t-on, ce matin-là, jusqu’aux rives du lac endormi afin de sacrifier à la magie d’un paysage édénique, d’une région chimérique, où l’homme peut à la fois nager, voguer, grimper, skier, galoper et toujours aimer. (...) Il y a quelque chose de poignant dans les très belles photos clandestines de Christian Poncet, auxquelles la brume d’hiver et le givre fin ajoutent une ineffable mélancolie. Car elles ne donnent pas seulement à voir ce que fut, ce qu’est encore le Haras d’Annecy, elles semblent exprimer, ici, l’adieu du monde moderne à la vieille civilisation du cheval.
(...)(...) Mais il manquera bientôt, sur les rives du lac, cette excitante musique où se mêlent les fers cadencés, les trots matinaux, les mors de bride, la forge en activité, les reniflements d’étalons, une musique qui a fait si bien danser les siècles, en Haute-Savoie. Le précieux album de Christian Poncet est un livre de regrets. Qu’on soit ou non cavalier, chacun s’y reconnaîtra."
Jérome Garcin; extrait de la préface.
"Je me suis intéressé au haras d’Annecy, car je savais que ce lieu clos allait être emporté par le temps, et qu’il n’en resterait peut-être que quelques photographies.
Durant trois ans, je me suis immiscé dans la vie quotidienne du haras.Je me suis souvent retrouvé au centre du manège ou la carrière, les pieds embourbés, tournant au rythme du cheval, ou m’affairant à mes appareils tout en esquivant un galop de défoulement, ou en équilibre instable à l’arrière d’une calèche cahotante, ou encore, courant derrière un trotteur pour une improbable image.
Ma pire frayeur restera la fuite furieuse d’une jument refusant l’intervention du vétérinaire, m’obligeant dans un geste salutaire, à me plaquer contre un mur pour éviter l’écrasement."
Christian PONCET
Christian Poncet; Chevaux du lac, éd Autre Vue. 28 €
1 commentaire:
magnifiques photos
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