Comme la couleur du nom le suggère, Deep Purple fut d'abord un groupe psychédélique de l'après-67. Trois albums après vient Ian Gillan. Avec lui, Ritchie Blackmore et Jon Lord ont trouvé la voix qui va assurer à leur petit bolide la propulsion optimale, et en route pour les étoiles – ou les salles pleines d'adorateurs chevelus. Plus Roger Glover à la basse, voilà le Deep Purple que les ados des années 70 ne pouvaient pas ignorer. In Rock était l'un des albums tubes de la salle dite « d'étude », le fumoir du lycée, en fait. J'y allais pour la musique : Led Zep IV, Déjà Vu, Sticky Fingers, Meddle… L'album où les cinq sont taillés dans le Mont Rushmore, je ne l'ai eu que beaucoup plus tard, à cause d'un souvenir lancinant. Quand j'ouvre Hard'n'heavy 1966-1978, sonic attack, l'excellente anthologie signée par Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert (éditions Le Mot et le Reste), je vois qu'ils ont retenu Deep Purple in rock. Mieux, ils se fendent spécialement de quelques lignes sur Child in time. Or le souvenir lancinant dont je parlais, c'est celui-là. On connaît la propension des groupes de hard à balancer, tels des guerriers aspirant au repos (et à écluser une gueuze ?), un gros slow baveux. Child in time n'est pas vraiment de ce tonneau-là. Il démarre mollo, Gillan presque sur le ton de la confidence, puis va crescendo avant d'exploser dans une orgie de hurlements. L'orgue pianoté par Lord annonce un genre de rituel. Un sacrifice ? Qui est cet enfant, pourquoi doit-il baisser la tête alors qu'un aveugle tire à vue sur le monde ? La clé du morceau, c'est Ian Paice, dont le martèlement boum-boum-boum entraîne chaque instrument dans un délire de percussion. A la fin, la chanson n'est que ruines avec planté au milieu Gillan qui s'arrache les tripes et le gosier. Les rares concerts de hard auxquels j'ai assisté me faisaient parfois l'effet d'un stage de cri primal. Souvent les fans avaient l'air aussi doux que la musique était dure. François Gorin.
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