Henry James, son contemporain capital, l'admirait infiniment. Quelques décennies plus tard, c'est Chesterton, guère enclin pourtant à la complaisance, qui chanta ses louanges, plaçant son oeuvre au sommet, plus haut même que celle du génial Thackeray (La Foire aux vanités). Anthony Trollope (1815-1882) continue aujourd'hui de bénéficier, en Angleterre, des faveurs conjointes des fins lettrés et du grand public. Prophète en son pays, donc, mais guère en France, où ne sont traduits qu'une quinzaine des quelque quarante romans qu'il a écrits - notons cependant que, dans le cas des auteurs victoriens en général, et de Trollope en particulier, quinze romans, cela représente environ dix mille pages, de quoi voir venir...
Excellemment traduit par Alain Jumeau - dont on peut lire aussi, paraissant parallèlement, une traduction inédite du superbe Daniel Deronda, ultime roman de la grande George Eliot (1) -, Quelle époque ! est peut-être le chef-d'oeuvre de Trollope. Assurément, le roman le plus caustique et ironique de cet auteur dont l'oeuvre tout entière brosse le tableau d'une société anglaise dont la finance est venue, en ce XIXe siècle, bousculer les moeurs et les règles de vie traditionnelles.
Au centre de Quelle époque ! est Augustus Melmotte, capitaliste à la morale douteuse. Autour de lui, assistant à sa gloire et à sa chute annoncée, une galaxie de personnages savoureux, guère moins ambitieux, guère plus nobles et plus droits. A cette fresque, Trollope instille vigueur, sagacité, précision du détail, intelligence, humour - tout cela, à haute dose. Alors, pour changer un peu, pourquoi ne pas passer l'été en compagnie du plus victorien des Victoriens ?
Nathalie CromTelerama n° 3154 - 26 juin 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire