jeudi 15 juillet 2010

Les aventures de monsieur Pickwick

En 1823 Charles Dickens fait son entrée dans le Londres qui n’a pas encore connu les grandes et nombreuses transformations de l’ère victorienne. En grandissant au cœur cette mégalopole surgissent dans la vie matinale de la cité, les employés et les garçons de bureau, les apprentis balaient les boutiques et arrosent les trottoirs, les domestiques et les enfants envahissent les boulangeries, les diligences rapides accomplissent leurs parcours réguliers. Entourés des cris de Londres clamés par tous ses vendeurs de petits commerces, il croise les bonimenteurs ambulants, les marchandes de quatre-saisons, les vendeurs de pommes de terre au four, de séneçon, de pâtés, de râpe à muscade, de colliers pour chiens, de lacets, d’allumettes chimiques et de peignes et de rhubarbe, les voleurs à la tire, les acrobates, les chanteurs noirs de sérénade. Il côtoie la pauvreté, la saleté, la crasse. Le brouillard, la brume, la fièvre, la folie.
Ses impressions et esquisses nourriront bon nombre de ses nouvelles qu’il publiera sous le pseudonyme de Boz dans des journaux et des magazines qui deviendront les esquisses de Boz en 1832.
Mais la grande vogue est la publication de planches accompagnée d’un texte. Robert Seymour est l’un des plus réputés illustrateurs de l’époque. Sur une série de planches concernant les aventures burlesques de membres d'un "Nemrod Club" il demande à Dickens, inconnu à l'époque, si ce n'est pour avoir écrit quelques esquisses sous le pseudonyme de Boz, de les accompagner d’un texte humoristique. Dickens se paye le luxe de dire oui mais en faisant à la direction la proposition inverse : j'écris, et Seymour illustre. C'était en 1836, Charles Dickens avait vingt-quatre ans.
Publié sous forme de feuilleton, les aventures de monsieur Pickwick connurent un succès quasi immédiat. Le premier numéro fut tiré à 400 exemplaires environ ; à la fin, le tirage s'élevait à 40 000 exemplaires [ "Seymour, dont le tempérament hypocondre souffrait de travailler sous la dictée d'un jeune homme, lui un artiste chevronné, se suicida après avoir dû recommencer une planche." C'est terrible, mais Dickens n'y est pour rien, et les Papiers posthumes du Pickwick Club continuent, avec un autre illustrateur et tout le talent de Dickens.
Initié comme les aventures de quelques membres naïfs et patauds d'un club masculin, il dépasse très vite ce cadre réducteur et devient un vrai roman tournant autour de deux personnages principaux : M. Pickwick, gros monsieur au cœur d'or et à la curiosité sans faille, et surtout son valet, l'inénarrable Samuel Weller.
Ce premier roman contient déjà tous les thèmes que Dickens. Il ne cessera de développer dans son oeuvre, par exemple la critique acerbe de la politique sociale envers les défavorisés, et celle, virulente et moqueuse, de la justice anglaise.Voici donc les aventures et mésaventures de l'inénarrable Pickwick et son valet Sam Weller, feuilleton picaresque ayant pour héros un Don Quichotte bedonnant et un Sancho Panza s'exprimant avec l'accent cockney. Un journaliste écrivait, à propos de ce roman: «Une thérapie de choc par le fou rire, un ballon de gaz hilarant».

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