Le soir de Noël, peu après minuit, Charles Lutwidge Dodgson me prit la main et m’entraîna à sa suite dans le monde qui est le sien. Je m’étonne encore qu’à mon âge cet univers me fut si mal connu. L’éternel enfant qui sommeille en moi ne s’en ai jamais préoccupé plus que cela jusqu’à cette nuit magique, comme le sont les nuit de Noël, ou Isabelle, au pied du sapin, le déposa à mon attention afin que je m’y plonge et y sombre corps et âme.
Cette nuit de Noël, je l’admets, fut d’ailleurs très agitée et mouvementée, non pas à cause des libations alcooliques mais celles bien plus enivrantes de mes lectures. Curieux destin que fut le mien, transporté soudainement à La Charse en Creuse au côté de Mrs. Cogsby, personne aimable, avenante et corpulente qui jardinait par un soir d’été et dont la physionomie ressemblait étrangement à celle de Rosiane, pourtant lasse et alitée, après un mois d'hôpital, dans la chambre voisine. Néanmoins je la retrouvais en excellente forme travaillant à l’entretien de son potager en compagnie d’amis auxquels elle faisait part de ses articles zoologiques sur les Elfes, le Lori, les poichons, la colombe à aile unique sans évoquer hélas, à ma grande tristesse, le Tamatave, dont elle nous avait pourtant vanté les mérites lors de son séjour à l’hôpital sous l’emprise de l’Acupan.
Et si Rosiane n’était autre que cette enfant, cette Alice que Charles Lutwidge Dodgson sous le pseudonyme de Lewis Carroll évoque tant ?
La séance de jardinage achevé, dans la maison sommes rentrés, prendre une bonne tasse de thé. Tout en dégustant le breuvage, l’œil sur la pendule franc comtoise je ne pouvais que penser à ce que Carroll écrivait : « Que vaut-il mieux : une pendule qui est à l’heure une fois l’an, ou bien une pendule qui l’est deux fois par jour ? « La deuxième, répondez-vous sans conteste, » Fort bien, ami lecteur. Faites attention maintenant. »
« J’ai deux pendules : l’une de marche pas du tout ; l’autre retarde d’une minute par jour ; laquelle choisiriez-vous ? « Celle qui retarde, répondez-vous, sans l’ombre d’un doute ». Réfléchissez à présent : celle qui retarde d’une minute par jour devra retardez de douze heures, soit sept cent vingt minutes, avant d’être à nouveau à l’heure. Par conséquent elle n’est à l’heure à chaque retour de l’heure indiquée, ce qui se produit deux fois par jour. Par conséquent elle n’est à l’heure qu’une fois tous les deux ans, alors que l’autre est évidemment à l’heure à chaque retour de l’heure indiquée, ce qui se produit deux fois par jour. »
Quand je sortis de ma léthargie et de la maison « c’était jour de pluie : quelle dégringolade. On eût dit qu’il tombait des pots de marmelade de fraise.» A mon réveil il faisait noir. Combien de temps étais-je resté assis à méditer ainsi sur le temps qui passe ? Ma chute dans le puits avait été si interminable ? J’allumais donc et sur un coin de table vis que les œuvres de Lewis Carroll restaient sages avec une marque page à m’attendre. Il était six heures du matin mais aussi jour férié. Alors je plongeais la tête sous la couette et la pièce dans l’obscurité pour faire avec Rosiane, le lapin blanc et le Tamatave une course à la comitarde échevelée.
1 commentaire:
vous me donneriez presque envie de découvrir lewis carroll !
votre enthousiasme est contagieux !
sophie (des grigris)
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