Comment faire un film sur la société du spectacle après le Opening night de John Cassavetes ? Cela semble, en effet, une tâche particulièrement ardue après la splendide fresque réalisée par le maître du cinéma indépendant américain. Une fois de plus, c'est une Gena Rowlands époustouflante qui s'accapare du rôle principal, celui de Myrtle Gordon, une célèbre comédienne. Myrtle est la vedette d'une pièce de théâtre dans laquelle elle incarne une femme viellissante. Un soir, elle assiste à la mort d'une admiratrice qui tentait de l'approcher. Choquée, Myrtle refuse de jouer son rôle plus longtemps. La troupe qui l'entoure essaye de lui faire changer d'avis mais les hallucinations et les crises dont souffre l'actrice deviennent de plus en plus régulières. Et le soir de la première approche. Comme dans Une femme sous influence, John Cassavetes explore la fragilité d'une femme, ce coup-ci d'une comédienne. Son héroïne, tantôt monstrueuse tantôt incroyablement humaine, tente d'exorciser le fantôme d'une jeune morte et l'angoisse du vieillissement. Une descente aux enfers et une intensité dramatique qui laissent le spectateur troublé. Opening night est l'un des plus beaux portraits de femmes jamais réalisés au cinéma. Gena Rowlands offre à la caméra aimante de son époux un mélange bouleversant de force et de fragilité. Certaines images demeurent inoubliables comme ce plan de Myrtle, seule dans la foule new-yorkaise, ivre, angoissée et pourtant décidée à affronter son choix, celui de la vie.
Fils d'un homme d'affaires grec, John Cassavetes abandonne vite ses études pour rejoindre l'American Academy Of Dramatic Arts. Acteur de télévision au début des années 1950, il fonde en 1957 un atelier de perfectionnement d'acteurs à New York. Il tourne en 16 mm un exercice d'improvisation qu'il finance en lançant une demande d'emprunt dans une émission de télévision.
Carrière au cinéma
En 1955, John Cassavetes débute au cinéma comme acteur avec Nuit de terreur d'Andrew L. Ston. Il enchaîne les films (Face au crime, 1956, de Don Siegel ; L'homme qui tua la peur, 1957, de Martin Ritt ; Libre comme le vent, 1958, de Robert Parrish) avant de passer de l'autre côté de la caméra. En 1960, il réalise Shadows. Le thème, l'amour entre un Blanc et une jeune noire, est approché du point de vue de la communauté noire. Interprété par des inconnus, le film se distingue par une large place laissée à l'improvisation. Photographié en extérieurs réels, il porte l'empreinte d'une nouvelle écriture cinématographique : le plan long, débarrassé des ellipses narratives, plié au rythme du langage parlé. Le montage même n'échappe pas à cette règle d'un travail en perpétuelle évolution. Un détail qui a son importance : la musique souligne à merveille le swing de la caméra. Ce premier film devient le porte-drapeau de la nouvelle vague américaine. Too lates blues (1961), qui raconte la déchéance d'un joueur de jazz idéaliste, est critiqué à sa sortie par son producteur, la Paramount. Un enfant attend (1963), dernière apparition de Judy Garland à l'écran, suscite les mêmes réticences. En 1967, John Cassavetes joue dans The Dirty dozen de Robert Aldrich, puis, en 1968, dans Rosemary's baby de Roman Polanski. Il revient ensuite à un cinéma artisanal, hors Hollywood. Faces (1968), réalisé sans argent, constitue un de ses chefs-d'oeuvre. Ce tableau de la faillite des rapports conjugaux représente 6 mois de tournage et 2 ans et demi de montage. L'intensité du jeu des acteurs résulte d'une totale spontanéité d'expression. La caméra traque et interprète les moindres mouvements du visage comme des intentions possibles, révélatrices de désirs cachés. Reconnu, Cassavetes entre dans une période faste. Il tourne Husbands (1970), la dérive de trois hommes mariés avec Peter Falk et Ben Gazzara ; Ainsi va l'amour (1971), Une femme sous influence (1973) où Gena Rowlands incarne une mère déchirée entre plusieurs rôles. Gloria (1980), un polar tourné à New York, est son plus grand succès public. Gena Rowlands y interprète une comédienne ratée et traquée par la Mafia. Meurtre d'un bookmaker chinois (1976), dans la même veine, met en scène Ben Gazzara en propriétaire d'une boîte de strip-tease dans un Los Angeles hanté par des tueurs. Après Opening Night (1978), réflexion pirandellienne sur le théâtre ou la vie, Cassavetes reçoit la consécration pour Love Streams (1983). Adapté d'une pièce de théâtre, le film dresse un bilan du couple Cassavetes-Rowlands. Le cinéaste y développe ses thèmes traditionnels : la mort, la folie, la solitude. Après Big trouble (1985), Cassavetes, malade, commence Begin the Beguine avec Peter Falk et Ben Gazzara. Il meurt brutalement en 1989. (La Cinémathèque française)
OPENING NIGHT ARTE le 9 décembre 2009 à 23h25; le 11 à 14h45.
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