lundi 7 février 2011

Post coitum animal triste de Brigitte Rouan

ARTE LUNDI 7 20H40
Un coup de foudre. Rien à expliquer. Et pourtant, c'est spectaculaire, la passion, quand elle submerge du jour au lendemain une existence rangée, balisée, heureuse même, et remet tous les compteurs à zéro. Il n'y a rien à expliquer, et c'est ce qui, évidemment, a poussé Brigitte Roüan à y aller voir de plus près. De très très près. Dans Post coitum..., tout se joue à fleur de peau. On y sent palpiter les émotions les plus ténues, mais on y découvre aussi les cicatrices profondes que peut laisser un bonheur trop violent et qui vient trop tard pour durer. Diane a 40 ans, un job de directrice littéraire dans une petite maison d'édition qui la passionne, un mari avocat et deux enfants qui la comblent. Ce qui arrive à Diane, un beau jour, sans prévenir, c'est Emilio. Vingt ans de moins qu'elle, très (trop ?) beau, drôle, libre comme l'air. Elle ne se pose pas de questions, pas encore : elle « plonge ». Une espèce de raz de marée. Elle est dépassée. Transportée. « Sur un petit nuage », comme on dit. Comme Brigitte Roüan s'amuse à le montrer au sens propre, à l'aide d'un truquage naïf qui glisse un petit grain de fantaisie désuète dans une aventure violente, où les sentiments sont chauffés à blanc. Une aventure, surtout, vouée à l'échec. Car c'est l'échec, forcément, qui guette Diane. Elle a « une vie d'avance » sur Emilio. Un beau matin, Emilio rompt. Fini. C'est vertigineux. On peut même, dans une situation pareille, souhaiter mourir... Cette histoire n'en est pas vraiment une, tant le cinéma semble en avoir exploré toutes les variantes imaginables. Pourtant, Brigitte Roüan donne souvent l'impression de réinventer des situations archiconnues et de pratiquer avec une liberté renouvelée les figures imposées de l'amour fou et du chagrin d'amour. C'est qu'après avoir beaucoup hésité (voir interview ci-contre), elle a décidé de jouer elle-même le rôle de Diane. Choix décisif : Brigitte Roüan l'incarne avec une formidable énergie et des trésors de sincérité. Elle se livre avec une rare générosité. Dans l'extase comme dans la souffrance, dans le bonheur béat comme dans la déprime, elle ose, elle s'expose, comme si elle risquait sa propre peau. La réalisatrice décortique minutieusement des états d'âme que la comédienne traduit avec une finesse sans défaut. Ce beau portrait de femme au bord du précipice, ce morceau de quasi cinéma-vérité, teinté d'assez d'humour et d'autodérision pour désamorcer les pièges du mélo, n'a qu'un défaut : il est si fouillé, si convaincant, qu'en comparaison, les personnages qui l'entourent ont souvent l'air d'esquisses inachevées. A l'exception du mari trompé, qu'on voit peu mais qui échappe heureusement à toutes les conventions (Patrick Chesnais, tout en douleur rentrée et dignité blessée, est parfait), le film perd un peu de son acuité quand il s'éloigne des (délicieux ou affreux) tourments de l'héroïne. Le jeune amant (un nouveau venu, Borris Terral) reste flou : on n'en sait guère plus sur lui quand il sort de la vie de Diane. Quant au monde de l'édition, on n'y rencontre que de banals ectoplasmes, un auteur en panne d'inspiration et un éditeur obsédé par le prix littéraire à décrocher. Ces petits dérapages annexes, ces raccourcis maladroits, ainsi qu'une histoire secondaire à peine ébauchée et qui n'ajoute rien de décisif, tout cela s'estompe, finalement, emporté, comme les repères de Diane, dans la tourmente. Une belle et dangereuse tourmente, où il n'y a rien à expliquer peut-être. Mais où Brigitte Roüan a révélé, mine de rien, une réelle habileté à cerner l'inexplicable... - Un film magnifique.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je suis d'accord avec vous, ce film m'a beaucoup touché.