samedi 8 janvier 2011

Gide, Voyage au Congo (1927)

N’ayant jamais fait d’études et encore moins littéraires, ce que je connaissais d’André Gide tenait en peu de mots, associés aux présupposés concernant l’individu et sa sexualité. En 1990 j’avais lu, avec beaucoup d’admiration, son roman « Les Faux Monnayeurs », roman polyphonique qui nous conte l'histoire d'un adolescent révolté croisant le destin de curieux personnages et qui s’avère être aussi une traque, livré au mensonge et à l'hypocrisie. Et depuis rien. Sans rien en connaître donc, me voila lancé dans la lecture de son journal intime qu’il tint de 1887 à 1950 mêlé de souvenirs dont ce voyage au Congo qu’il fit en compagnie du cinéaste Marc Allégret.
Parti le 18 juillet 1925 de Bordeaux c’est un long voyage de plus de dix mois à travers l'Afrique équatoriale française et le Congo belge pour le compte du ministère des colonies : une "mission" acceptée avant tout pour ce qu'elle offrait d'officiel et donc de facilités pour voyager dans ces pays. Le Journal de Gide s'expatrie dans Voyage au Congo et Retour du Tchad. Leur itinéraire les conduit du Cameroun en actuelle République démocratique du Congo, du Tchad en République Centrafricaine (ancien Oubangui-Chari). Ils rencontrent les officiels coloniaux mais aussi les populations locales. Et si André Gide, dans son « Voyage au Congo – Retour du Tchad » s'attache à la description de la faune et de la flore exotiques, Marc Allégret s'intéresse particulièrement aux hommes et aux femmes qu'il rencontre, les photographie et les filme dans leur vie quotidienne, leur habitat et certaines de leurs coutumes qui ne manquent pas de le fasciner, notamment les danses.
L’ouvrage de Gide est considéré comme l'un des premiers à critiquer le régime colonial. Gide y dénonce les horreurs commisent par les grandes compagnies qui exploitent le caoutchouc et pour ce faire les populations, les massacrant sans hésiter pour asseoir leur autorité. Cela sans pour autant idéaliser l'homme noir - Gide n'est pas à l'abri de certains préjugés racistes de son époque même si son "Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête" deviendra fort célèbre. Ce qui donnera aussi du poids à son plaidoyer, c'est qu'il ne condamne pas le colonialisme en bloc, saluant au passage les comportements plus "humains" de certains gouverneurs et leur bon travail.
A sa parution l'ouvrage fit scandale par les nettes accusations qu'il apportait contre les grandes compagnies concessionnaires, exploiteuses et massacreuses d'indigènes; les observations de Gide sur l'exploitation économique, la répression cruelle, l'incurie des administrateurs, la nonchalance criminelle ou les exactions des « civilisés », colons et militaires, avaient d'autant plus frappé qu'elles venaient d'un écrivain que les lettres bourgeoises honorent, et dont l'œuvre et la vie semblaient jalousement se maintenir dans un refus hautain de la réalité quotidienne et sociale.
A la fin du livre, André Gide a joint des « appendices » qui sont le complément de la polémique engagée entre lui et les représentants de la Compagnie Forestière Sanga-Oubangui, mise en cause par Gide pour les « abominables abus » dont elle était responsable dans les territoires soumis à son pouvoir.

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