samedi 23 janvier 2010

Alix & Lefranc orphelins

Jacques Martin. Crédits photo : AFP
Le père d'Alix et de Lefranc, ancien collaborateur d'Hergé, s'est éteint à l'âge de 88 ans, en Suisse. Son visage évoquait celui d'un empereur romain. Jusqu'à la fin de ses jours, Jacques Martin fut l'un des derniers représentants de la «ligne claire» chère à Hergé. Très éprouvée, c'est sa fille Frédérique qui a déclaré que son père était mort dans son sommeil des suites d'un œdème pulmonaire. Compagnon de route du créateur de Tintin durant une dizaine d'années à l'époque du Journal de Tintin, puis du studio Hergé, avenue Louise à Bruxelles, Martin clamait haut et fort qu'il avait apporté beaucoup aux aventures de Tintin et Milou, notamment dans L'Affaire Tournesol.

Né à Strasbourg en 1921, cet Alsacien de cœur, devenu belge depuis plus de trente-cinq ans, restait toujours intarissable sur sa ville natale. Son sourire était décidé et son regard conquérant. Pourtant, l'homme n'y voyait presque plus. Depuis plus de vingt ans, le père d'Alix était atteint d'une maladie des yeux, la macula, qui l'avait quasiment rendu aveugle. Comme tout dessinateur de bande dessinée de la grande époque, Jacques Martin a fait des études aux Arts et Métiers en Belgique, pays où il s'est également marié. Juste après la guerre, en 1946, Martin commence à publier ses premiers dessins.

Au sein du journal Tintin, il fait la connaissance des maîtres de la «ligne claire» comme Hergé et Edgar P. Jacobs. Avec eux, il devient rapidement l'un des représentants de l'école dite de «Bruxelles», connue notamment pour son réalisme et sa minutie. À partir du 16 septembre 1948, il publie dans les pages de Tintin les aventures d'un jeune héros romain, l'intrépide Alix, et de son acolyte Enak, deux envoyés extraordinaires de Rome à qui il prête vie depuis plus d'un demi-siècle. Avec cette série antique, la première du genre, cet infatigable raconteur d'histoires crée un formidable péplum de papier, jamais égalé depuis lors. En 1953, Martin intègre le studio Hergé et travaille sur plusieurs histoires de Tintin. «L'Affaire Tournesol, c'est moi !» déclara-t-il, en 1998, dans les colonnes du Figaro, précisant qu'il avait «même reçu des lettres de félicitations de la main d'Hergé pour le prouver. J'ai aussi travaillé sur Les Bijoux de la Castafiore, où j'ai introduit le gag de la 2 CV avec les Dupond(t). C'était au temps où Hergé avait fait spécifier par contrat qu'il devait dessiner “les têtes et les mains” de ses personnages. Mais, tout cela, je m'en fiche éperdument. Ce dont je me souviens, ce sont surtout les vingt années que j'ai passées à ses côtés au sein des Studios Hergé.»

À l'époque, Martin élabora même un scénario inédit pour le reporter du Petit XXe. L'histoire se situait en plein océan Arctique. Tintin recevait un message de détresse d'une exploration abandonnée dans l'archipel du Spitzberg. Les survivants atteints de botulisme, le reporter à la houppette s'engageait alors dans un «match-poursuite» pour leur apporter de la strychnine. L'histoire resta cependant dans les cartons du dessinateur.

Entre-temps, Martin crée le person­nage du journaliste Guy Lefranc, double contemporain d'Alix. Après avoir contracté sa maladie oculaire, Martin, plus que jamais soucieux de voir son œuvre poursuivie après sa mort, forme de jeunes dessinateurs capables de poursuivre son travail. Avec plus de 70 albums de bande dessinée vendus à près de 6 millions d'exemplaires, on ne peut que constater qu'il a eu raison. Et l'on ima­gine facilement le sourire victorieux du gladiateur Martin à la fin d'un combat dans l'arène.

Ave Martin ! Ceux qui te lisent te saluent. Et continueront longtemps. Olivier Delcroix

1 commentaire:

Pier Paolo a dit…

Bonsoir,
J'ai passé de très bons moments sur votre blog. Il est émouvant, nostalgique (souvenirs de famille, les beatles...) ; les photos sont magnifiques, notamment celles de Marrakech par l'intermédiaire desquelles j'ai découvert votre blog.