jeudi 2 octobre 2008

Les Grandes espérances de David Lean

Le père Gallois et mon père introduisirent sans vraiment s’en rendre compte le monde merveilleux du cinéma au cœur même de notre salle à manger. Sur le meuble nouvellement acquis pour l’événement, ils installèrent au-dessus du Radiola un gros téléviseur. Une seule et unique chaîne en noir et blanc et encore peu de programmes. Le dimanche aux alentours de dix sept heures l’O.R.T.F. Diffusait un film tout public. Là, installé sur ma chaise, j’ai avalé sans m’en rendre compte, bon nombre de chefs d’œuvres du 7ème Art. De ce film, j’avais depuis longtemps oublié le titre et le réalisateur ainsi qu’une bonne partie de l’intrigue. Je ne me souvins que de cette étrange et excentrique vieille dame recluse dans son manoir et ayant arrêté le temps depuis que son fiancé l'avait abandonnée au jour même de son mariage. Restait gravé aussi le regard fascinant de la jeune fille, sans que je me doute qu’il s’agissait d’Estella jouée par Jean Simmons ou encore la silhouette du sinistre bagnard dans les marais qui ouvre le film.
Facilement impressionnable j’ai été hanté des années durant par une scène jugée terrifiante aux yeux de l’enfant que j’étais, celle d’un jeune homme arrachant de très hautes tentures poussiéreuses des fenêtres afin de faire pénétrer la lumière du jour et le corps de la vieille dame excentrique devenu la proie des flammes. Miss Havisham a toujours exercé, même aujourd’hui, un étrange pouvoir sur moi. La crainte qu’elle procure à Pip ainsi que l’espoir déçu de ses Grandes Espérances n’est-elle pas une image romancée de ma propre mère ? je n’en sais rien.
Il faudra que j'en parle un de ces jours à mon copain Sigmund.
Si le cinéma à la télévision est comme la reproduction d’une œuvre d’art en carte postale, il n’en reste pas moins que la magie du cinéma a joué pleinement son rôle même lorsqu’un jour l’adulte visionna avec la même terrifiante émotion la scène gravée en son subconscient.

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