Voyage aux confins du Sahara occidental : retrouver les origines de Jemia, l'épouse sahraouie de l'écrivain qui évoque la mémoire de ce pays.« De ce voyage vers la Saguia el Hamra, nous avions parlé depuis la première fois que nous nous étions rencontrés. Les circonstances, nos occupations, nos préoccupations familiales, ainsi que la situation troublée dans laquelle se trouvait une grande partie du territoire des nomades Aroussiyine avaient rendu ce retour improbable, voire impossible. Et voici que tout d'un coup, alors que nous n'y songions plus, le voyage devint possible. Il était venu à nous quand nous ne l'espérions plus. Nous pouvions en parler d'une façon très simple, comme s'il s'agissait de visiter une province lointaine. Entendre parler les Aroussiyine, les approcher, les toucher. De quoi vivaient-ils ? Avaient-ils toujours des troupeaux de chameaux et de chèvres, élevaient-ils toujours des autruches ? Combien étaient-ils ? Avaient-ils changé au cours des siècles, depuis que Sidi Ahmed el Aroussi avait fondé la tribu ? Nous voulions entendre résonner les noms que la mère de Jemia lui avait appris, comme une légende ancienne, et qui prenaient maintenant un sens différent, un sens vivant : les femmes bleues; l'assemblée du vendredi ; les Chorfa, descendants du Prophète; les Aït Jmal, le Peuple du chameau ; les Ahel Mouzna, les Gens des nuages, à la poursuite de la pluie. Nous sommes partis sans réfléchir, sans savoir où nous allions, sans être même sûrs que nous y arriverions. » (Jemia et J.M.G. Le Clézio) « Humilité d'écrivain, J.M.G. Le Clézio a adopté un style aussi équilibré, précis, clair, que peuvent l'être les gestes et les expressions des peuples qu'il décrit. Il n'y a pas d'emphase, tout est mesuré et sonne plein. Le souvenir se lit comme un roman, coupé d'agréables et utiles récits historiques qui contribuent probablement à disposer le lecteur dans un climat rétrospectif plus dense : l'histoire de ce désert qui est découvert et révélé, c'est le tissu de tous ces gestes, bassesses ou héroïsme, légendes ou faits d'actualité droit sortis du passé. Et cette noce mystique entre Jemia et sa terre originelle ressemble à une danse immobile, dont J.M.G. suit attentivement les figures, sans jamais rien qui pèse ou pose, avec l'allégresse jubilante de l'explorateur qui découvre, au delà des paysages et des contrées, une autre qualité d'hommes, et sa remarquable stature. » (Extrait d’un article de Khaled Elraz)
Gens des nuages. Jemia & J-M G. Le Clezio, photos Bruno Barbey. Folio
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