Un honnête homme est mort. C’est ce qui s’est écrit dans l’ensemble de la presse. C’est ce qui s'est dit dans l’ensemble des médias. Ce ne fut pas toujours le cas. L’honnête homme à l’engagement militant refusait la révérence devant les puissants, l’hymne à la modernité mercantile. Attaché à la vie des gens simples il a souvent été mis à l’index par une ordinaire pourriture qui s’incline aujourd'hui devant le cadavre de l'honnête homme.
Dans les années soixante, il arrivait au type bien de passer à la radio. Moi, il me laissait indifférent. A l'époque, je pensais que la radio ne diffusait que des chanteurs de vieux. J’avais douze ans. On peut comprendre mon manque de discernement. Puis il y avait papa qui sifflait souvent les chansons du type bien en se rasant le week-end. Comme le type bien, papa a toujours été un compagnon de route. Ma mère soutenait le Général. Mon père restait fidèle au Parti des ouvriers.
Pour ma part, après un long passage à vide et des années sur les mers du monde, j’eus mes années militantes. Ferrat appartenait aux incontournables. Le chanteur engagé comme on disait à l’époque, souvent interdit de plateau télé, parfois invité à la sauvette parce qu’il était quand même populaire. C’est qu’on ne savait pas trop de quel contrepied il menaçait les critiques ni de quelle déclaration il était capable. Engagé du côté communiste, certes, lui dont le père juif avait péri en camp de concentration. « Compagnon de route » qui ne fut pourtant jamais encarté. Alors, il critiquait le PCF mais il se sentait solidaire : « Serrons les coudes camarades », fallait-il dire quand le Parti était attaqué et victime d’un « anticommunisme primaire », autre expression contemporaine.
Les classiques de Ferrat sont des chansons qui dérangent et provoquent des débats sur les dérives staliniennes, la guerre du Vietnam, Mai 68, l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques... L'ORTF censure ce compagnon fidèle du PC ; il lui rend la pareille : on ne le verra plus à la télévision, ou rarement. Interprétées d'une voix forte et enveloppante, ses chansons rassemblent les opprimés, les méprisés, les exclus. « Je n'ai pas été un grand militant, mais j'ai participé à des actions pour défendre nos droits. Et j'ai appris aux jeunes qu'il fallait résister jusqu'à son dernier souffle. »
l’autre matin, en me rasant je sifflais entre mes dents « Ma môme » une des mes préférées. Celle que sifflait papa.
1 commentaire:
....et bien moi je n'ai pas parlé de jean ferrat sur mes grigris et je le regrette ....
je ne sais même pas comment j'ai pu rester si longtemps sans l'écouter
heureuse de le trouver aujourd'hui chez vous, chez st loup ....
sophie
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