Libération a consacré dernièrement trois pages avec plusieurs encadrés à un documentaire en deux parties pour France 2, La zone extrême, sur les dangers de la téléréalité qui sera diffusé mercredi 17 mars.
Le documentaire réalisé à cet effet s’appuie sur une expérience effectuée aux Etats-Unis, de 1960 à 1963, par le psychologue américain Stanley Milgram. Dans cette expérience, un individu était fermement invité par le responsable du laboratoire à infliger à une autre personne des secousses électriques de plus en plus fortes lorsque ce dernier fournissait de mauvaises réponses à ses questions. En réalité, aucun choc électrique n’était infligé, mais le cobaye l’ignorait. L’expérience avait montré que 62,5 % des sujets n’hésitaient pas à infliger la décharge maximum, 480 volts. Pour son documentaire, Christophe Nick a simplement transposé l’expérience de Milgram sous forme de jeu télévisé, dans l’esprit des émissions de téléréalité. Il s’agit de montrer que l’autorité d’un animateur de télévision peut pousser un candidat à commettre des actes qu’il croit être de torture. Le quotidien Libération, qui a pu suivre une partie du tournage, se montre dubitatif. Christophe Nick, par ailleurs auteur de la série documentaire Chroniques de la violence ordinaire, « use pour son documentaire anti-téléréalité des mêmes moyens contestables que ces émissions qui poussent leurs participants, volontaires, à explorer leurs bas-fonds », estime Paul Quinio dans son éditorial. « A la place du scientifique, une animatrice, Tania Young. Mais elle a la même fonction d’autorité et d’ailleurs quasiment les mêmes phrases types à prononcer que dans l’expérience de Milgram. Quand le candidat hésite à balancer le jus, elle dit, dans l’ordre, afin de le pousser à poursuivre : “Ne vous laissez pas impressionner, il faut continuer”, suivi de “Vous devez continuer, c’est la règle”, puis “Continuez à poser les questions, nous assumons toutes les responsabilités”, et enfin l’ultime “Vous ne pouvez pas empêcher Jean-Paul [en fait un comédien] de gagner, le public est d’accord”. Et l’animatrice d’en appeler aux vivats de la foule du studio… De la même façon, les hurlements de Jean-Paul, enregistrés, sont, à chaque nouvelle édition, rigoureusement identiques et interviennent strictement au même moment », décrit l’article de Libération.« Les données devront être dépiautées, affinées mais, en deux semaines de Zone Xtrême, selon les premières constatations, 80 % des candidats sont allés au bout, croyant infliger la décharge de 480 volts. Jean-Léon Beauvois [professeur de psychologie sociale] agite sa grosse barbe. Il n’en revient pas : « Je ne pensais pas que la télévision était une autorité légitime, comme l’est la science dans l’expérience de Milgram, je pensais que la télé ne pouvait pas prescrire. J’ai la preuve que j’avais tort. » Les journalistes de Libération Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos estiment que « le spectacle vu des coulisses ou de la régie est perturbant: sur les cinq enregistrements auxquels nous avons assisté, seuls deux candidats ont désobéi et refusé d’aller au bout, dont un lâche un superbe “C’est moi qui pousse les manettes, c’est moi qui suis filmé et donc j’arrête” ».Dans son communiqué, France 2 souligne qu’« il ne s’agit en rien d’un programme de téléréalité». « Les documentaires qui seront diffusés lors de la soirée spéciale consacrée à ce sujet doivent permettre de comprendre les mécanismes de cette forme de télévision, le comportement des candidats, celui du public et enfin, celui des téléspectateurs et leurs rapports aux programmes extrêmes », assure la chaîne. France 2 précise enfin que les « résultats bruts » du tournage de Christophe Nick, auquel ont participé 80 candidats et qui a respecté « totalement » les conditions éthiques imposées par les scientifiques associés au projet, « doivent maintenant être analysés ». Les résultats ne seront pas officialisés « avant plusieurs mois ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire