vendredi 13 mars 2009

Welcome de Philippe Lioret

Ça n’est pas faire injure à Calais d’affirmer que ce n’est pas exactement la cité la plus riante du pays. Au climat, déjà pas folichon (la seule ville de France où les gens sont capables de boire des verres en terrasses sous la pluie, galèje-t-on) et à l’âpreté du contexte socio-économique (le chomage y prospère), s’est superposée une autre donnée douloureuse et complexe : l’afflux de réfugiés désireux de franchir la Manche, direction l’Angleterre, où ils escomptent trouver le salut. Seulement, on connaît la réalité : censé figurer une issue de secours, Calais se transforme en cul-de-sac où s’entassent les misérables.
Bétail. Entre Nulle part terre promise (pas encore sorti) d’Emmanuel Finkiel, 14 Kilomètres de Gerardo Olivares, Import Export d’Ulrich Seidl ou Eden à l’Ouest de Costa-Gavras, le cinéma européen accumule ces temps-ci les projets qui, modulant la rage sur un ton tour à tour grinçant ou tragique, investissent la question de la détresse individuelle autour de ces mouvements opaques. Porté par le succès de Je vais bien ne t’en fais pas, Philippe Lioret apporte sa pierre à l’édifice. Signe particulier, Welcome opte pour un surplace tournant autour de la rencontre de deux hommes mus par une vie sentimentale contrariée qui les incite à se surpasser : le premier, maître nageur à la piscine locale, vit mal la séparation d’avec sa femme ; le second, jeune Kurde, veut tout tenter pour partir à Londres rejoindre celle dont il s’est naguère entiché. Y compris traverser la Manche à la nage. Les deux vont se jeter à l’eau, quoique différemment.
D’abord générique, le film documente une réalité implacable (clandestins traités comme du bétail, hostilité de la population locale, justice expéditive), puis cerne le cas particulier. Sans trop tomber dans le panneau de l’argumentation démonstrative, Lioret jugule astucieusement le potentiel «romanesque» du sujet, pour s’en tenir à l’exposé serré d’une situation qui laisse au fond peu de place à l’espoir.
Fataliste. De même, à travers une observation fataliste et minutieuse des comportements brouillant les codes manichéens (un réfugié qu’on héberge et qui vole quand même une médaille d’or sur une étagère, un flic ferme mais qu’on devine modérément fier de sa mission), Welcome maintient sans ciller le cap du drame social révoltant, plutôt que componctueux. A nouveau l’œil en berne - quelques semaines après le moins plausible Pour elle -, Vincent Lindon fournit une prestation irréprochable. Comme souvent.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

superbe analyse ....vous avez la plume brillante dans bien des domaines .....
sophie (des grigris)