Quand Bach se délecte de l’obligation qui lui est faite d’exposer l’harmonie par le biais mélodique (autrement dit, d'égrener au violoncelle chaque note d'un accord qu'il aurait touché au clavecin), cela donne l'un des monuments absolus de la musique de chambre ; quand Jean-Guihen Queyras se délecte de cette “irrésistible vitalité” sur son violoncelle Gioffredo Cappa de 1696, cela donne l'un de ses disques les plus aboutis ! Bonus DVD : le film de la Troisième suite dans son intégralité et le making of de cet enregistrement.
Pour tout violoncelliste, les Suites de Bach sont une bible de chevet - six tables de la loi, ajointées selon une marqueterie invariable : prélude, allemande, courante, sarabande et, avant la gigue finale, menuet, bourrée ou gavotte. « Elles m'accompagnent depuis qu'on m'a mis un archet entre les mains, il y a vingt-neuf ans », confirme Jean-Guihen Queyras, 40 ans, dans le DVD joint à son enregistrement, réalisé au printemps dernier dans une petite église du Bade-Wurtemberg.
Ces fidèles amies de trente ans le récompensent aujourd'hui de son assiduité en lui offrant une palette infinie de couleurs, une gamme inépuisable d'expressions - de la solidité terrienne de la première au recueillement spéculatif de la cinquième, de la sombre gravité de la deuxième à la joie solaire de la dernière. « Pas une mesure qui ne recèle une invention, un trait fulgurant d'inventivité », se réjouit l'ancien soliste de l'Ensemble Intercontemporain, que la liste d'enregistrements prestigieux de ces Suites - du mythique Pablo Casals au vétéran Anner Bijlsma - a longtemps dissuadé de graver sa propre version. Et l'école française de violoncelle a donné de valeureux interprètes dans ce répertoire, Paul Tortelier ou Maurice Gendron jadis, Marc Coppey ou Jérôme Pernoo aujourd'hui. Ce qui distingue Jean-Guihen Queyras, outre son jeu d'archet digne d'un maître d'escrime, c'est la leçon reçue des compositeurs contemporains. De Luciano Berio, que la virtuosité n'est pas seulement prouesse physique, mais dextérité cérébrale, perspicacité de l'intelligence. De Pierre Boulez, que la réserve de l'interprète, sa pudeur, son tact, grandissent la liberté d'émotion de l'auditeur. Le mélange d'humilité et de panache, de noblesse et d'espièglerie dont témoigne le jeu de Jean-Guihen Queyras, c'est peut-être ce qu'on appelle tout simplement la grâce. (sources Harmonia Mundi, Télérama)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire