jeudi 19 mars 2009

François par Béranger 8

La logique promotionnelle veut qu'un chanteur fasse de la scène. Ça explique l'ambiance de mise à mort qu'on ressent en regardant certains débutants : ils ont autant envie d'être là que sur la chaise électrique! Malgré mon expérience théâtrale antérieure (La Roulotte) je n'ai aucune envie - consciente – de remonter sur scène. Je pense que la plaisanterie s'arrêtera après quelques enregistrements et qu'on passera à autre chose. La suite m'a donné tort. La demande du public, après Tranche de Vie, se fait de plus en plus pressante.
Chanter devant des gens est la seule justification - s'il en faut une - de ce métier. Pratiquer la scène, c'est être confronté à la diversité permanente : aucun concert n'est semblable à un autre; aucun public n'est le même qu'hier. La décontraction, la confiance en soi, la faculté d'improviser viennent avec l'expérience. J'ai commencé raide comme un bout de bois, enchaînant mes chansons sans transition, sans présentation, aussi à l'aise qu'un ours sur un fil. Mais prudemment! Avec deux ou trois chansons d'abord. Puis un quart d'heure. Une demi-heure. Une heure. Une façon progressive de vérifier que les gens ne s'emmerdent pas puisqu'ils en redemandent! Finalement, après trois ans d'expérimentation sur le tas, je mis au point mon standard de croisière : un spectacle de deux heures. L'ours bourré de trac des débuts découvrit que chanter est un plaisir physique. Le plaisir de donner de la voix. De se donner tout simplement. Les petites formations acoustiques de mes débuts me laissent un souvenir de travail inachevé, manquant d'efficacité. Il est vrai qu'on traversait la grande période folk et que ça passait bien. Mais je veux donner à mes chansons, d'inspiration urbaine selon moi, un environnement musical qui leur corresponde : la musique électrique. La rencontre, en 1973, avec Alarcen m'en donne l'occasion. Jean-Pierre Alarcen est un guitariste génial. J'emploie le terme à dessein. Un vrai musicien, à la technique sure et variée, qui sait rester à l'écoute de la chanson. Alarcen vint, avec sa guitare, son talent, sa gentillesse et son humour. Il vint aussi avec sa sono et son camion..., apports techniques inestimables que nos moyens financiers à l'époque nous interdisaient.
Quand j'ai connu Alarcen son intention était d'arrêter le métier. Ses expériences passées, déjà nombreuses, l'avaient dégoûté du showbiz. Son projet était... de faire des livraisons avec son camion (reliquat avec la sono, d'un groupe qui n'avait pas marché). C'était un pur et dur - il l'est resté - résolu à ne pas transiger avec l'idée qu'il avait de la musique. Cette intransigeance explique en partie qu'il n'a pas fait la carrière qu'il aurait pu faire. Cette rencontre , la constitution d'un groupe électrique, furent pour moi un grand bond en avant. On restera cinq ans ensemble.
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