Mon père et moi-même sommes les dernier de la table
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Ceux qui me connaissent le mieux se demandent bien dans quel billet j’évoquerais le Pioch’, ce lieu mythique de ma jeunesse. Pour eux qui en ont si souvent entendu parler, il est impensable que je ne m’y soit rendu, ni ne l'évoque dans cette chronique "hors saison" sur Servian.
Pour les autres, qui n’en ont jamais entendu parler ou qui ne le situe pas bien dans leur esprit, du village de Servian, à hauteur du cimetière vieux, vous prenez la D146 en direction d’Abeilhan. A trois kilomètres vous empruntez à main gauche, ce qui était à l’époque un chemin poussiéreux de limon jaune jusqu’à atteindre une minuscule bicoque dressée parmi les acacias, rayonnant sur l’ensemble d’un verdoyant panorama qu’il surplombe à quatre-vingt-dix mètres. Il domine au Sud-Ouest la vallée de la Lène. C’était Le Pioch' ou Pioch' d'Audouy. Un refuge sans eau ni électricité. Rien d’autre que de la terre, des vignes, quelques amandiers et des grillons. Le Paradis des enfants et des grands en des temps qui ne connaissaient pas la télévision, les tablettes tactiles, ordinateurs et téléphones portables et consoles vidéo.
Ma tante Marcelle, l'oncle Emilien et ma mère.
J’y suis donc retourné à pied en empruntant le faubourg Montplaisir pour rejoindre la D146. A une volée de moineaux de ce fameux Pioch', mon cousin Jacques entretient une belle propriété dont il a planté toutes les variétés arborescentes depuis quarante ans. Elles ont grandi sous l’oeil vigilant de ce travailleur dévoué qui n’a de cesse de se donner chaque jour à sa tâche. L’éblouissant résultat habille le panorama d’un joli camaïeu de vert où l’ombre se veut rafraîchissante et apaisante. Quel délice ce doit être de vivre ici, loin de la fureur du monde.
Annie, Mathilde, Mme Blanchard et Michelle.
Que dire alors de ce que j’ai vu, ou plutôt que je n’ai pas vu du Pioch’ de ma jeunesse que Jacques m’a emmené voir ?
Il n’y a absolument rien à en dire. Je soupçonne que le bâtiment d’origine a été rasé au profit d’une maison plus vaste et plus cossue dont j’aperçois la toiture par-dessus le vilain mur de parpaings qui l’entoure. Le Pioch’ est devenu un camp retranché. Les lapins ne viendront pas nuire à sa végétation comme s’en plains Jacques.
Je me demande ce que peut donc bien voir l'actuel propriétaire. Un mur de Berlin. Que serait-il devenu ce Pioch' si Jacques avait habillé de vert son enceinte avec autant de talent et de charme que la propriété dont il a la charge ? Il me l’aurait certainement sublimé comme le fait ma mémoire.
Je me demande ce que peut donc bien voir l'actuel propriétaire. Un mur de Berlin. Que serait-il devenu ce Pioch' si Jacques avait habillé de vert son enceinte avec autant de talent et de charme que la propriété dont il a la charge ? Il me l’aurait certainement sublimé comme le fait ma mémoire.
Claude, Mimi, Marcelle, Émilien, Marie-Louise debout entourée de ses parents.
la bicoque n'était pas plus grande que çà.
Les jours de « Pioch » tonton Emilien, chargeait la benne de sa camionnette de deux ou trois dames-jeannes d’eau claire, une de vin rouge, une de vin rosé, un panier avec fruits et légumes, le goûter pour les mioches, la saucisse sèche, le jambon de pays, de la viande à griller, deux ou trois mioches et en route pour le Paradis.
Le repas achevé, les discussions et les rires épuisés. L’eau de la lessiveuse était chaude, la vaisselle faite et les couverts étincelaient sur le linge où ils séchaient au soleil. Les hommes assoupies dans des chiliennes, un mouchoir sur le visage, gobaient des mouches avec des borborygmes de tuyauteries en détresse.
Les merveilleuses journées d’été que nous avons passé là, à piailler à voix basse, se dorer au soleil, se goinfrer d’amandes à en être malade à ne plus pouvoir descendre de l’arbre, à être poursuivi par des guêpes, manger des grains de raisin bleu de sulfate.
En fin d’après-midi, lorsque la lumière virait doucement, abandonnait ses teintes cristallines et sombrait avec le soleil, nous allions cueillir figues et amandes. Nous nous mettions en quête d’asperges sauvages. Capturions des sauterelles grises au ventre rouge. Nous nous amusions à les voir remuer leurs pattes et contracter leur abdomen articulé. J’enfermais mes prisonnières dans un pot vide que je trimbalais sur mon flanc dans une besace minuscule. Le long du chemin, nous les regardions sauter dans leur prison de verre. Il y avait de nombreuses haltes près des mûriers bruissant d’insectes. Nous nous griffions les jambes aux ronces. A défaut de remplir nos seaux, Nous nous barbouillions de fruits rouges portés maladroitement à la bouche par poignée.
Le soir nous regagnions la camionnette de l’oncle après avoir libéré les prisonnières. Ocre de poussière, poisseux de sucre, nous rentrions au village, les yeux fertiles, cheveux au vent et sourire aux lèvres.
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