La comédie de moeurs est, depuis plus de vingt ans, le genre dans lequel évolue avec aisance et humour l'Américain Stephen McCauley. C'est avec L'Objet de mon affection que, en 1989, nous avons fait connaissance avec ce natif de la côte Est des Etats-Unis, auteur urbain dans tous les sens du terme, peintre plein de finesse, corrosif juste ce qu'il faut, des us et coutumes sociales et sentimentales de la middle class prospère de Nouvelle-Angleterre. Ont suivi L'Art de la fugue, Et qui va promener le chien ?, La Vérité ou presque, Sexe et dépendances, et l'on s'est d'autant plus attaché à McCauley, à sa comédie humaine au long cours, que ses héros ont grandi et vieilli avec nous, avec lui.
Ils n'avaient pas encore 30 ans, et l'avenir était devant eux, au temps de L'Objet de mon affection ; les voici aujourd'hui au mitan de leur existence, plus ou moins durablement installés dans une vie professionnelle pas trop rébarbative, une vie personnelle synonyme de stabilité, de tempérance, de confort, de petits arrangements discrets avec la monogamie, la peur de l'ennui.
Ainsi Richard, dilettante directeur des ressources humaines dans une grosse entreprise, en couple avec Conrad, disposant de suffisamment de temps libre pour être inscrit dans deux clubs de fitness et pour entretenir depuis plusieurs années une liaison clandestine avec Benjamin. Lequel Benjamin est marié, père de famille, mais là n'est pas la source des tourments de Richard. C'est Conrad, en fait, qui l'inquiète, depuis qu'il a noué, lui aussi, une liaison extraconjugale qui semble menacer le couple qu'il forme avec Richard... Banal vaudeville gay ? Il y aurait de cela, ne serait la tendre et pétillante empathie que McCauley manifeste à l'endroit de ce petit monde dont il suit, non sans gravité parfois, les hésitations, les inquiétudes, les tiraillements. Cela tout au long d'un hiver spécialement glacial de la fin de l'ère Bush - climat dont la mélancolie s'accorde aux humeurs douces-amères de Richard, Conrad, Benjamin et les autres...
L'autre homme de ma vie de Stephen McCauley ed Baker Street.
Nathalie Crom
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