La chanson vient de la nuit des temps. The House of the Rising Sun, c'est d'après les paroles américaines un bordel de la Nouvelle-Orléans. Alan Price, l'organiste des Animals, jurait ses grands dieux qu'une version anglaise du XVIe siècle parlait déjà d'un lieu de perdition situé à Soho. Quand le groupe de Newcastle en fait un tube en 1964, on peut mettre plusieurs noms sur ce thème rebattu : Joan Baez, Bob Dylan, Nina Simone, celle-ci modifiant les mots pour en faire l'histoire d'une femme. Le gospel-bluesman Josh White l'a chantée aussi dès 1950, et avant cela on remonte à l'archéologie des field recordings d'Alan Lomax. Dylan a, lui, piqué l'arrangement à son collègue Dave Van Ronk.
Mais c'est Price qui rafle la mise en vrillant le morceau de son orgue. L'instrument n'a pas la solennité qu'on entendra un peu plus tard chez Procol Harum, on ne peut pas dire que les Animals ramènent la chanson du bordel à l'église. Ils viennent plutôt lui brancher l'électricité, qui n'est pas ici synonyme de confort. L'autre moteur de la bête rugissante est évidemment la voix d'Eric Burdon. Sur la photo noir & blanc de mon 45-tours, il est au milieu, casquette enfoncée sur les yeux à la Andy Capp, encore gamin des faubourgs. Lui et ses potes vénéraient Ray Charles et John Lee Hooker, ils ont aligné les reprises pour enfoncer le clou. Burdon a l'air d'un gosse mais peut chanter I'm a man sans rougir. Dans la même promo venaient Van Morrison de Belfast et le tout mignon Mick Jagger de Londres (avant qu'il apprenne à danser). On ne songe plus trop à les comparer aujourd'hui, ces trois-là… Le texte de Rising Sun est lourd de repentir mais la voix chargée de menace. A l'époque, la radio donnait d'abord la version de Johnny Hallyday. Notre jeune et joli « américain » de service… Quand on finissait par tomber sur celle des Animals, c'était une autre paire de boots. A côté, Le Pénitencier ne tient plus que comme souvenir d'enfance.
François Gorin
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