« Nos ancêtres les Gaulois. » C'est ainsi que débutent les cours d'histoire des écoles du Tonkin, du Dahomey ou du Soudan, à l'orée du XXe siècle. Le domaine colonial français 11 millions de kilomètres carrés, 48 millions d'habitants occupe alors le deuxième rang mondial.
Quoi de plus révélateur du projet colonial que les manuels, les images, le matériel pédagogique destinés aux écoles de l'"empire"? Didier Daeninckx , journaliste, romancier ancré dans la réalité sociale, prolonge son étude des parts d'ombre du fait colonial entamée avec Cannibale (où il revisitait les coulisses tragiques de l'Exposition Coloniale de 1931 et dont il publie une suite) par un dossier imagé des errements de la doctrine pédagogique de la France coloniale, entreprise dont les dommages collatéraux sont toujours à l’œuvre.
Les écoliers d'Afrique subsaharienne, d'Asie, d'Océanie, des Antilles ou du Maghreb sont éduqués pour devenir de vrais Français. Chaque matin les cours commencent après avoir inscrit en français sur un tableau noir : « Mes enfants, aimez la France votre nouvelle patrie. »
L'apprentissage de la langue est l'élément clé de la francisation. Hygiène, discipline et morale, les valeurs civilisatrices, sont inculquées sur un mode paternaliste tricoté de racisme.
Le traitement manichéen réservé à l'expansion coloniale dans les manuels scolaires reflète l'idéologie d'alors : le colonialisme envisagé comme une nécessité politique, économique et humanitaire, une oeuvre républicaine apte à établir ordre et paix. Un enseignement pour modeler aux besoins de la France une future main-d’œuvre qu'il importe d'assimiler. En écho, les cartes de géographie détaillent les richesses économiques des « possessions » françaises et des affiches scolaires édifiantes sanctifient Savorgnan de Brazza ou Lyautey comme «pacificateurs».
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