Jusqu’à mes quarante ans, j’ai cru Gustave Flaubert travesti chez Michou. « Madame Bovary, c’est moi ! » y était certainement pour quelque chose. Ensuite j’ai appris qu’il était né, puis mort, un peu comme tout le monde, qu’entre les deux il avait écrit un peu et mis la main au Collet, parfois. Au demeurant, rien de bien passionnant. Pis, faut avouer que ce gars là ne me disait rien qui vaille, comme tous ces plumitifs morts avant 1952. Faut y être con !
Un copain à moi, une peu dans la littérature, beaucoup dans la philo, me disait : « Essaie ! Mais essaie donc ! » et moi de penser que j’avais bien le temps de m’y mettre, vu que j’avais attendu jusque là sans que cela vint à me manquer.
Un jour de grande fièvre et de profond désarroi, en proie au ravage de la grippe j’ai avalé « l’Education sentimentale » comme un comprimé de paracétamol. Cela me fit du bien. J’ai continué le traitement avec « Madame Bovary ». Ce fut comme une révélation. Depuis je soigne ma morosité avec une ordonnance du bon docteur Flaubert.
La première biographie sur Flaubert lu par mes soins, fut celle d’Henry Troyat dont le talent la laisse comme un roman. Poussé par la curiosité j’ai savouré le livre de Julian Barnes « Le perroquet de Flaubert » en 1986 puis la monumentale biographie d’Herbert Lottman en 1989, suivi quelque temps plus tard par cette fantastique série de conférences de Pierre-Marc de Biasi sur les manuscrits de Flaubert organisée par le Musée d’Orsay, véritable et passionnante enquête policière bien plus captivante que les ouvrages érudits et spécialisés de l’auteur.
Depuis, pour ma part, peu de choses. J’ai bien tenté la lecture du premier tome de « l’Idiot de la famille » la somme inachevée sur Flaubert par Jean-Paul Sartre en ne me reconnaissant à sa lecture que dans le titre. J’en suis resté comme une grosse bête.
Et voila que parait ces jours-ci une nouvelle biographie de l’ours de Croisset. Que peut-elle m’apporter de plus que les autres ? A nouveau, mes réticences imbéciles. J’aurais pu me contenter d’en lire le compte rendu dans la presse spécialisée afin de m’en faire une idée précise sans avoir même à la lire, tant les critiques se veulent également grands biographes. Bien m’en a pris de ne pas y céder. Car l’historien, auteur du « Siècle des intellectuels » offre un ouvrage remarquable tant par sa recherche documentaire littéraire et historique, que par sa qualité de plume. Il replace l'existence de l'écrivain, dans un siècle politiquement instable, qu’il détestait mais qu’il a si bien décrit. Un auteur réactionnaire, certes, haineux d’un présent qu’il jugeait médiocre, mais un des écrivains les plus talentueux du XIXème siècle.
Flaubert avait le culte de l'amitié. Alfred Le Poittevin, ou Maxime du Camp, ont entretenu avec lui des relations très fortes. Pas au point de se pacser. Faut-il leur supposer des liens homosexuels comme certains passages extraits de leurs correspondances pourraient le laisser imaginer ? Michel Winock ne le pense pas mais il confirme, en revanche, les expériences pédérastiques de Flaubert en Orient. A Trabadjalamou (Caire) ce bon Gustave n'a pas fait que succomber sous le charme de la courtisane Kuchuk Hanem. Ce qui laisse entendre que, sans le savoir, je ne me trompais guère.
Michel Winock, Gustave Flaubert, Gallimard
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