jeudi 4 décembre 2008

Big Brother !

Tiens, l’autre jour en allant au boulot, j’ai oublié mon badge. Alors, je me suis dénoncé au pointeau à l’entrée qui aussitôt a noté l’infraction sur une feuille volante avant que le gardien ne vienne m’ouvrir mon local « à la main ». Parce-que le gardien il a la clef de partout. Mais il n’a pas de badge. Il a juste des clefs.
Ce qui fait que de toute la journée, le logiciel des RH n’a pu comptabiliser mes heures. Et sans badge, eh bien tu ne manges pas non plus, (heureusement l’hôtesse de caisse, qui n’est pas encore une machine, avait mon numéro, donc elle a pu défalquer de mon compte, le montant de mon repas.) Plusieurs fois dans la journée, la même, celle sans badge donc, quand par mégarde je suis resté enfermé dehors, il a fallu que je fasse appel à un collègue accrédité ou alors repasser par le gardien pour qu’il vienne à nouveau m’ouvrir « à la main ».
Le lendemain, bien entendu, j’avais mon badge, mais mon compteur d’heures n’était pas à jour. Alors mon responsable, (qui n’est pas une machine), est le seul accrédité pour mettre à jour ma feuille d’heures du mois, et faire le nécessaire sur le logiciel des RH. Parfois, mon responsable, ben il est malade. Alors pour valider la feuille d’heures ou mes congés c’est un peu plus compliqué. On peut même dire que c’est franchement emmerdant. Mais bon. *
Je sais bien que si j’ai lecteur éventuel en Corrèze ou en Creuse il doit se demander ce que veut dire tout ce charabia. Alors, je m’excuse mais je m’explique pour tous les Corréziens et les Creusois, les autres aussi, qui ne savent pas.
Avant, au sortir des Trente Glandeuses, en 1975 j’ai été embauché dans une boite parisienne où je suis toujours. Je rassure tout de suite ceusses qui croivent que je suis enfermé dedans ma boite à cause de mon badge depuis 33 ans. J’y suis volontairement. Ils me laissent sortir le soir et j’y reviens le lendemain matin. On ne peut pas dire que je jappe et tire sur ma laisse, au fil des ans j’ai même un peu la jambe rétive mais je reviens quand même comme un bon toutou fidèle.
Mais en 1975, alors que je frétillais allégrement de la queue, il n’y avait pas de badge, seulement un pointeau et une feuille à signer deux fois par jour. Quand on était en retard, il fallait négocier sévère avec le pointeau pour signer avant le ramassage des feuilles de présence. Après il y a eu une pointeuse qui grignotait votre carte deux fois par jour. Puis on lui a associé le badge à présenter à l’entrée afin de signifier son appartenance à l’Entreprise avant que le badge ne remplace à son tour la pointeuse renommée badgeuse. Vous y êtes ?
Puis on y a ajouté notre photo sur le badge. Ca fait tout de suite plus classe avec la gueule accrochée à la chemise, à la veste ou au pantalon comme un agent de la CIA. Eh attendez on à même les téléphones Cisco, le modèle qu’ils ont tous à la CAT (Cellule Antiterroristes) dans 24h chrono. Depuis, je me prends pour Jack Bauer. Je parle à mes boutons de manchettes et je protège Faride le grand black du courrier en l’appelant « Monsieur Le Président.» Bon mais ça c’était du temps de la saison 1 et 2, avant qu’Obama y casse la Barack.
Bref ! Donc maintenant tout le monde aura compris que j’ai un badge d’accès à mon entreprise avec ma photo, qui m’autorise à pointer quatre fois par jour, qui je charge financièrement pour un accès au restaurant d’entreprise et qui me donne accès direct à mon lieux de travail.
Oui ? Parce-que moi, j’ai un accès sécurisé. Il est limité à moi seul, aux membres de la sécurité, mon responsable et l’infirmière pour m’asperger de flotte au cas où j’aurais un grand coup de chaud dans mon bocal. C’est à dire que le jour ou mes collègues voisins et mon responsable sont absents, que l’infirmière est en formation et que le gardien cherche partout la clef de l’armoire à clef, eh bien moi, je peux crever comme une vieille merde ! Je ne sais pas d’où vient l’expression. Une merde étant par essence un élément mort. Une vieille merde, c’est une merde qui est morte depuis longtemps. Donc c’est plus grave. Comprenez ?
*
Vous allez me dire : « Mais pourquoi vous avez un local de travail seul et sécurisé ? » et je vous répondrais : « parce-que !….Moi, on s’en fout que je meure dans les flammes, mais pas les documents dont je suis le SEUL garant de l'intégrité morale et physique. » Je sais, le type en Corrèze avec ses brebis il se dit « Ben, putain y sont bien cons ces Parisiens ! » et moi de lui répondre : « Ben, oui, ont est cons, et alors, vous pensez que ça nous amuse, nous d’être aussi cons ? Parce-que nous, Môôôôssieu, ce n’est pas comme en Corrèze, on a même des plans d’évacuation des locaux que quand vous le lisez, c’est marqué en gros en rouge : Vous êtes ici.
Ils savent tout que je vous dis ! Ce n’est même pas la peine de lutter, ils savent tout. Comme Big Brother dans le roman d’Orwell, mais en piiiiiirrrrrrrree.
Tiens, l’autre matin, voilà t’y pas que je sens une violente pression verticale du haut vers le bas accompagnée de borborygmes et flatulences nauséabondes….
Et revoilà mon corrézien : « pouvais pas le dire plus tôt, ce con, on aurait compris vite fait pourquoi son local il était sécurisé et solitaire… »
…….donc j’avais envie de chier. Je me suis précipité au local approprié pour déféquer en paix. Mais les choses ne sont jamais simples. Déjà faut repasser derrière le précédent qu’avait un contrat de travail en rupture comme ses boyaux pour avoir laissé tout ça comme un gros saligaud qu’il est. Deuzio : quand j’ai constaté les dégâts, genre traces de pneus du freinage d’un trente tonnes, j’ai sorti l’alcool modifié à 70% de mon sac à dos avec les lingettes et tout, pour nettoyer la lunette au cas où sont gros cul il aurait suinté dessus. Troizio : c’est ce moment là qu’attendais tous ce qui étais dans ma poche de chemise pour tomber dans la cuvette des chiottes, vous savez le moment où j’ai appuyé rageusement sur l’évacuation et que des trombes d’eau ont tout emporté tout sur leur passage comme la mer Rouge déchaînée les Armées de Ramsès II. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvées, fruits et légumes, yaourt et tutti quanti. Sans oublier les objets perso. Fataliste, j’ai donc chié en paix. Cinquio : j’ai tout nettoyo. Sizio : j’ai tiré la chasse d’eau. Et là, pas de miracle, les chiottes sont restées bouchés.
Putain, c’était bien ma veine que ça tombe sur moi les plaies d’Egypte. Même Cecil B de Mille, il se fendait la gueule en catimini tellement j’étais dans la Moïse, ou la mouise si vous préférez. Alors, quand le Malstrom s’est calmé et que les eaux sont devenues d’huile comme la surface du lac Pipicaca, elles étaient trop troubles pour y voir quelque chose ou y trouver quoi que ce soit. J’ai donc abandonné les recherches. Dehors, on entendait souffler le vent dans les ramures j’ai relevé le col de ma veste question d’affronter les intempéries. Surgissant en pleine lumière, je me suis battu respectivement avec le distributeur de savon puis de serviettes qui ne lâchait que des bouts de papiers à l’arrache, tant le lot de serviettes était enfermé serré. J’ai terminé l’essuyage sur le bénouze et rejoins mon bureau sans être vu. Lac Pipicaca, pas moi.
Seulement, voilà, j’étais enfermé dehors, because j’avais du oublier encore ce putain de badge à l’intérieur. Heureusement, j’avais un petit déplacement à l’extérieur et comme on était en été, j’ai pu me barrer en l’état. Au retour, Abraham, m’a demandé mon badge. Reconnaissez, avoir été dans la Moïse comme je l’ai été et être interpellé par Abraham, c’est soit une sacrée coïncidence ou une malédiction de tous les diables.
J’étais bien obligé d’avouer que je ne l’avais pas sur moi. Alors, Moîse à ouvert la Mer Rouge et Abraham son tiroir pour en sortir mon badge. « Où tu l’as trouvé ? » j’ai gémis, un rien interloqué. - « Un ouvrier l’a trouvée dans les chiottes en venant les déboucher ! » Big Brother savait tout !

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