J'ai une maison dans La Creuse. Ceci implique de bricoler et de tondre. J'ai découvert ces joies de l'univers il y a dix ans après avoir été mis sur orbite autour d'une perceuse en rotation et m"être planté un tournevis dans une main bleue sous les coups de marteau. Depuis, je reste prudent. Cependant le gazon me sollicite et je vais devoir, contraint et forcé acquérir une tondeuse thermique tractée à moteur quatre temps et sac de 70 litres. Ca va chier ! Ca va chier, mais j'ai peur. Ma première approche d'une tondeuse n'a pas été des plus faciles. Déjà que ravager comme un malade, cent mètres carrés de pelouse derrière un pavillon, entre huit heures et midi, comme le prévoit les règlements communaux, est une distraction dont le sens m'échappe totalement. Un jour, quand j'étais jeune, un copain dont je gardais le pavillon l'été, prêtait sa tondeuse à son beau frère. Il fallait donc placer ladite tondeuse à gazon dans le coffre de la voiture du dit beau frère. Une tondeuse normale. Vous ouvrez le coffre, vous vous placez de chaque coté de la tondeuse. Vous la soulevez. Vous la glissez en douceur dans le coffre. Rien de bien compliqué. Un truc tranquille, peinard.
Nous nous sommes donc positionnés, le beau-frère et moi de chaque côté de la tondeuse. J’ai cherché une prise. Quelque chose pour ne pas me cisailler les pognes à la première levée. J’avais prévu des gants de manutention au cas où. Arc-boutés, bien plantés sur le sol, une bonne assise sur les jambes, on ressemblait à deux piliers de rugby.
On s’est regardé le beauf frère et moi. Il faisait un peu frisquet en ce petit matin d’été. Il m’a adressé un clin d’oeil. J’ai ronchonné un mouais! en fermant les yeux. A trois on allait te mettre la bécane dans le coffre comme une lettre à la poste. Le gars a lâché un Han! rageur. J’ai vu l’engin décoller. Je n'ai pas bougé d'un pouce, ou alors à peine. J’ai tout de suite senti que quelque chose n’allait pas. L'autre également. Les tempes compressées par l’effort, il me regardait. Tout le poids de la tondeuse pesait sur lui. Fortiche, le gars. Il ne s’est pas dégonflé. Il l’a prise à bras-le-corps, le regard fou, la langue pendante. La posture du Lion. J’ai cru qu’il allait mourir. Il étreignait sa tondeuse comme un sumo. Moi, je m’en foutais de sa tondeuse. Elle pouvait exploser comme une limousine de cinéma ou finir sur le ciment, ce n'était pas mon problème. J’avais les reins en compote et le souffle coupé. Je lui lançai un signal de détresse. Le type est resté de marbre, si je puis dire. Une tondeuse en copropriété, avec encore dix-huit mois de crédit, ça se laisse pas choir sur les dalles du jardin, pour venir en aide à un quidam, tout copain de son beau-frère soit-il. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Personne n'a eu le temps de réagir, que la tondeuse était dans le coffre avec le beau-frère dessous.
Un lumbago foudroyant, voilà ce que j'avais. J’avais pris cinquante ans d’un coup. Même parler me faisait souffrir. Une fois la tondeuse en sûreté, le beau-frère s'est inquiété de mon état. J'ai assuré en lui adressant une main molle et sans vie. Il a filé, me laissant statufié comme un nain de jardin à sucer des bonbons au Voltarène.
Depuis, abonné à Body-bulding, je soulève chaque matin, des tondeuses pour entretenir ma forme.
1 commentaire:
Un mouton fait cela tout seul et le soir venu... il rentre sur ces quatre pattes.
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