jeudi 23 mai 2013

Tonton René



L’homme au premier plan vêtu d’une chemise à carreaux est tonton René. Je l’ai toujours appelé ainsi. Tonton René était un enfant adopté. Je ne l’ai su que bien plus tard au hasard d'une conversation. Qu'importe ! Il était et reste tonton René.Tonton René était le demi-frère de ma tante Marcelle l’épouse de mon oncle Emilien frère aîné de ma mère. Célibataire endurci, il travaillait à Toulouse et passait week-ends et congés à Servian chez sa sœur où il disposait d’une chambre attitrée. Cet homme imposant roulait les R comme un torrent ses cailloux.
 Tonton Rrrrrrrrrrené intimidait fort les enfants que nous étions mais nous l’aimions et il nous le rendait bien. Et quel pif que le nez de cet homme! Un nez large, bulbeux et sanguin plus gros qu’une patate. Je m’en étonnais auprès de mon père qui me confessa que tonton René s’endormait enfant après s’être fourré les doigts dans le nez, ce que je ne fis plus sans le modeler par la suite afin qu’il retrouve sa morphologie d’origine. Les encyclopédies médicales expliquent que pour des raisons mal connues, chez certaines personnes la rosacée conduit à une augmentation de volume des glandes sébacées, ces petites glandes de la peau responsables de la production de sébum. Les pores de la peau se dilatent, la peau s'épaissit et devient fibreuse et des nodules apparaissent au niveau du nez qui se déforme de façon majeure. Je dois admettre qu’il n’en était pas encore là mais un regard d’enfant accentue volontiers les imperfections des adultes et les conserve envers et contre tout en mémoire.

Par temps gris, ma cousine et moi prenions place dans le grenier et feuilletions la collection de Salut les copains et Mademoiselle âge tendre. Se croyant seul dans sa chambre à deux pas, tonton René s’était soulagé les viscères en un mitraillage assourdissant. Annie et moi en restâmes pantois. Le calme revenu nous sommes sortis de l’abri antiaérien et avons investi la chambre de tonton René afin de vérifier l’état de son pyjama. Nous fûmes médusés. La culotte en était fendue. Quel cul ! Quel souffle ! Le bonhomme n’avait pas qu’une forte dilatation du nez mais aussi du cul. Il nous en impressionna. Nous ne le regardâmes plus jamais du même œil. Si l’odeur était aussi forte que la violence de ses pets, pas étonnant alors qu’il ne s’endorme avec les doigts dans les narines en respirant par la bouche.

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