Comme le suggère Andreas Staier, dans l'entretien filmé qui complète son enregistrement, les Variations Goldberg ont constitué pour Bach une revanche sur une carrière professionnelle qui, dans la cité universitaire de Leipzig comme à la petite cour provinciale de Köthen, lui refusait les satisfactions et la reconnaissance espérées. Vers 1740, il se lance donc le défi fou de cette heure un quart de musique, s'impose ce tour de force herculéen, qui doit prouver ce qu'il est capable de réaliser et que personne d'autre que lui ne peut accomplir. ?L'hypothèse d'Andreas Staier est infiniment plus plausible que la légende romancée qui a donné son titre raccourci à l'oeuvre: un ambassadeur insomniaque, occupant ses nuits blanches à se faire jouer par l'apprenti claveciniste Gottlieb Goldberg, élève du Cantor, les trente variations en boucle. Les prouesses techniques qui attendent l'exécutant excluent d'emblée un novice. La maîtrise d'Andreas Staier à triompher de ces embûches est d'autant plus jubilatoire qu'il touche un magnifique clavecin, à deux claviers comme l'exige Bach, d'une profusion de couleurs, d'une opulence d'harmoniques qui évoquent les registrations fastueuses de l'orgue. Les Goldberg s'épanouissent, telle une Brocéliande foisonnante, où la tranquille sarabande initiale se métamorphose inépuisablement, des mains de l'enchanteur Merlin à celles de la fée Viviane."
Gilles Macassar. Telerama n° 3137 - 27 février 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire