mercredi 23 juillet 2008

Elise, appelle la Police !

Mon père a été emporté par la télévision. J’en ai la preuve formelle. Au milieu des années 1950, Jean D’Arcy, patron de la chaîne télévisuelle, propose à Denise Glaser une émission d’information sur le disque. C’est ainsi que naît "Discorama". Discorama était un rendez-vous consacré à l'actualité de la chanson, du disque, du théâtre et du cinéma où alternaient chansons et interviews menées de main maître par Denise Glaser qui savait manier le silence mieux que personne et parvenait à faire se dévoiler autrement tous les artistes, y compris les plus réservés, sachant que la meilleure façon de faire parler quelqu’un est de l’écouter et de se taire. Elle en fera le rendez-vous incontournable des Français le dimanche à 12h30. Dans un décor minimaliste, où seules deux chaises sont installées, Discorama apporte un souffle nouveau et une ambiance intimiste toute nouvelle également. C’est aussi la première émission où les chanteurs peuvent vraiment s’exprimer. Denise Glaser fait découvrir pendant seize années consécutives de jeunes inconnus, rencontrés en parcourant les salles de spectacles parisiennes et provinciales. Elle sera à l’origine de nombre de carrières comme celles de Barbara, Serge Gainsbourg, Catherine Lara, Maxime Le Forestier... L'émission est également restée célèbre pour son parti-pris de réalisation, qui consiste à filmer, le plus souvent, de Denise Glaser et de son invité, non pas la personne qui parle mais celle qui écoute. On obtient ainsi des gros plans trahissant d'une manière étonnante les émotions des interlocuteurs. Clairement ancrée à gauche, Denise Glaser a fini par être remerciée, après plus de 15 ans d’un travail d’une qualité irréprochable, suite à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République en 1974. Il ne l’avait jamais invité pour son jeu célèbre à l’accordéon. Mais imaginez la société française en 1970. Mon père après avoir été courir a déjà raté « le Jour du Seigneur. » « Télé Philatélie » le laisse indifférent. « La séquence du spectateur » l’agace par la brièveté des extraits proposés. Heureusement il reste « Discorama. » Un moment de quiétude musicale avant les terribles nouvelles du journal de 13 heures. Il est douze heures trente. Deux années après les « Evénements » la France à soudain peur et Roger Giquel n’y peut rien faire. Mon père attaque sa cuisse de poulet. Il sera emporté bien des années plus tard, mais je reste assuré que ce jour mémorable il lui en restera des séquelles que l’un de ses petits enfants, affecté lui aussi du même mal congénital et incurable, tente de conjurer en vain.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

c'est autre chose que Johnny chante Rafarin !